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Copropriété

Syndics de copropriété : acteurs clés de la rénovation énergétique en Île-de-France

Syndics de copropriété : acteurs clés de la rénovation énergétique en Île-de-France

Face à l’urgence climatique, la rénovation énergétique des bâtiments est devenue une priorité nationale. En Île-de-France, les syndics de copropriété se retrouvent en première ligne de ce défi. Une étude menée par L’Institut Paris Region, en collaboration avec des sociologues indépendants, révèle les mutations profondes de cette profession. Comment ces acteurs s’adaptent-ils aux nouveaux enjeux énergétiques ? Quels obstacles rencontrent-ils et quelles solutions proposent-ils ? Entre freins organisationnels et opportunités de développement, les syndics de copropriété jouent un rôle important dans la transition énergétique du parc immobilier francilien. Cette recherche met en lumière les défis auxquels ils font face pour concilier gestion quotidienne et projets de rénovation d’envergure.

Sommaire :

Le contexte de la rénovation énergétique en Île-de-France

L’importance des copropriétés dans le parc immobilier francilien

L’Île-de-France compte 127 923 copropriétés immatriculées au registre national des copropriétés en 2023, représentant environ 2,5 millions de logements. Parmi ces logements, 1,2 million sont classés E, F ou G pour leur performance énergétique. Ce qui souligne l’urgence de la rénovation énergétique dans la région.

Comme le précisent Franziska Barnhusen et Anne-Claire Davy de L’Institut Paris Region, “le secteur résidentiel représente 37,6% de la consommation énergétique de l’Île-de-France”.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les copropriétés franciliennes sont très majoritairement gérées par des professionnels. Seuls 5% du parc relève d’une gestion bénévole. Les syndics professionnels sont donc des acteurs incontournables pour accélérer la rénovation énergétique dans la région.

Les objectifs de rénovation énergétique

Le rythme actuel de rénovation énergétique des copropriétés est largement insuffisant. Selon les données de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement Île-de-France, moins de 300 copropriétés ont été rénovées entre 2018 et 2022. Ce qui représente près de 22000 logements. Or, pour atteindre les objectifs nationaux à l’horizon 2050, il faudrait rénover annuellement environ 120000 logements en copropriété, contre moins de 30000 en 2022.

Syndics de copropriété : acteurs clés de la rénovation énergétique en Île-de-France
Rénovations énergétiques de 2018 à 2022 par département

L’urgence de la situation est accentuée par l’évolution du cadre réglementaire. En effet, de nouvelles exigences vont bientôt entrer en vigueur. Notamment, dès 2025, toutes les copropriétés seront soumises à l’obligation de réaliser un plan pluriannuel de travaux. Cette mesure, introduite en 2021, vise à accélérer la rénovation du parc immobilier. Par conséquent, les syndics et les copropriétaires doivent rapidement s’adapter à ces nouvelles contraintes. De plus, l’augmentation des prix de l’énergie a suscité un effet de panique dans de nombreuses copropriétés, renforçant la nécessité d’agir rapidement.

Les défis rencontrés par les syndics de copropriété

Une charge de travail accrue

Les syndics de copropriété font face à une augmentation significative de leur charge de travail liée aux projets de rénovation énergétique.

Gaëtan Brisepierre, sociologue indépendant impliqué dans l’étude, souligne : “Chaque projet de rénovation énergétique engendre une importante charge de travail additionnelle. Cela commence dès les diagnostics et se poursuit pendant la phase de conception.”

Par ailleurs, cette charge de travail supplémentaire s’avère particulièrement critique à certaines étapes clés du projet. Tout d’abord, lors du montage financier, les syndics doivent consacrer un temps considérable à l’élaboration des dossiers de subventions et de prêts. Ensuite, pendant la phase de réalisation, le suivi des travaux nécessite une implication constante. En effet, les syndics de copropriété sont tenus de participer régulièrement aux réunions de chantier, ce qui alourdit encore leur emploi du temps. Ces responsabilités accrues représentent un défi majeur pour l’organisation traditionnelle des cabinets de syndics. En outre, le modèle d’organisation traditionnel des cabinets “en trinôme” (un gestionnaire, un comptable et un assistant gérant un portefeuille de copropriétés) ne permet souvent pas d’y faire face efficacement.

Les défis rencontrés par les syndics de copropriété

Un besoin de nouvelles compétences

La rénovation énergétique nécessite des compétences techniques que les syndics ne possèdent pas toujours. L’étude révèle que “la diversification des profils des gestionnaires est une opportunité pour renforcer les compétences techniques dans un métier traditionnellement tourné vers les formations juridiques.”

Par exemple, l’enquête a identifié un jeune gestionnaire ayant commencé des études d’architecture avant de se reconvertir dans la gestion des copropriétés. Ce type de profil polyvalent pourrait être un atout majeur pour les cabinets de syndics face aux défis de la rénovation énergétique.

Un modèle économique inadapté

Le modèle de rémunération actuel des syndics de copropriété se révèle inadapté aux exigences et aux défis posés par les projets de rénovation énergétique. Traditionnellement basé sur un pourcentage des travaux réalisés, ce système de rémunération présente plusieurs lacunes. Il ne prend pas en compte, notamment, le travail préparatoire conséquent et le suivi à long terme nécessaires à ces projets.

face à la complexité et à la durée des projets de rénovation énergétique.

Un décalage temporel problématique

Les auteurs de l’étude soulignent un point crucial : “ Compte tenu du rythme des assemblées générales (AG), trois ans s’écoulent généralement entre le vote des diagnostics préalables et le démarrage des travaux.”

Cette période prolongée entre l’initiation du projet et sa réalisation effective crée un véritable défi financier pour les syndics de copropriété.

En effet, durant cette phase préparatoire, les syndics doivent :

  • Investir du temps dans la recherche et l’analyse des différentes options de rénovation
  • Coordonner les diagnostics énergétiques
  • Organiser des réunions d’information avec les copropriétaires
  • Préparer des dossiers détaillés pour les assemblées générales
  • Négocier avec différents prestataires et entreprises

Or, toutes ces activités nécessitent un investissement conséquent en temps et en ressources, sans pour autant générer de revenus immédiats pour le syndic.

Un risque financier non négligeable

Le problème s’aggrave lorsqu’on considère que le vote final des travaux n’est pas garanti.

Un syndic d’un groupe immobilier à Paris témoigne : “Quand ils n’ont pas le droit à MaPrimeRénov’, ce n’est pas très moteur.”

Cette remarque met en lumière la dépendance des projets aux aides financières. Et, donc, l’incertitude qui pèse sur leur réalisation effective. Si les copropriétaires décident finalement de ne pas procéder aux travaux, le syndic se retrouve dans une situation où il a investi considérablement sans aucun retour sur investissement. Et, cette réalité peut conduire certains syndics à adopter une attitude prudente, voire réticente, face aux projets de rénovation énergétique.

Un besoin de repenser la rémunération

Face à ces défis, il apparaît nécessaire de repenser le modèle économique des syndics. Plusieurs pistes pourraient être explorées :

  • Une rémunération partielle pour la phase préparatoire, indépendamment du vote final des travaux
  • Des primes ou des incitations financières liées à l’initiation et à l’accompagnement de projets de rénovation énergétique
  • Un système de rémunération échelonné, qui considèrerait les différentes étapes du projet, de la conception à la réalisation

Un syndic de copropriété indépendant à Paris suggère : “Il faudrait peut-être envisager un forfait spécifique pour la gestion des projets de rénovation énergétique, qui serait distinct de notre rémunération habituelle.”

L’impact sur la qualité de l’accompagnement

Ce modèle économique inadapté a des répercussions sur la qualité de l’accompagnement proposé par les syndics. Confrontés à ces contraintes financières, certains peuvent être tentés de limiter leur investissement dans les phases préparatoires des projets. Et, cela, au détriment de la qualité globale de la rénovation.

Un gestionnaire d’un grand groupe immobilier confie : “On est parfois tiraillés entre notre volonté d’accompagner au mieux les copropriétés dans leur transition énergétique et la réalité économique de notre activité.”

Ainsi, l’adaptation du modèle économique des syndics de copropriété apparaît comme un enjeu majeur pour faciliter et accélérer la rénovation énergétique des copropriétés. Sans une évolution de ce modèle, il sera difficile de mobiliser pleinement ces acteurs clés dans la transition énergétique du parc immobilier francilien.

Les stratégies d’adaptation des syndics

Réorganisation interne

Face aux défis posés par la rénovation énergétique, de nombreux cabinets de syndics de copropriété repensent leur organisation interne. Cette évolution organisationnelle poursuit un double objectif. D’une part, elle vise à mieux répondre aux exigences techniques et administratives des projets de rénovation. D’autre part, elle cherche à maintenir la qualité du service de gestion courante. En effet, les syndics de copropriété doivent relever le défi de gérer ces projets complexes sans pour autant négliger leurs missions habituelles. Ainsi, cette réorganisation permet d’optimiser leurs ressources et de s’adapter aux nouveaux enjeux du secteur.

Création de postes spécialisés

L’étude met en lumière une tendance significative : “Les syndics franciliens les plus impliqués dessinent de nouveaux modèles organisationnels.” Cette réorganisation se traduit notamment par la création de postes dédiés à la rénovation énergétique. Par exemple :

  • Responsables travaux. Certains cabinets indépendants recrutent des professionnels spécialisés dans la gestion de projets de rénovation. Un syndic parisien témoigne : “Notre responsable travaux a une formation d’ingénieur en bâtiment. Il apporte une expertise technique précieuse et rassure les copropriétaires.”
  • Chargés de projet rénovation énergétique. Ces postes, à mi-chemin entre la gestion et la technique, permettent un suivi personnalisé des projets. Un cabinet de l’Est parisien explique : “Notre chargée de projet rénovation énergétique fait le lien entre les gestionnaires, les copropriétaires et les entreprises. Elle parle le langage de chacun.”

Mise en place de pôles spécialisés

Au-delà des postes individuels, certains cabinets optent pour la création de véritables pôles dédiés à la rénovation énergétique. Cette approche permet de concentrer les compétences et de développer une expertise pointue.

Un syndic des Hauts-de-Seine décrit : “Notre pôle rénovation regroupe un ingénieur, un thermicien et un expert en financement. Ils interviennent en support de nos gestionnaires sur tous les projets de rénovation énergétique.”

Adaptation des grands groupes immobiliers

Les grands groupes immobiliers, disposant de plus de ressources, mettent en place des stratégies à l’échelle nationale :

  • Services d’assistance centralisés. Rattachés au siège, ces services apportent un soutien aux gestionnaires locaux.
  • Plateformes numériques dédiées. Certains groupes développent des outils digitaux pour faciliter la gestion des projets de rénovation. “Notre plateforme permet de centraliser toutes les informations d’un projet : diagnostics, devis, planning. C’est un gain de temps considérable pour nos gestionnaires,” indique un responsable innovation d’un groupe national.

L’approche des nouveaux entrants de la Proptech

Les syndics issus de la Proptech apportent une approche novatrice, souvent basée sur l’utilisation intensive des technologies numériques :

  • Pôles travaux intégrés. Ces nouveaux acteurs intègrent dès leur conception un pôle travaux spécialisé. Le fondateur d’une start-up de syndic en ligne explique : “Notre pôle travaux est au cœur de notre offre. Il gère l’intégralité du projet de rénovation, de l’audit initial à la réception des travaux.”
  • Outils de simulation et de suivi. Ces entreprises développent souvent des outils numériques avancés. “Notre application permet aux copropriétaires de simuler différents scénarios de rénovation et d’en voir l’impact sur leurs charges. Cela facilite grandement la prise de décision en AG,” précise un responsable produit d’une Proptech.

Impact sur l’efficacité et la qualité de service

Ces réorganisations ont un impact significatif sur la capacité des syndics à gérer efficacement les projets de rénovation énergétique. Ces évolutions organisationnelles témoignent de l’adaptation progressive du secteur aux enjeux de la rénovation énergétique. Elles illustrent la capacité d’innovation des syndics face aux nouveaux défis, tout en soulignant les disparités qui peuvent exister entre les différents acteurs du marché.

Formation et montée en compétences

Les syndics investissent dans la formation de leurs équipes.

Comme le soulignent les auteurs, “les managers endossent des rôles de formateur, de soutien technique et de veille juridique pour leurs collaborateurs, se portant garants de la qualité de la gestion des copropriétés au sein des cabinets.”

Cette montée en compétences est cruciale pour répondre aux attentes des copropriétaires et des pouvoirs publics. Certains managers sensibles à l’enjeu des économies d’énergie et occupant un poste stratégique jouent un rôle essentiel dans la transition du cabinet vers le soutien à la rénovation énergétique.

Développement de partenariats

Pour faire face à la complexité des projets de rénovation, les syndics de copropriété développent des partenariats avec des acteurs spécialisés. L’étude note que “les syndics ont besoin d’être entourés d’acteurs de confiance, en mesure d’accompagner les projets.”

Ces partenariats peuvent inclure des bureaux d’études techniques, des assistants à maîtrise d’ouvrage, ou encore des entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique. Ces collaborations permettent aux syndics de s’appuyer sur des expertises complémentaires et d’offrir un accompagnement plus complet aux copropriétés.

L’impact des syndics de copropriété sur le marché de la rénovation énergétique

Un rôle de prescripteur

Les syndics jouent un rôle crucial dans la structuration de la demande de rénovation énergétique. L’étude révèle que “les syndics informent les copropriétaires des obligations à venir. Ils suggèrent des travaux, mais pas nécessairement selon une logique de rénovation globale, encouragée par les pouvoirs publics.”

En effet, certains cabinets privilégient une approche par geste. Ainsi, ils négocient avec des entreprises des interventions ponctuelles, groupées sur plusieurs copropriétés pour faire baisser les prix. D’autres se placent dans une logique de rénovation globale, tout en restant vigilants sur l’important travail d’accompagnement induit.

La sélection des copropriétés “prometteuses”

Face aux contraintes de ressources, certains syndics développent des stratégies de priorisation. Les auteurs notent : “À leur sens, le « potentiel » d’une copropriété se mesure selon deux types de critères, techniques et sociaux.”

Du point de vue technique, ils évaluent la capacité supposée d’une copropriété à atteindre un gain énergétique de 35%, seuil pour accéder aux subventions MaPrimeRénov’. Suivant cette logique, ils éliminent :

  • les copropriétés ayant déjà réalisé récemment des travaux,
  • les immeubles à façade patrimoniale, jugés inadaptés à l’isolation thermique par l’extérieur,
  • ou encore les copropriétés en chauffage individuel.

L’interface avec l’offre de rénovation

Les syndics font également remonter les difficultés rencontrées sur le terrain. L’étude souligne que “les syndics franciliens sont nombreux à souligner la difficulté à mobiliser des entreprises qualifiées pour les projets de travaux.”

Un syndic indépendant à Yerres témoigne : “Des bonnes entreprises, qui sont capables de se lancer dans des travaux de rénovation énergétique en région parisienne, il y en a sept ou huit, pas plus.”

Cette pénurie d’entreprises qualifiées constitue un frein majeur à l’accélération de la rénovation énergétique dans la région.

Les enjeux futurs pour la profession

Vers une professionnalisation accrue

L’évolution du métier de syndic de copropriété vers un rôle plus central dans la rénovation énergétique appelle à une professionnalisation accrue du secteur.

Les auteurs suggèrent que “cette tendance pourrait se traduire par des exigences de formation plus poussées et une spécialisation croissante.”

Dès lors, cette professionnalisation pourrait impliquer le développement de formations spécifiques sur la rénovation énergétique, l’intégration de compétences techniques dans les cursus de formation des gestionnaires de copropriété, ou encore la création de certifications spécialisées.

Les enjeux futurs pour la profession de syndic de copropriété

L’adaptation du cadre réglementaire et économique

Pour permettre aux syndics de copropriété de jouer pleinement leur rôle dans la transition énergétique, une réflexion sur l’adaptation du cadre réglementaire et du modèle économique de la profession semble nécessaire.

L’étude conclut que “la prise en compte des contraintes organisationnelles des syndics enrichit la compréhension des obstacles à la massification de la rénovation énergétique des copropriétés franciliennes.”

Cette adaptation pourrait inclure :

  • une révision du mode de rémunération des syndics pour les projets de rénovation énergétique,
  • la mise en place d’incitations financières pour encourager les syndics à s’engager dans ces projets,
  • ou encore l’allègement de certaines contraintes administratives pour faciliter le montage des dossiers de rénovation.

Le défi de l’accompagnement des copropriétés fragiles

L’un des enjeux majeurs sera de trouver des solutions pour accompagner efficacement les copropriétés les plus fragiles dans leur rénovation énergétique. Les auteurs soulignent que “cela nécessitera probablement des approches innovantes et un soutien renforcé des pouvoirs publics.”

Ce défi est d’autant plus important que l’étude révèle un mécanisme de sélection qui exclut certaines copropriétés de la gestion professionnelle ou les oblige à se rabattre sur des professionnels moins sélectifs. Il s’agit notamment des copropriétés conflictuelles, modestes ou fragiles, et des petites copropriétés, considérées comme peu rentables.

En conclusion, les syndics de copropriété émergent comme des acteurs incontournables de la rénovation énergétique en Île-de-France. Leur capacité à s’adapter aux nouveaux enjeux et à surmonter les obstacles actuels sera déterminante pour accélérer la transition énergétique du parc immobilier francilien. L’implication des syndics comme partenaires des territoires dans la définition de stratégies d’intervention sur le parc de copropriété ressort ainsi comme un enjeu central pour la réussite de cette politique.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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