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Copropriété

Parties communes spéciales : qui décide des travaux en copropriété ?

Parties communes spéciales : qui décide des travaux en copropriété ?

Un arrêt récent (n°23-18.586) de la troisième chambre de la Cour de cassation, rendu le 6 février 2025, vient préciser les règles de vote pour les travaux affectant les parties communes spéciales en copropriété. L’affaire oppose BNP Paribas au syndicat des copropriétaires d’un immeuble parisien. En cause : l’installation d’un local technique sur une terrasse, impactant des espaces verts définis comme parties communes spéciales. La banque conteste la décision de l’assemblée générale autorisant ces travaux, estimant que seuls les copropriétaires directement concernés auraient dû voter. La Cour de cassation tranche en faveur d’un vote global, dès lors que les travaux affectent aussi les parties communes générales. Cet arrêt soulève une question cruciale pour les copropriétaires : dans quelles conditions peut-on imposer une décision à ceux qui ne sont pas directement concernés ?

Sommaire :

Les parties communes spéciales : définition et cadre juridique

Qu’est-ce qu’une partie commune spéciale ?

L’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 définit les parties communes spéciales comme des éléments du bâtiment ou du terrain affectés exclusivement à l’usage ou à l’utilité de certains copropriétaires. Cela peut inclure :

Qu'est-ce qu’une partie commune spéciale ?

Un principe régulièrement débattu

Selon la loi, seuls les copropriétaires concernés doivent voter sur les décisions touchant ces espaces.

L’article 6-2 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 précise que :

“Seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage ou à l’utilité desquels sont affectées ces parties communes.”

En effet, ce principe évite que des copropriétaires non concernés puissent imposer des décisions à ceux qui utilisent réellement ces espaces. Toutefois, en cas de travaux affectant à la fois des parties communes générales et spéciales, la question du vote devient plus complexe. C’est pourquoi l’arrêt du 6 février 2025 apporte des clarifications sur ce point.

Le litige : un vote contesté pour des travaux en copropriété

Un projet impactant une terrasse et des espaces verts

L’affaire opposait BNP Paribas, propriétaire de bureaux dans un immeuble en copropriété, au syndicat des copropriétaires. En 2013, l’assemblée générale avait autorisé un copropriétaire à installer un local technique abritant des ventilateurs de désenfumage sur une terrasse située au troisième étage. Or, cette terrasse, bien que définie comme une partie commune générale, jouxtait des espaces verts considérés comme parties communes spéciales. Et, ces dernières étaient utilisées principalement par BNP Paribas et d’autres occupants des bureaux.

Une contestation fondée sur le régime des parties communes spéciales

BNP Paribas a contesté cette décision, arguant que seuls les copropriétaires concernés par ces espaces verts auraient dû voter. Selon eux, la résolution adoptée par l’ensemble des copropriétaires était irrégulière et devait être annulée.

La décision de la Cour de cassation : un rappel des règles de vote

Une confirmation du vote par l’ensemble des copropriétaires

Dans son arrêt du 6 février 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi de BNP Paribas et confirme l’arrêt de la cour d’appel. Elle estime que le vote de l’ensemble des copropriétaires est nécessaire dès que des travaux affectent une partie commune générale, même si des parties communes spéciales sont également concernées.

Extrait de l’arrêt :

“Lorsque le règlement de copropriété identifie des parties communes spéciales appartenant indivisément à certains copropriétaires, ceux-ci n’ont le pouvoir de prendre seuls que les décisions les concernant exclusivement.”

La Cour précise donc que l’ensemble des copropriétaires doit voter si des parties communes générales sont concernées.

Le critère de l’exclusivité mis en avant

La Cour précise que le critère déterminant est l’exclusivité de l’impact. Si les travaux concernent uniquement des parties communes spéciales, seuls les copropriétaires concernés doivent voter. Mais, dès qu’ils affectent également une partie commune générale, c’est l’assemblée générale dans son ensemble qui décide.

Ce raisonnement empêche d’exclure certains copropriétaires d’une décision lorsque les travaux les impactent indirectement. Cependant, cette jurisprudence peut sembler porter atteinte aux droits des copropriétaires de parties communes spéciales, qui peuvent ainsi se voir imposer des décisions.

Les conséquences de cette jurisprudence pour les copropriétaires

Un risque de décisions imposées aux copropriétaires concernés

L’un des principaux effets de cette décision est la réduction du pouvoir des copropriétaires bénéficiant de parties communes spéciales. Puisqu’ils ne peuvent plus décider seuls des travaux dès lors que les parties communes générales sont également concernées.

L’article 11 du décret du 17 mars 1967 impose d’informer les copropriétaires des travaux en détail avant le vote. Dans cette affaire, BNP Paribas estimait que les documents fournis étaient insuffisants. La Cour a jugé que :

“Les éléments portés à la connaissance des copropriétaires précisaient suffisamment la nature et le lieu d’implantation des travaux projetés.”

Vers une meilleure information des copropriétaires ?

Par ailleurs, certains copropriétaires pourraient être tentés de voter en faveur de travaux qui ne les impactent pas directement, au détriment des principaux concernés. Cette situation pourrait alors entraîner des conflits en assemblée générale.

Une double décision possible pour limiter les tensions ?

Un compromis pourrait être de distinguer le vote sur le principe des travaux et celui sur leur mise en œuvre.

Vote travaux parties communes spéciales
Cette solution a déjà été évoquée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 29 juin 2000, qui précisait que les assemblées spéciales restent compétentes pour décider des modalités d’exécution des travaux.

Conclusion

L’arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2025 apporte une clarification importante sur les règles de vote en copropriété lorsqu’il s’agit de parties communes spéciales. Il établit clairement que, dès lors que des parties communes générales sont concernées, la décision doit être prise par l’ensemble des copropriétaires.

Si cette jurisprudence garantit la cohérence des décisions, elle peut aussi sembler porter atteinte aux droits des copropriétaires des parties communes spéciales, qui risquent de subir des décisions sans disposer d’un pouvoir exclusif. Ainsi, une évolution vers un double vote distinct entre principe et modalités d’application pourrait être une solution pour concilier les intérêts de tous les copropriétaires.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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