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Immobilier

Les coûts de transaction : Quelle influence sur le marché immobilier ?

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Lors de l’achat d’un bien immobilier, plus de 8% du prix du bien est nécessairement consacré aux coûts de transaction. Une hausse de ces coûts provoquait une baisse de la mobilité résidentielle.

La France se caractérise par des coûts de transaction immobilière particulièrement élevés. En prenant en compte les coûts obligatoires (taxes et frais de notaires) ainsi que les frais optionnels (frais d’agence ou d’intermédiaires), l’OCDE estimait en 2011 que ceux-ci représentaient 14% de la valeur du bien en France alors qu’ils n’étaient que d’environ 5% au Royaume-Uni ou aux États-Unis et d’environ 8% en Allemagne.

« La propriété du logement étant largement répandue (58% des ménages au 1er janvier 2016 selon l’Insee), ces coûts sont susceptibles de freiner la mobilité géographique des ménages. Or, la mobilité résidentielle est en lien direct avec le marché du travail », explique Laurence Monnoyer-Smith, Commissaire générale au développement durable.

Entre 2014 et 2016, la plupart des départements français ont relevé leur taux de droits de mutation, afin d’augmenter leurs ressources. Des recherches montrent que le renchérissement des coûts de transaction aurait conduit, toutes choses égales par ailleurs, à diminuer le nombre des transactions sur certains marchés. Il aurait donc pesé directement sur les ménages propriétaires les plus mobiles et pourrait ainsi avoir contribué à rigidifier les marchés du travail locaux.

 

Les trois régimes de droits de mutation immobiliers

Les droits de mutation représentent aujourd’hui jusqu’à 5,8% du prix de vente et sont entièrement à la charge de l’acquéreur. Ils sont perçus par le notaire pour le compte du Trésor Public et doivent être payés au moment de l’acte de vente.

Les taxes dues au titre des mutations sont proportionnelles au prix de vente, et diffèrent selon les caractéristiques du bien, la nature de l’acheteur et du vendeur (professionnel ou particulier) et le type de transfert. Depuis les réformes des droits de mutation de 1998 et 1999, il ne reste plus que trois régimes de droits de mutation immobiliers :

– le régime « de droit commun » s’applique aux mutations à titre exclusivement onéreux d’appartements, de maisons et de terrains non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : il s’agit des biens anciens (plus de 5 ans), des nouvelles constructions (5 ans ou moins) vendues entre particuliers (sauf si le vendeur a acquis le bien en Vefa, vente en l’état futur d’achèvement) et des terrains vendus entre particuliers.

Les droits se décomposent en trois taxes : la taxe de publicité foncière perçue au profit du département, qui était de 3,80% maximum jusqu’en 2014 (que les départements pouvaient toutefois moduler sans que ce taux puisse être inférieur à 1,20% ni supérieur à 3,80%), la taxe additionnelle au profit des communes ou des fonds départementaux de péréquation (1,20%), et les frais d’assiette et de recouvrement au profit de l’État (2,37% du montant du droit départemental). Le coût total de ces taxes s’élevait à 5,09% du prix de vente avant la réforme de 2013.

À partir du 1er mars 2014, les départements ont eu la possibilité d’augmenter la taxe départementale à 4,50%, portant le coût total à 5,80% du prix de vente.

– le régime « dérogatoire » s’applique aux mutations à titre onéreux d’immeubles neufs ou de terrains vendus par un professionnel, des nouvelles constructions (moins de 5 ans) vendues par un particulier ayant acheté en Vefa, mais aussi à certaines mutations d’immeubles à titre gratuit (donations). La taxe départementale est appliquée sur la base d’un taux réduit (0,70% pour les mutations à titre onéreux et 0,60% pour les donations), auquel s’ajoutent les frais d’assiette et de recouvrement au profit de l’État (2,14% du montant du droit départemental pour les mutations à titres onéreux, 2,37% pour les donations).

– l’exonération des droits de mutation s’applique principalement aux acquisitions de l’État, des collectivités locales et de certains établissements publics.

Ces deux derniers régimes n’ont pas subi de modification en 2014.

 

Un bien immobilier est un objet particulier du point de vue de la fiscalité

Un bien immobilier est un bien durable qui produit un service de logement mais également un investissement financier. Les droits de mutation s’appliquent sur l’intégralité du bien à chaque transaction, sans lien avec le montant des droits prélevés lors de la dernière transaction ou de la TVA perçue pour d’éventuels travaux d’amélioration du logement.

En 2014, une réforme des droits de mutation à titre onéreux est intervenue, dans un contexte de baisse des dotations des départements et de hausse des dépenses sociales à la charge de ces derniers.

Les droits de mutation à titre onéreux représentent pour les départements une ressource d’environ 9 milliards d’euros chaque année. Après une période de forte croissance entre 2000 et 2007, les droits de mutation recouvrés par les départements sont de nouveau en repli en 2012 et 2013. Ainsi, le Pacte de confiance et de responsabilité conclu le 16 juillet 2013 entre le gouvernement et les départements prévoit la possibilité pour les départements de relever temporairement les droits de mutation à titre onéreux de 3,80% à 4,50% en 2014 et 2015. En novembre 2015, le gouvernement décide de pérenniser ce relèvement.

Entre mars 2014 et janvier 2016, 93 des 96 départements de France métropolitaine ont profité de cette possibilité : en 2014, soixante départements ont relevé leur taux le 1er mars, dix-neuf le 1er avril, deux le 1er mai et sept le 1er juin. Trois départements ont fait de même le 1er janvier 2015, et deux autres le 1er janvier 2016. À ce jour, seuls trois départements de France métropolitaine n’ont pas relevé leurs droits de mutation. Il s’agit de l’Indre, de l’Isère et du Morbihan.

 

Quel peut être l’impact sur le marché immobilier d’un renchérissement des coûts de transaction ?

La théorie économique prédit que l’augmentation des coûts de transaction immobilière entraîne une baisse de la mobilité des ménages. Selon Grossman et Laroque (1990), les frais de transaction pour les biens durables entraînent une illiquidité du marché. Loannides et Kan (1996) obtiennent un résultat similaire en utilisant un modèle de choix dynamique. Ils montrent que les coûts de transaction ont un impact négatif sur la probabilité de changer de logement.

En outre, les coûts de transactions ne sont pas uniquement monétaires, comme le soulignent Venti et Wise (1984). Changer de logement entraîne souvent la rupture des liens de voisinage et nécessite de passer du temps à rechercher un nouveau logement. Les auteurs montrent que ces coûts limitent notamment l’impact des politiques publiques visant l’amélioration des conditions de logement des ménages les plus pauvres.

Des analyses empiriques menées à l’étranger confirment les résultats théoriques. Pour évaluer correctement l’effet des coûts de transaction sur le marché, il faut pouvoir comparer des marchés « semblables » mais qui ne sont pas soumis aux mêmes coûts de transactions. Le choix des économistes se porte donc souvent sur des réformes des droits de mutation, permettant d’observer un même marché soumis à des niveaux de taxe différents dans le temps.

 

> « Hausse des droits de mutation : quel impact sur le marché de l’immobilier ?

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Manda R.

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