Les délais de MaPrimeRénov’ sont au cœur d’une vive polémique. D’après l’entreprise Ithaque, spécialiste de la rénovation énergétique, le dispositif fait face à des “lourds dysfonctionnements”. Cette aide, qui a permis de financer la rénovation de 2,5 millions de logements depuis 2020, est aujourd’hui critiquée pour ses retards considérables. Alors que l’ANAH annonce des délais moyens de 105 jours pour les dossiers de rénovation d’ampleur, des acteurs du terrain comme Ithaque pointent des attentes bien plus longues, parfois supérieures à 300 jours. Comment expliquer ces écarts et quelles sont les conséquences pour les bénéficiaires des délais de MaPrimeRénov’ ?
Sommaire :
- Les délais de MaPrimeRénov’ : deux discours contradictoires
- Les causes de l’allongement des délais de MaPrimeRénov’
- Les conséquences des délais de MaPrimeRénov’ pour les bénéficiaires
- Quelles solutions pour réduire les délais de MaPrimeRénov’ ?
Les délais de MaPrimeRénov’ : deux discours contradictoires
Ce que dit l’Agence nationale de l’habitat
L’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui pilote le dispositif MaPrimeRénov’, reconnaît un allongement des délais d’instruction des dossiers depuis le début de l’année 2025. Toutefois, selon les chiffres officiels, ces délais restent relativement raisonnables.
Pour les rénovations par geste, le délai moyen à l’engagement des dossiers avant les travaux est de 63 jours. Tandis que pour les rénovations d’ampleur, ce délai est de 105 jours. Concernant les paiements après travaux, l’ANAH avance des délais moyens de 49 jours pour les rénovations par geste et 35 jours pour les rénovations d’ampleur.
Ce que révèlent les professionnels du terrain
Les professionnels du secteur, à l’image d’Ithaque, dressent un tout autre tableau des délais de MaPrimeRénov’. Selon leur expérience, moins de la moitié des dossiers Parcours Accompagné déposés pour les ménages supérieurs et intermédiaires (profils rose et violet) ont reçu une notification d’octroi, avec un délai moyen de 101 jours.
La situation est encore plus préoccupante pour les ménages modestes et très modestes (profils bleu et jaune). Puisque seuls 11% des dossiers ont reçu une réponse sur Monprojet.anah, après en moyenne 97 jours d’attente.
Plus alarmant encore, Ithaque rapporte que certains délais de traitement peuvent atteindre jusqu’à 300 jours pour certains dossiers. Ce chiffre est considérablement éloigné des moyennes communiquées par l’ANAH. Ce qui crée une dissonance entre le discours officiel et la réalité vécue par les professionnels et les bénéficiaires des délais de MaPrimeRénov’.
Les causes de l’allongement des délais de MaPrimeRénov’
Un dispositif victime de son succès
L’ANAH explique l’allongement des délais de MaPrimeRénov’ en partie par “une forte dynamique de dépôt des dossiers de rénovations d’ampleur”. Ce succès témoigne de l’intérêt des Français pour cette politique publique qui répond à leurs besoins en matière de rénovation énergétique. En effet, l’afflux massif de demandes a mis sous pression les services de traitement des dossiers. Et, cela a contribué à l’allongement des délais.
Le renforcement des contrôles anti-fraude
Autre facteur qui rallonge les délais de MaPrimeRénov’ : le renforcement des contrôles. Face à la hausse des tentatives de fraude, l’ANAH a musclé ses dispositifs à tous les niveaux. L’objectif ? Protéger les usagers et préserver le sérieux des professionnels du secteur.
Pour y parvenir, l’agence s’appuie sur une expertise de plus en plus pointue. Au programme : vérifications renforcées, intelligence artificielle, pièces justificatives supplémentaires, mais également contrôles sur le terrain. Des mesures jugées nécessaires, même si elles allongent, parfois, les délais de traitement des dossiers.
L’adoption tardive du PLF 2025
L’adoption tardive du Projet de Loi de Finances 2025 est également pointée du doigt par l’ANAH comme facteur d’allongement des délais de MaPrimeRénov’. Ce retard législatif a généré un stock important de dossiers que l’agence s’efforce désormais de réduire. En outre, cette situation administrative a créé un effet d’embouteillage dans le traitement des demandes, contribuant aux délais allongés.
Les conséquences des délais de MaPrimeRénov’ pour les bénéficiaires
L’impact financier pour les ménages
Les retards de versement de MaPrimeRénov’ pèsent lourd sur les ménages. Depuis le 1er janvier 2024, les paiements se font attendre, parfois très longtemps. Selon l’entreprise Ithaque, les versements sont quasiment à l’arrêt, même pour des dossiers finalisés depuis plusieurs mois. Le constat est parlant : sur 33 dossiers MaPrimeRénov’ Violet et Rose accompagnés par la société, aucun solde n’a encore été versé.
Plus grave encore, 30 % de ces dossiers sont clôturés depuis plus d’un an.
Résultat : les classes moyennes se retrouvent en première ligne. Souvent contraintes d’avancer les fonds, elles supportent seules le poids financier en attendant l’aide promise. Une situation qui fragilise leur budget… et qui risque, à terme, de freiner l’élan vers la rénovation énergétique.
Le ralentissement des projets de rénovation énergétique
Face à l’incertitude générée par les délais de MaPrimeRénov’, de nombreux particuliers pourraient être amenés à reporter leurs projets de rénovation énergétique.
Jean-Régis de Vauplane, porte-parole d’Ithaque, souligne : “Nous comprenons l’intention de l’Anah de veiller à réduire les fraudes au maximum, et l’impact que cela peut avoir sur le temps de traitement des dossiers. Cependant, les délais observés aujourd’hui nous semblent largement améliorables . Derrière chaque dossier, il y a un foyer qui a investi dans une rénovation d’ampleur, permettant ainsi une réduction de l’empreinte carbone nationale, et qui se retrouve à attendre des mois, parfois plus, pour obtenir son aide.”
Ce ralentissement va à l’encontre des objectifs nationaux de transition écologique, sachant que 30% de l’énergie en France est consommée par les logements. Les délais de MaPrimeRénov’ risquent donc d’entraver les ambitions climatiques du pays.
Quelles solutions pour réduire les délais de MaPrimeRénov’ ?
Les actions entreprises par l’ANAH
Face aux critiques concernant les délais de MaPrimeRénov’, l’ANAH affirme mettre “tout en œuvre pour les réduire”. L’agence a développé des outils et des procédures pour améliorer l’efficacité du traitement des dossiers tout en maintenant la rigueur nécessaire dans la lutte contre la fraude. Elle souligne également sa légitimité dans les contentieux liés au dispositif, avec 2 597 jugements favorables sur 2 658 rendus (98%).
L’adaptation des professionnels face aux délais
Les professionnels du secteur, comme Ithaque, ont dû s’adapter aux délais de MaPrimeRénov’ pour accompagner au mieux leurs clients. Ces adaptations passent notamment par “une communication transparente sur les délais et une mise en place de plans de financement pour sécuriser l’attente”, explique Jean-Régis de Vauplane. Ces initiatives visent ainsi à limiter l’impact des retards de paiement sur les projets de rénovation.
Vers une simplification du dispositif ?
Si l’ANAH et les professionnels agissent à leur niveau pour gérer les délais de MaPrimeRénov’, une réflexion plus profonde sur la simplification du dispositif pourrait s’avérer nécessaire. La complexité administrative actuelle, combinée aux exigences accrues en matière de contrôle, semble difficilement conciliable avec un traitement rapide des dossiers. Une évolution du cadre réglementaire pourrait permettre de fluidifier le processus tout en maintenant les garde-fous nécessaires contre la fraude.
