MaPrimeRénov’ bascule dans l’incertitude. Le 22 juillet 2025, Valérie Létard, ministre du Logement, a dévoilé une réforme de fond du principal dispositif d’aide à la rénovation énergétique. Objectif affiché : répondre aux impératifs de rigueur budgétaire. Mais, sur le terrain, l’inquiétude grandit. Associations, professionnels et collectivités dénoncent un recul brutal. Le réseau CLER évoque un désengagement de l’État dans la lutte contre les passoires thermiques et la précarité énergétique. Derrière cette décision, c’est toute la stratégie de transition écologique qui vacille. À quels changements les ménages doivent-ils désormais s’attendre ? Et, quelles seront les conséquences pour les projets de rénovation globale ?
Sommaire :
- Quelles sont les principales modifications de MaPrimeRénov’ en 2025 ?
- Comment ces changements affectent-ils les ménages français ?
- Quelles sont les réactions des professionnels et associations ?
À retenir – Réforme de MaPrimeRénov’ 2025
- Les ménages aux revenus modestes, intermédiaires et aisés perdent définitivement l’accès à MaPrimeRénov’
- Les montants subventionnables chutent à 30 000€ ou 40 000€ maximum selon la performance énergétique
- Le bonus “sortie de passoires énergétiques” de 10% disparaît complètement dès septembre 2025
- Seulement 13 000 nouveaux dossiers acceptés jusqu’à fin 2025 avec répartition par territoire
- Les dossiers déposés fin 2025 ne seront traités qu’au premier trimestre 2026 sous réserve budgétaire
Quelles sont les principales modifications de MaPrimeRénov’ en 2025 ?
Fermeture temporaire et réouverture ciblée
Le 23 juin 2025, le gouvernement ferme temporairement le guichet MaPrimeRénov’ pour les rénovations individuelles d’ampleur via la plateforme France Rénov’. Cette mesure exceptionnelle répond à une explosion des dépôts de dossiers et à un risque élevé de fraudes, identifié par l’ANAH. Mais, entre l’annonce du 4 juin et la fermeture, les ménages ont déposé 29 000 dossiers supplémentaires, soit 20 000 de plus que le rythme habituel. Résultat : le stock atteint 61 000 dossiers, alors qu’il devait en rester autour de 40 000 !
Au 11 juillet 2025, les chiffres officiels montrent que 53 283 rénovations d’ampleur ont été engagées, soit plus de 50% de l’objectif annuel. Cela représente 1,545 milliard d’euros d’aides publiques, répartis comme suit : 35 146 logements individuels et 18 137 logements en copropriété. En parallèle, 103 479 rénovations par geste ont bénéficié de 318 millions d’euros.
La réouverture du guichet est prévue pour le 30 septembre 2025, mais elle s’accompagne de nouvelles restrictions :
- Seuls les ménages très modestes pourront déposer un dossier dans un premier temps.
- Les ménages modestes suivront, selon l’évolution du dispositif.
- Les revenus intermédiaires et aisés sont désormais exclus.
Cette nouvelle orientation marque une rupture. En effet, le dispositif MaPrimeRénov’ visait initialement une accessibilité universelle. À présent, les aides se concentrent sur les foyers les plus précaires, au risque de freiner la dynamique globale de rénovation énergétique.
Réduction drastique des plafonds d’aide
Le gouvernement réduit drastiquement les plafonds de travaux subventionnables. Ainsi, ils passent à 30 000 € ou 40 000 €, selon la performance énergétique atteinte. Or, cela représente une baisse de moitié par rapport aux montants précédents.

Cette chute pénalise directement les rénovations globales des passoires thermiques, qui nécessitent souvent :
- une isolation performante,
- une pompe à chaleur,
- un audit énergétique complet.
À partir de septembre 2025, le bonus de 10% pour la sortie de passoires énergétiques est supprimé. Les propriétaires de logements très énergivores perdent ainsi un levier financier essentiel. En parallèle, MaPrimeRénov’ se recentre sur les logements classés E, F et G au DPE. Les logements mieux notés sont désormais exclus du dispositif.
Depuis juin 2025, l’équipe interministérielle dédiée traque activement les fraudes.
Elle a déjà identifié :
- 5 000 dossiers frauduleux sur la rénovation d’ampleur
- et 8 000 dossiers de monogestes douteux.
Ces dossiers seront rejetés systématiquement.
Comment ces changements affectent-ils les ménages français ?
Impact sur les revenus modestes et intermédiaires
Le gouvernement exclut désormais les ménages modestes, intermédiaires et aisés de MaPrimeRénov’. Cette mesure marque un tournant majeur dans la politique de rénovation énergétique. Ces catégories représentaient pourtant une part importante des bénéficiaires. Selon l’ANAH, cette décision prive plusieurs millions de foyers d’aides publiques pour leurs travaux.
Conséquence directe : de nombreux projets de rénovation en préparation risquent d’être abandonnés. Les ménages concernés devront soit renoncer à leurs travaux, soit les financer intégralement sur fonds propres ou via l’éco-PTZ. Mais, dans un contexte de hausse des prix des matériaux et de la main-d’œuvre RGE, cela devient de plus en plus difficile.
Cette restriction contredit l’ambition initiale de la Stratégie nationale bas-carbone. Le gouvernement visait une massification des rénovations énergétiques. Or, en réduisant le nombre de bénéficiaires, il freine mécaniquement la dynamique de transition énergétique à l’échelle nationale.
La ministre Valérie Létard justifie ces mesures : “Ces échanges sont essentiels pour calibrer au mieux les dispositifs d’aide, avec les acteurs de terrain et de confiance. Aujourd’hui, nous avons posé les bases d’un système plus solide pour la rénovation d’ampleur. Le pilotage est renforcé, pour aider les collectivités et limiter les délais d’instruction. Les aides sont ajustées, pour tenir compte de la contrainte budgétaire sans renoncer à l’ambition de lutter contre le réchauffement climatique et la précarité énergétique.”
Conséquences pour les très modestes
Malgré les ajustements annoncés, les ménages très modestes — pourtant les seuls encore éligibles à MaPrimeRénov’ — n’échappent pas aux effets pervers de la réforme. D’une part, les plafonds d’aide diminuent. D’autre part, le reste à charge augmente fortement. Conséquence directe : ces ménages doivent se contenter de travaux plus limités, moins performants.
En réalité, ces interventions n’améliorent pas suffisamment leur DPE (Diagnostic de Performance Énergétique). Autrement dit, leur précarité énergétique perdure, en dépit de l’accompagnement proposé par les accompagnateurs Rénov’.
Par ailleurs, le gouvernement a restreint le nombre de dossiers éligibles à 13 000 jusqu’à fin 2025. Or, cette limitation administrative crée une pénurie artificielle, sans lien avec les besoins réels. Les objectifs sont déclinés par territoire, ce qui introduit une logique concurrentielle entre les zones. Seuls les mandataires, accompagnateurs Rénov’ et collectivités locales peuvent accéder à ces quotas. En cas de dépassement local, les dossiers sont rejetés automatiquement. et, une fois le quota national atteint, la plateforme est fermée sans préavis.
Enfin, les dossiers déposés entre septembre et décembre 2025 ne seront examinés qu’au premier trimestre 2026. Cependant, leur instruction reste suspendue au vote de la loi de finances. Cela crée une incertitude majeure pour les demandeurs. Autrement dit, les ménages ne savent pas s’ils pourront réellement engager leurs travaux, ni à quel moment. Ce flou freine les décisions et affaiblit la dynamique de rénovation énergétique.
Quelles sont les réactions des professionnels et associations ?
Position du réseau CLER
Isabelle Gasquet, responsable de projets efficacité énergétique au réseau CLER, exprime sa déception face aux nouvelles orientations gouvernementales : “Après 10 ans d’engagement des associations, professionnels, et collectivités pour faire en sorte que la dynamique de rénovation énergétique décolle enfin, et 2 ans de mise en œuvre d’un dispositif d’aide qui fait ses preuves, le Gouvernement fait le choix de l’austérité en envoyant un signal d’abandon aux ménages souhaitant s’engager dans des travaux et aux structures de terrain qui œuvrent en faveur d’une rénovation énergétique performante accessible à toutes et tous.”
Le réseau CLER dénonce particulièrement l’impact social de ces restrictions. L’organisation souligne que nombreux locataires “vont se retrouver prisonniers de cette situation et seront condamnés à rester dans des logements indécents”.
Inquiétudes du secteur professionnel
Les entreprises du bâtiment tirent la sonnette d’alarme. La baisse du nombre de dossiers MaPrimeRénov’ et l’exclusion de nombreux ménages fragilisent toute une filière. Déjà ébranlé par les variations permanentes des aides publiques, le secteur redoute une chute brutale de son activité. Autrement dit, les professionnels voient leurs carnets de commandes se vider à mesure que les règles se resserrent.
De leur côté, les mandataires et accompagnateurs Rénov’ doivent réorienter leur approche commerciale. Face à cette nouvelle réalité restrictive, ils doivent s’adapter rapidement. Heureusement, ils auront accès en temps réel aux taux de saturation des objectifs par territoire. Grâce à ces données, ils pourront recommander un report des projets lorsque les quotas sont atteints. Mais, cela suppose plus d’anticipation et de pédagogie vis-à-vis des ménages.
Parallèlement, le gouvernement maintient les aides pour les monogestes et les travaux en copropriété, sans changement jusqu’à fin 2025.
Objectifs annoncés :
- 200 000 travaux simples (isolation, chauffage…)
- 40 000 logements en copropriété rénovés
Cependant, cette continuité partielle ne compense pas la réduction drastique des aides pour les rénovations globales. En clair, les projets les plus ambitieux restent les plus pénalisés.