La paupérisation des copropriétés immobilières est un phénomène croissant en France. Une récente commission d’enquête sénatoriale a mis en lumière l’ampleur de cette problématique. Avec plus de 10 millions de logements en copropriété, dont environ 115 000 considérés comme fragiles, l’enjeu est de taille. Les causes sont multiples : vieillissement des immeubles, difficultés financières des copropriétaires, et manque de gestion efficace. Face à ce constat alarmant, quelles solutions peuvent être envisagées pour enrayer la spirale de la dégradation ? Ce rapport propose une analyse approfondie et des pistes d’action concrètes pour lutter contre la paupérisation des copropriétés dégradées.
Sommaire :
- La réalité alarmante des copropriétés dégradées en France
- Les multiples causes de la dégradation des copropriétés
- Les conséquences dramatiques de la dégradation
- Les solutions pour lutter contre les copropriétés dégradées
La réalité alarmante des copropriétés dégradées en France
Un phénomène en expansion
Les copropriétés dégradées représentent un défi majeur pour le logement en France. Selon les données de la commission d’enquête, environ 115 000 copropriétés sont considérées comme fragiles sur un total de plus de 10 millions de logements en copropriété. Ce chiffre alarmant souligne l’urgence d’agir face à cette problématique croissante.
Selon les données de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), environ 215 000 copropriétés présentent un montant d’impayés d’au moins 20% de leur budget annuel. De plus, 35% des copropriétés auraient un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) de classe F ou G, ce qui pose un défi majeur en termes de rénovation énergétique.
Les zones les plus touchées
Les copropriétés dégradées se concentrent principalement dans les centres-villes anciens et les grands ensembles construits après-guerre. Cependant, le phénomène touche également des copropriétés plus récentes. Notamment, celles construites dans le cadre d’investissements locatifs défiscalisés.
Ainsi, en Île-de-France, la moitié des logements indignes seraient en copropriété selon l’Anah. D’ailleurs, la commission d’enquête a pu observer des exemples de copropriétés dégradées lors de ses déplacements, notamment dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne et en Essonne.
Les multiples causes de la dégradation des copropriétés
Le vieillissement du parc immobilier
L’une des principales causes de la dégradation des copropriétés est le vieillissement des immeubles. De nombreux bâtiments construits dans les années 1960-1970 nécessitent aujourd’hui d’importants travaux de rénovation. Mais, ils sont souvent trop coûteux pour les copropriétaires.

Pour rappel, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi n° 2015-992 du 17 août 2015) impose des obligations de rénovation énergétique qui pèsent lourdement sur les copropriétés vieillissantes. Ces travaux, bien que nécessaires, représentent un coût important pour des copropriétaires déjà en difficulté financière.
Les difficultés financières des copropriétaires
La paupérisation des copropriétaires est un facteur majeur de dégradation. Plus d’un million de propriétaires modestes ou très modestes sont copropriétaires. Or, ces difficultés financières entraînent souvent des impayés de charges. Ainsi, ils compromettent l’entretien et la rénovation des immeubles.
Selon les données de la commission d’enquête, le parc privé accueille deux tiers des ménages situés sous le seuil de pauvreté. Et, la moitié d’entre eux sont propriétaires occupants. De plus, cette situation est aggravée par l’accroissement des charges liées aux prix de l’énergie.
La mauvaise gestion et le manque d’implication
Le manque de compétences en gestion immobilière et la faible implication des copropriétaires dans la vie de leur immeuble contribuent également à la dégradation. De nombreuses copropriétés fonctionnent sans syndic professionnel. Ce qui complique la prise de décisions et la mise en œuvre de travaux nécessaires.
Ainsi, plus de 200 000 copropriétés immatriculées seraient sans syndic, dont 20% des copropriétés comprenant 50 à 200 lots. En effet, cette absence de gestion professionnelle complique considérablement la mise en œuvre de travaux d’entretien et de rénovation.
Les conséquences dramatiques de la dégradation
La dévalorisation du patrimoine
La dégradation des copropriétés entraîne une dévalorisation significative du patrimoine immobilier. Les logements perdent de leur valeur, piégeant parfois les propriétaires dans des biens qu’ils ne peuvent ni rénover, ni vendre.
La spirale de dégradation décrite par Eva Simon dans sa thèse de 2017 montre comment les impayés, les conflits et l’absence de travaux d’entretien s’alimentent mutuellement. Cela entraîne alors une dévalorisation continue du bien immobilier.
Les risques pour la santé et la sécurité
Les copropriétés dégradées présentent souvent des risques importants pour la santé et la sécurité de leurs occupants. Ainsi, on y retrouve des problèmes d’humidité, de moisissures, des installations électriques défectueuses, etc. L’article L. 1331-22 du Code de la santé publique définit l’habitat insalubre et dangereux. Or, de nombreuses copropriétés dégradées entrent dans cette catégorie, présentant des risques sanitaires importants pour leurs occupants.
L’impact sur le tissu social
La dégradation des copropriétés a des répercussions sur le tissu social des quartiers concernés. Elle peut entraîner une paupérisation accrue, l’arrivée de marchands de sommeil et parfois le développement de diverses formes de trafics. Dans certains cas extrêmes, comme à Clichy-sous-Bois, Grigny ou Mantes-la-Jolie, plus de 70% des logements étaient occupés par des propriétaires bailleurs au début des opérations de redressement. Ce qui illustre la transformation de ces copropriétés en “parc social de fait”.
Les solutions pour lutter contre les copropriétés dégradées
Le renforcement des dispositifs de prévention
La commission d’enquête préconise le renforcement des dispositifs de prévention, notamment en améliorant le repérage précoce des copropriétés en difficulté. En cela, la généralisation des “Maisons de l’habitat” au niveau intercommunal pourrait faciliter l’accompagnement des copropriétés fragiles.
De même, le Plan Initiative Copropriétés (PIC), lancé en 2018 et doté de 3 milliards d’euros, vise à traiter les grands ensembles particulièrement en souffrance. Les retours des acteurs sur ce plan sont très positifs, surtout à Grigny et Clichy-sous-Bois.
L’amélioration du cadre juridique
Des évolutions juridiques sont nécessaires pour faciliter la gestion des copropriétés. La commission propose notamment de renforcer le rôle du conseil syndical et de simplifier certaines procédures de prise de décision. Ainsi, elle recommande également de confier au ministère de la justice la rédaction d’un règlement de copropriété type. De même, elle propose l’élaboration d’une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires pour éviter la faillite personnelle des copropriétaires captifs de leur logement.
Le soutien financier aux copropriétés en difficulté
L’augmentation des aides financières est cruciale pour permettre la rénovation des copropriétés dégradées. La création d’une “banque de la rénovation et de la copropriété” est envisagée pour faciliter le financement des travaux.
Ainsi, la commission recommande d’élargir les aides de l’Anah aux copropriétés comptant moins de 75% de résidences principales. De plus, elle souhaite faciliter le recours aux Fonds de solidarité pour le logement (FSL) au profit des copropriétaires pauvres pour faire face aux charges.
Ces mesures s’inscrivent dans le cadre juridique existant, notamment la loi ALUR de 2014 (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014) et la loi ELAN de 2018 (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018), qui ont déjà apporté des outils pour lutter contre la dégradation des copropriétés.
En conclusion, la lutte contre les copropriétés dégradées nécessite une approche globale. En effet, elle implique tous les acteurs concernés : pouvoirs publics, collectivités locales, professionnels de l’immobilier et copropriétaires. Les recommandations de la commission d’enquête ouvrent des pistes prometteuses pour inverser la tendance et garantir un habitat de qualité pour tous. La mise en œuvre de ces solutions sera cruciale pour préserver le parc immobilier français et améliorer les conditions de vie de millions de copropriétaires.