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Copropriété

Comment rédiger une opposition au prix d’adjudication en copropriété ?

Comment rédiger une opposition au prix d’adjudication en copropriété ?

Un arrêt de la Cour d’appel de Caen du 2 octobre 2025 vient rappeler aux syndics les règles strictes encadrant l’opposition au prix d’adjudication. Cette décision sanctionne sévèrement une opposition irrégulière formée par un syndicat de copropriétaires lors d’une vente forcée. Le syndicat perd ainsi son privilège légal, une garantie pourtant essentielle pour recouvrer les charges impayées. La problématique est claire : comment rédiger correctement une opposition au prix d’adjudication pour préserver les droits du syndicat ? Quelles mentions obligatoires doivent figurer dans cet acte ?


Sommaire :


À retenir – Opposition au prix d’adjudication en copropriété

  • L’opposition doit détailler les créances lot par lot. Chaque somme réclamée doit être ventilée selon le lot concerné, surtout lorsque plusieurs lots sont vendus simultanément.
  • Quatre catégories de créances doivent être distinguées : charges privilégiées des 3 dernières années, charges des 2 années antérieures, créances hypothécaires et créances chirographaires selon l’article 5-1 du décret de 1967.
  • Les périodes doivent être précisément datées. Mentionner simplement “année en cours” ou “années précédentes” est insuffisant et entraîne l’irrégularité de l’opposition.
  • L’irrégularité fait perdre tout le privilège du syndicat. Une opposition non conforme prive le syndicat de sa position prioritaire et le relègue au rang chirographaire sans possibilité de recouvrement.
  • L’assistance d’un avocat est fortement recommandée.

Qu’est-ce qu’une opposition au prix d’adjudication en copropriété ?

Définition et cadre juridique

L’opposition au prix d’adjudication permet au syndicat des copropriétaires de protéger ses intérêts en récupérant les sommes dues par un copropriétaire défaillant lors de la vente forcée de son lot. Cette procédure s’inscrit dans le cadre de l’article 20 I de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

En effet, le syndicat dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception de l’avis de mutation pour former opposition au domicile élu par acte extrajudiciaire. Cette opposition permet de bloquer le versement du prix de vente et d’obtenir paiement prioritaire des créances de copropriété. Dans l’affaire de Caen, le service de la publicité foncière de Caen a enregistré l’avis de mutation le 14 avril 2023 lors de la publication du titre de vente, et le syndicat a formé opposition le 27 février 2023, donc avant cette publication, conformément aux règles procédurales.

Les garanties légales du syndicat

Le syndicat des copropriétaires bénéficie d’un privilège spécial et d’une hypothèque légale prévus aux articles 2402 et 2418 du Code civil. Ces garanties portent sur les charges courantes et les deux dernières années échues (privilège), ainsi que sur les charges des deux années antérieures (hypothèque légale).

L’opposition au prix d’adjudication régulière permet la mise en œuvre de ces privilèges. Elle garantit ainsi au syndicat une position préférentielle dans la distribution du prix de vente face aux autres créanciers. Dans le dossier jugé à Caen, le syndicat réclamait 21.948,32 euros dont 11.734,91 euros au titre des créances privilégiées et 10.194,27 euros au titre des créances hypothécaires. Le prix d’adjudication s’élevait à 55.000 euros, auquel s’ajoutaient 5.262,24 euros de frais taxés.

Quelles sont les conditions de forme d’une opposition au prix d’adjudication ?

Les mentions obligatoires selon le décret de 1967

L’article 5-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 impose des exigences strictes de rédaction. L’opposition au prix d’adjudication doit énoncer de manière précise quatre catégories de créances :

  • Montant et les causes des créances de l’année courante et des deux dernières années échues (charges privilégiées).
  • Créances des deux années antérieures aux deux dernières années échues (hypothèque légale).
  • les créances garanties par hypothèque légale non comprises dans les créances privilégiées.
  • les créances non comprises dans les catégories précédentes (créances chirographaires).

L’article 5-1 précise aussi que le syndicat ne peut inclure dans son opposition que les créances liquides et exigibles à la date de la mutation.

L’exigence de précision lot par lot

La jurisprudence impose une rigueur particulière lorsque l’opposition au prix d’adjudication concerne plusieurs lots. La Cour de cassation a établi dans ses arrêts du 3 novembre 2011 (n°10-20.182) et du 22 juin 2017 (n°16-15.195) que l’opposition doit comporter “non seulement la répartition des charges et des travaux selon le privilège ou le super privilège que le syndicat invoque, mais aussi le détail des sommes réclamées selon leur nature, et le lot auquel elles sont afférentes”.

Cette exigence vise à garantir la complète information du vendeur et du détenteur des fonds. L’arrêt de la Cour d’appel de Caen du 2 octobre 2025 confirme cette position en sanctionnant une opposition globale portant sur les lots 166 et 181 de la résidence, l’un correspondant à un appartement et l’autre à une cave.

Quelles sont les conditions de forme d'une opposition au prix d'adjudication ?

Pourquoi l’opposition de Caen a-t-elle été jugée irrégulière ?

Les manquements relevés par la Cour

Dans l’arrêt rendu le 2 octobre 2025 (n°24/01715), le syndicat des copropriétaires d’une résidence d’Hérouville-Saint-Clair avait formé opposition pour 21 948,32 € après l’adjudication de deux lots vendus 55 000 €.

La Cour d’appel de Caen a pointé des irrégularités majeures : elle a reproché à l’opposition de ne pas détailler la nature des sommes réclamées ni d’indiquer le lot visé, alors que la vente concernait deux biens distincts, un appartement et une cave. Elle a également pointé l’imprécision des périodes de charges, décrites uniquement par des expressions générales telles que « année en cours majorée des deux années précédentes », « pour les deux années antérieures aux deux dernières » ou encore « charges dues pour les périodes antérieures au privilège spécial ».

Les conséquences de l’irrégularité

L’irrégularité d’une opposition au prix d’adjudication fait perdre au syndicat le bénéfice du privilège attaché à ses créances. La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 25 octobre 2006 (n°05-16.385) et l’avait déjà affirmé le 15 décembre 2004 (n°03-15.174). En pratique, ce déclassement prive le syndicat de son rang prioritaire et le relègue parmi les créanciers chirographaires.

Dans cette affaire, le Crédit Logement, titulaire d’une hypothèque inscrite pour 99 645,95 € au 21 novembre 2021, a perçu le solde du prix après déduction des 2 988,71 € de frais de procédure. Le syndicat, lui, n’a rien récupéré sur sa créance de copropriété, alors qu’une opposition régulière lui aurait assuré un paiement privilégié de 11 734,91 €.

Comment rédiger correctement une opposition au prix d’adjudication ?

Pour sécuriser l’opposition au prix d’adjudication, le syndic doit établir un tableau détaillé ventilant chaque créance. Pour chaque lot concerné (par exemple : lot 166 – appartement et lot 181 – cave dans l’affaire de Caen), il convient de préciser la nature exacte de la charge : provisions sur charges courantes, travaux votés, quote-part de charges exceptionnelles, honoraires de syndic, frais de procédure.

Chaque ligne doit mentionner la période concernée avec les dates précises des appels de fonds restés impayés (par exemple : appel du 1er trimestre 2023 resté impayé pour 450 euros). Cette ventilation permet de respecter les quatre catégories de créances prévues par l’article 5-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 et d’assurer la traçabilité exigée par la jurisprudence.

« Le syndic doit faire preuve d’une vigilance extrême lors de la rédaction de l’opposition au prix d’adjudication », rappelle Me Adèle Orzoni, du cabinet BJA d’Avocats. Elle recommande de « solliciter systématiquement l’assistance d’un avocat pour relire l’acte avant sa signification, surtout lorsqu’il existe plusieurs créanciers inscrits sur le bien vendu ».

En effet, cette relecture évite les erreurs formelles qui font perdre le bénéfice du privilège légal. L’avocat vérifie que chaque créance est classée et détaillée avec précision, conformément aux exigences des arrêts de la Cour de cassation du 3 novembre 2011 et du 22 juin 2017.

Quels sont les impacts pratiques de cette jurisprudence ?

Pour les syndics et administrateurs de biens

Cette décision rappelle avec force l’exigence de rigueur dans la gestion des oppositions au prix d’adjudication. Les syndics doivent désormais porter une attention accrue à la rédaction de l’acte, en produisant un état des créances exhaustif, précis et adapté à la situation de chaque lot. Le recours à des modèles préremplis, sans vérification ni personnalisation, devient particulièrement périlleux.

Les logiciels de gestion devraient d’ailleurs intégrer des outils capables de générer automatiquement des oppositions conformes à la jurisprudence, avec une ventilation claire par lot. La procédure de distribution judiciaire menée devant le juge de l’exécution de Caen montre à quel point ces dossiers sont techniques et combien il est indispensable de maîtriser le cadre posé par la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967.

Pour la protection des syndicats de copropriétaires

L’enjeu financier pour les copropriétés est majeur. Une opposition irrégulière prive le syndicat de toute possibilité de recouvrer sa créance lors d’une adjudication, alors que les charges impayées pèsent déjà lourdement sur leurs comptes. Dans l’affaire jugée à Caen, la perte du privilège a entraîné un manque à gagner de 11 734,91 €, somme qui aurait dû être prélevée en priorité sur le prix de vente de 55 000 €.

Cette jurisprudence impose une rigueur formelle accrue, mais elle fragilise aussi les petites copropriétés, qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour se faire accompagner par un avocat. Elle rappelle l’importance d’une formation continue des professionnels sur les évolutions du droit de la copropriété et sur les modalités de l’opposition au prix d’adjudication. Le syndicat doit en outre verser 1 500 € d’indemnité de procédure au Crédit Logement, en plus des dépens d’appel.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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