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Impôts & Taxes

Rénovation énergétique : Le crédit d’impôt remis en question

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Rénovation énergétique : Le crédit d’impôt, un outil trop coûteux pour des résultats médiocres

L’UFC-Que Choisir publie une étude montrant l’inefficacité du dispositif d’incitation à la rénovation énergétique : le crédit d’impôt et appelle les parlementaires à le réformer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, en cours d’examen.

 

Analyse critique : Le crédit d’impôt en rénovation énergétique

La rénovation énergétique est encouragée par les pouvoirs publics à travers un « crédit d’impôt développement durable » (CIDD) depuis 2005. Il a vocation à financer une partie des dépenses de gros équipements qui permettent de réduire l’impact écologique du bâtiment. Ce dispositif a déjà coûté à la collectivité pas moins de 15,6 milliards d’euros, pour un résultat calamiteux.

Les lois de finance successives ont profondément modifié le périmètre des équipements éligibles et les taux du crédit d’impôt, le rendant instable et difficilement compréhensible pour les ménages et les professionnels. Il a été réformé en 2014 pour mettre en place le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). « Si le nom change, la mécanique est identique, même si le dispositif est simplifié avec un taux unique de réduction d’impôt de 30% sur tous les équipements éligibles », commente l’association UFC-Que Choisir.

Les travaux de rénovation et le CIDD

Selon cette étude, le CIDD peine à engendrer une dynamique sur le marché de la rénovation énergétique. Hors aides publiques, les dépenses des ménages se sont stabilisées depuis 2009 aux alentours de 12 milliards d’euros par an. Ainsi, la baisse du crédit d’impôt observée entre 2008 et 2013 (-1,97 milliard €) n’a fait reculer le marché total de la rénovation que de 2,31 milliards € : les chiffres montrent donc que le crédit d’impôt n’a pas d’effet d’entraînement, puisque les aides accordées ne sont pas à l’origine de dépenses supplémentaires des ménages destinées à la rénovation.

Par ailleurs, on ne peut qu’être interpellé par la concomitance des évolutions, à la hausse comme à la baisse, du crédit d’impôt et du prix moyen des travaux (+1500€ entre 2006 et 2008, puis -1660€ jusqu’en 2013), sans que l’on puisse constater en parallèle une variation de l’ampleur des travaux menés.

Entre 2006 et 2008, alors que le CIDD progresse fortement (+ 41%), les travaux de rénovation « poussés », n’évoluent que très faiblement, passant de 3% à 5% du total des travaux de rénovation énergétique. Par la suite, quand les montants consacrés par l’Etat au CIDD diminuent, la part des travaux poussés diminuera progressivement jusqu’à revenir à 3%.

Plus étonnant, la hausse du crédit d’impôt s’est aussi accompagnée d’un déplacement d’une partie des consommateurs de travaux partiels vers des travaux sans prise en compte de la performance énergétique. Si ces données ne renseignent pas sur la performance réellement atteinte après travaux, il ne semble pas que l’augmentation du prix moyen des travaux constatée dans les années 2008 à 2010 découle d’une amélioration marquée des travaux entrepris.

Défaut d’information des consommateurs

A signaler, par ailleurs, le défaut d’information des consommateurs peut être en partie imputé aux artisans et entreprises qui installent les équipements. Cette difficulté n’a pas pu être endiguée malgré la mise en œuvre de l’obligation de labélisation « Reconnu garant de l’environnement », censée intégrer une formation en ce sens Cependant, les professionnels sont confrontés eux aussi à l’instabilité constante du dispositif. Pire, il existe une incertitude administrative quant aux conditions d’éligibilité de certains produits et équipements, comme c’est par exemple le cas pour les isolants minces.

Résultat, en 2014, seulement 50% des ménages ayant effectué des travaux de rénovation énergétique ont été informés de l’existence du CIDD avant de se lancer dans les travaux. Pour 35% d’entre eux ils ont été avertis lors des travaux ou à la fin de ceux-ci, les 15% restants n’ayant jamais été informés. Dans ces conditions, le CIDD ne peut avoir un effet réel que sur la moitié seulement des projets de rénovation.

En l’absence d’information sur le prix réel des produits, les consommateurs rencontrent des difficultés pour faire jouer la concurrence. Dès lors, il existe un risque que l’instauration d’un crédit d’impôt sur les produits conduise à une augmentation des prix, l’installateur profitant d’une partie de l’aide en théorie destinée aux consommateurs.

Rénovation énergétique : Les travaux à réaliser

En matière de travaux, le dispositif oriente mal les investissements des ménages. De manière générale, l’isolation est, dans un logement énergivore, la première cause de consommation d’énergie. Entre 57% et 75% des déperditions de chaleur d’une maison individuelle datant d’avant 1975 résultent de la mauvaise isolation des murs et de la toiture. Pourtant, l’isolation (toiture, façade et agencement) ne représente que 34 % des dépenses de travaux. A l’inverse, 41% des sommes engagées concernent les ouvertures, qui ne sont à l’origine que de 10% à 15% des pertes thermiques.

« Du fait de son niveau, le crédit d’impôt ne fait que rendre plus accessible les travaux déjà abordables comme le changement de chauffage et les ouvertures alors que l’isolation, primordiale d’un point de vue écologique, reste toujours difficilement accessible », indique l’étude.

Pire, même pour les équipements, le crédit d’impôt n’incite pas à aller vers le plus efficace. En 2014, malgré l’existence du crédit d’impôt, moins d’une fenêtre installée sur deux (45%) avait une performance thermique satisfaisante, et seulement 8% des consommateurs allaient au-delà des performances minimales pour obtenir le CITE. On constate ainsi un « effet plancher », qui incite les consommateurs à se contenter des produits tout justes éligibles.

Le dispositif et les logements en location

Enfin, l’étude constate que le dispositif est inadapté aux logements en location qui représentent 42% du parc de logements. Or, 75% des biens en location ont un niveau de performance énergétique très dégradé (entre E et G alors que la majorité des propriétaires occupants se situe entre C et E). Le crédit d’impôt n’apparaît pas comme un outil adapté pour la rénovation de ces biens, pourtant cruciale.

Ainsi en 2010, seulement 8.000 bailleurs avaient eu recours au CIDD. Depuis janvier 2014, ils ne peuvent plus prétendre au crédit d’impôt, mais peuvent désormais déduire le montant des travaux de leurs revenus fonciers. Les locataires d’un logement peuvent, s’ils effectuent les travaux à leur charge, être éligibles au CIDD, mais cette utilisation est marginale : seulement 1,4% des locataires d’une maison individuelle et 0,3 % des locataires d’un appartement avaient utilisé le dispositif CIDD en 2010.

Crédit d’impôt : La proposition de l’UFC-Que Choisir

Fort de ce constat, l’UFC-Que Choisir appelle les parlementaires, dans le cadre du projet de loi de finances 2016 à instaurer un crédit d’impôt progressif (en taux et en niveau), basé sur la performance thermique atteinte après travaux et non plus sur les équipements installés. Il est nécessaire de créer une complémentarité entre l’Eco-prêt et le CITE afin que tous les consommateurs qui réalisent une rénovation énergétique lourde de leur logement puissent cumuler le CITE et l’Eco-prêt, là encore en fonction de la performance atteinte.

> Consulter l’étude et les propositions de l’UFC-Que Choisir sur « Rénovation énergétique des logements: le crédit d’impôt, une mesure à grand frais qui manque sa cible environnementale » (PDF-1521 Ko)

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Manda R.

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