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Copropriété

Rénovation énergétique des copropriétés : enjeux et solutions collectives

Rénovation énergétique des copropriétés : enjeux et solutions collectives

La rénovation énergétique des copropriétés est devenue un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant, sa mise en œuvre reste complexe. Entre dynamiques collectives, contraintes financières et cadre réglementaire, les défis sont nombreux. Comment mobiliser efficacement tous les acteurs ? Quelles solutions pour surmonter les obstacles ? En cela, les recherches en sciences sociales proposent plusieurs clés de lecture sur les leviers et obstacles à la rénovation énergétique des bâtiments. Revenons ensemble sur cette récente rencontre organisée dans le cadre du programme “Régénérer les copropriétés” du PUCA. Chercheurs et professionnels, y apporte un éclairage nouveau sur ces questions. Ainsi, ils proposent des pistes concrètes pour accélérer la transition énergétique dans l’habitat collectif.

Sommaire :

La complexité de la rénovation énergétique des copropriétés

Le rôle central des acteurs dans la rénovation énergétique des copropriétés

La rénovation énergétique des copropriétés implique de nombreux acteurs dont la coordination est essentielle. Les syndics, les copropriétaires, les collectivités locales et les professionnels du bâtiment doivent travailler de concert pour mener à bien ces projets.

Le rôle central du syndic dans la rénovation énergétique des copropriétés
Le syndic, en particulier, joue un rôle pivot dans la gestion de la copropriété et la mise en œuvre des travaux de rénovation énergétique. Selon une étude menée par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), les syndics professionnels gèrent environ 90% des copropriétés en France. D’ailleurs, leur implication dans les projets de rénovation énergétique est essentiel pour atteindre les objectifs nationaux de réduction des consommations énergétiques dans le secteur du bâtiment.

Marie-Pierre Lefeuvre, sociologue à l’Université de Tours, souligne : “ Le syndic se situe en réalité à l’intersection entre trois groupes d’acteurs : l’écosystème interne de la copropriété, l’ensemble des prestataires qui gravitent autour, et les acteurs de l’accompagnement public. Cette position charnière du syndic en fait un acteur incontournable de la rénovation énergétique.”

Notons qu’à Paris, l’Agence Parisienne du Climat (APC) a mis en place CoachCopro. Cette plateforme met en relation tous les acteurs de la rénovation énergétique. Depuis son lancement en 2013, plus de 3000 copropriétés parisiennes ont été accompagnées, représentant plus de 150 000 logements.

Les défis financiers et techniques

L’un des principaux obstacles à la rénovation énergétique des copropriétés est le coût des travaux. Les copropriétaires doivent souvent faire face à des investissements importants. Ce qui peut freiner la prise de décision. De plus, la complexité technique des projets de rénovation énergétique nécessite l’intervention de professionnels qualifiés. Or, leur nombre est parfois insuffisant pour répondre à la demande croissante.

D’après les chiffres de l’ADEME (Agence de la transition écologique), le coût moyen d’une rénovation énergétique globale en copropriété se situe entre 15 000 et 30 000 euros par logement. Ce montant important explique en partie les réticences de certains copropriétaires à s’engager dans de tels travaux.

Olivier Principal, président de la FNAIM Grand Paris, observe : “ L’abandon des aides pour les travaux ponctuels au profit des rénovations globales pénalise paradoxalement les copropriétés ayant déjà engagé des améliorations énergétiques progressives. Ces immeubles, pourtant vertueux, se trouvent souvent exclus des dispositifs d’aide actuels.”

Citons l’exemple de la copropriété “Les Terrasses de Belleville” à Paris (20ème), construite dans les années 1970. Elle a réalisé une rénovation énergétique globale en 2019. Le coût total des travaux s’est élevé à 3,2 millions d’euros pour 199 logements. Soit environ 16 000 € par logement. Grâce aux aides de l’ANAH, de la Ville de Paris et de la Région Île-de-France, le reste à charge moyen par copropriétaire a été réduit à 8 000 €.

La dynamique collective au cœur de la décision

Le processus de décision en copropriété

La prise de décision en copropriété est un processus complexe qui nécessite l’adhésion d’une majorité de copropriétaires. Ce processus s’inscrit dans le temps long. De plus, il dépend de nombreux facteurs, tels que :

  • la sensibilisation des copropriétaires aux enjeux énergétiques,
  • la confiance dans les professionnels impliqués,
  • la perception des bénéfices à long terme de la rénovation.

Gaëtan Brisepierre, sociologue, explique : “ La rénovation énergétique à petite échelle, c’est un processus politique. On voit dans des copropriétés des changements de génération qui vont amener un renversement de l’équilibre des forces et apporter plus de votes pour un projet.”

Prenons l’exemple d’une copropriété de 50 logements à Lyon. En effet, dans cet immeuble, le projet de rénovation énergétique a été rejeté trois fois en assemblée générale entre 2015 et 2018. Toutefois, l’arrivée de nouveaux copropriétaires plus jeunes et sensibles aux enjeux environnementaux a permis de faire basculer le vote en faveur du projet en 2019.

L’importance du “leader énergétique”

Les recherches ont mis en évidence le rôle clé du “leader énergétique” au sein de la copropriété. Ce copropriétaire moteur est le plus souvent membre du conseil syndical. Ainsi, il porte le projet de rénovation et mobilise les autres copropriétaires. Son engagement est important pour faire avancer le projet. Mais, il ne peut pas agir seul et doit s’appuyer sur une dynamique collective.

Les acteurs de la rénovation énergétique des copropriétés
À cet égard, une recherche menée par Gaëtan Brisepierre a montré que la présence d’un leader énergétique dans une copropriété multiplie par trois les chances de voir aboutir un projet de rénovation énergétique.

Sylvaine Lemarié, chercheuse, nuance cependant : “Au-delà de l’archétype de l’ingénieur retraité, on observe une plus grande diversité de profils de leaders, des femmes, des jeunes, avec plutôt des compétences en gestion de projet et communication.”

Ainsi, dans une copropriété de 120 logements à Nantes, c’est une jeune copropriétaire de 35 ans, consultante en management, qui a pris le leadership du projet de rénovation énergétique. Ses compétences en communication et en gestion de projet ont été déterminantes pour fédérer les copropriétaires autour du projet.

L’accompagnement et le financement : leviers essentiels de la rénovation énergétique des copropriétés

Le rôle des collectivités locales

L’expérience de certaines collectivités, comme le Grand Annecy, montre l’importance d’un accompagnement de proximité. La présence d’agents de la collectivité lors des assemblées générales, le soutien technique et financier apporté aux copropriétés, sont autant de facteurs qui favorisent le passage à l’acte.

En effet, Le Grand Annecy a mis en place une équipe dédiée de 7 personnes pour accompagner les copropriétés dans leurs projets de rénovation énergétique. Cette présence sur le terrain, de 7h45 à 21h, a permis d’atteindre un taux de vote favorable pour les travaux de rénovation de près de 95% dans les copropriétés accompagnées.

Pascal Jousselain, chargé de mission rénovation à l’échelle du Grand Annecy, témoigne : “ Notre objectif aujourd’hui, c’est d’être facilitateur de la rénovation énergétique. On intervient sur le terrain à toutes les étapes. Ainsi, on est présent dans 70 et plus de 100 assemblées générales par an ! ”

Citons le cas de Grenoble. Puisque la métropole a lancé le dispositif “MurMur2” en 2016. En 5 ans, ce programme a permis d’accompagner la rénovation de plus de 5 000 logements en copropriété, avec des gains énergétiques moyens de 60%.

Les dispositifs d’aide financière

Les aides financières, qu’elles soient nationales ou locales, jouent un rôle déterminant dans la décision de rénover. En effet, les subventions, les prêts à taux zéro et autres dispositifs permettent de réduire le reste à charge des copropriétaires et de rendre les projets plus accessibles. Cependant, la complexité et l’évolution fréquente de ces dispositifs peuvent aussi constituer un frein.

Le dispositif MaPrimeRénov’ Copropriétés, mis en place par l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat), permet de financer jusqu’à 25% du montant des travaux de rénovation énergétique, avec un plafond de 15 000 € par logement. Précisons que ce dispositif est cumulable avec d’autres aides locales. Ce qui permet dans certains cas d’atteindre 45% de subventions pour tous les copropriétaires.

Sébastien Catté-Wagner de l’ANAH précise : “ Aujourd’hui, on ne fait pas de fond travaux, on mobilise les prêts collectifs. Ils sont encore aidés par l’État : prêt à taux zéro et prêt complémentaire. Et, les copropriétés qui embarquent dans le dispositif mettent moins de 3 ans pour passer toutes les étapes.”

C’est d’ailleurs le cas de la copropriété “Le Parc des Thibaudières” à Combs-la-Ville (77). Cette résidence comprend 224 logements. , a bénéficié en 2022 d’un financement de 2,8 millions d’euros de MaPrimeRénov’ Copropriétés pour un projet de rénovation globale de 5,6 millions d’euros. Le reste à charge a été financé par un prêt collectif sur 15 ans. Ce qui a permis de lisser l’effort financier des copropriétaires.

L’adaptation nécessaire du cadre réglementaire

Vers une simplification de la loi de 1965

Le cadre juridique de la copropriété, défini par la loi de 1965, n’est pas toujours adapté aux enjeux de la rénovation énergétique. Une évolution de ce cadre pourrait faciliter la prise de décision et la mise en œuvre des travaux. Et, cela, notamment en renforçant les outils collectifs à disposition des copropriétés.

Une proposition de loi visant à faciliter la rénovation énergétique des copropriétés a été déposée à l’Assemblée Nationale en 2023. Elle prévoit notamment d’abaisser les seuils de majorité pour le vote des travaux de rénovation énergétique, passant de la majorité absolue à la majorité simple.

Isabelle Rey-Lefebvre, cofondatrice de l’ARC (Association des Responsables de Copropriété), argue : “ Il faut instiller une culture de la prévention et doter la copropriété d’outils collectifs, ce qui n’était pas le cas en 1965 ! Je pense qu’il faut un fonds travaux bien plus important. De plus, les entrants dans la copropriété devraient cotiser à un fonds de prévention.”

À cet égard, en Allemagne, la loi sur la copropriété (Wohnungseigentumsgesetz) a été réformée en 2020 pour faciliter les rénovations énergétiques. Elle prévoit notamment qu’un copropriétaire peut désormais réaliser certains travaux d’économie d’énergie sans l’accord des autres. Comme l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques.

L’intégration des enjeux énergétiques dans la gestion courante

La rénovation énergétique des copropriétés doit être pensée comme un élément à part entière de leur gestion patrimoniale. L’intégration de ces enjeux dans les outils de gestion courante, comme le plan pluriannuel de travaux, permettrait une meilleure anticipation et planification des interventions.

Franziska Barnhusen, chargée de projet à l’Institut Paris Région, observe : “ Aujourd’hui, on assiste à un décollement de la demande de rénovation énergétique dans certaines grandes métropoles. L’Agence Parisienne du Climat montre un triplement des inscriptions à CoachCopro en 2023 par rapport à 2022.”

Exemple concret : La ville de Montreuil a intégré la rénovation énergétique dans sa politique d’urbanisme. Depuis 2021, toute copropriété souhaitant réaliser un ravalement de façade doit obligatoirement étudier la possibilité d’y associer une isolation thermique par l’extérieur. Cette mesure a permis d’augmenter de 30% le nombre de projets de rénovation énergétique dans la commune en deux ans.

En conclusion, la rénovation énergétique des copropriétés représente un défi majeur. De fait, elle nécessite une approche globale, considérant les aspects techniques, financiers, sociaux et réglementaires. De même, l’implication de tous les acteurs, du copropriétaire au législateur en passant par les collectivités locales et les professionnels du bâtiment, est indispensable pour surmonter les obstacles et accélérer la transition énergétique dans l’habitat collectif.

> Pour consulter les présentations des intervenants et la vidéo de la rencontre

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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