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Ascenseurs : comment le secteur répond-il aux critiques sur sa fiabilité ?

Ascenseurs : comment le secteur répond-il aux critiques sur sa fiabilité ?

Le secteur des ascenseurs, souvent invisible jusqu’à ce qu’une panne survienne, fait aujourd’hui face à une double exigence : rassurer sur sa fiabilité et accélérer sa modernisation. Alors que plus de 600 000 appareils fonctionnent en France, les critiques médiatiques ont ravivé les interrogations sur l’état réel du parc. Pourtant, derrière les portes des cabines, une filière se transforme en profondeur : montée en puissance des PME, innovation technologique, efforts de recrutement, et mesures concrètes pour améliorer l’accessibilité. Cet article explore les défis structurels et les réponses apportées par une industrie essentielle à la mobilité urbaine. Ascenseurs : et si le secteur n’avait jamais été aussi engagé dans le changement ?

Sommaire :

Une filière en mutation face à une médiatisation critique

Le secteur des ascenseurs s’est retrouvé sous les projecteurs à la suite d’une enquête de France Info, publiée le 9 mai 2025, évoquant “un million et demi d’ascenseurs en panne chaque année”. Un chiffre spectaculaire qui a suscité une vive réaction de la Fédération des Ascenseurs.

Pour répondre à la polémique, la Fédération des Ascenseurs a réuni l’ensemble de la profession lors de son Assemblée générale 2025. Organisé à la Maison de la Radio, l’événement a rassemblé experts, entreprises et partenaires institutionnels pour faire le point sur la réalité du secteur. À cette occasion, une feuille de route ambitieuse a été présentée, articulée autour de trois axes majeurs : fiabilité, inclusion et sobriété énergétique.

Florence Bigé, récemment élue à la présidence, a rappelé avec force :

« Les Français ont raison d’exiger plus de fiabilité, plus de disponibilité, et surtout plus d’accessibilité. »

Les participants ont unanimement souligné la profonde transformation à l’œuvre dans la filière : percée des PME dans la maintenance, innovations technologiques de pointe, et investissements massifs dans la formation. Une dynamique engagée pour revaloriser un équipement aussi essentiel que méconnu : l’ascenseur.

Les chiffres 2024 : entre stabilité et défis de modernisation

Le chiffre d’affaires du secteur reste stable à 2,80 milliards d’euros. Le parc français compte aujourd’hui 653 000 ascenseurs en service. Près de 2 910 ont été remplacés intégralement, et 11 100 nouveaux appareils ont été installés, en légère hausse de 1 %.

En revanche, la modernisation du parc accuse un recul de 10 %, soit 235 millions d’euros. Ce décalage interroge, alors même que les attentes en matière de fiabilité des ascenseurs n’ont jamais été aussi fortes.

Les chiffres 2024 de la profession - Fédération des Ascenseurs
Plusieurs freins freinent aujourd’hui la modernisation du parc. D’abord, la vétusté du bâti rend souvent les travaux complexes, voire impossibles sans rénovations lourdes. Ensuite, certaines copropriétés dégradées peinent à entretenir leurs équipements, faute de moyens ou de gouvernance efficace. À cela s’ajoutent des retards fréquents dans le paiement des charges, qui bloquent les interventions.

Autre obstacle majeur : le vandalisme, qui représente jusqu’à deux tiers des pannes selon certains bailleurs sociaux. Enfin, les usagers expriment parfois une attente irréaliste de disponibilité permanente, même pour des ascenseurs datant de plus de 40 ans et dont certaines pièces ne sont plus fabriquées.

La profession souligne également son poids social : avec 17 200 salariés, elle constitue une filière industrielle significative, en demande constante de main-d’œuvre qualifiée.

La réponse structurée d’un secteur mobilisé

Former et recruter pour renforcer la filière

Face à la pénurie de main-d’œuvre, la profession s’organise pour répondre à la demande croissante de techniciens qualifiés. Pour attirer de nouveaux talents, elle mise notamment sur la plateforme etreascensoriste.fr, qui valorise les métiers du secteur et facilite l’accès à l’information.

En parallèle, le recrutement s’intensifie, avec un objectif clair : embaucher entre 1 000 et 1 500 professionnels chaque année. Pour accompagner cette dynamique, des cursus spécialisés ont été mis en place, comme un BTS dédié ou des certificats de spécialisation orientés vers les métiers techniques de l’ascenseur.

Un plan national structurant

Le Plan Ascenseur, lancé après le comité interministériel du handicap de mars 2025, est déployé dans 30 départements. Il vise à dresser un état des lieux précis du parc, avec une attention particulière aux quartiers prioritaires. Cette initiative s’inspire des expérimentations menées dans le Doubs, la Charente-Maritime ou encore la Mayenne.

Vers plus de transparence

La mise en place d’un registre national des ascenseurs permettra de centraliser les données sur leur état, les interventions de maintenance et les besoins de rénovation. Un outil essentiel pour mieux responsabiliser les acteurs et améliorer la gestion des équipements.

Le Manifeste 2024 : une vision commune pour structurer l’avenir

Pour accompagner cette transformation, la Fédération des Ascenseurs s’appuie sur un document structurant : le Manifeste 2024. Ce texte de référence fixe les grandes priorités de la filière pour les années à venir.

D’une part, il insiste sur la nécessité de renforcer la rénovation du parc existant. D’autre part, il encourage une meilleure accessibilité dans tous les territoires, y compris les plus enclavés. Enfin, il appelle à intégrer pleinement la transition écologique dans l’ensemble des projets. Au-delà des intentions, ce manifeste joue un rôle de feuille de route. Il guide les entreprises du secteur et favorise la coopération entre industriels, acteurs publics et usagers.

Florence Bigé, une nomination emblématique pour le secteur

Florence Bigé a été nommée en 2025 à la tête de la Fédération des Ascenseurs et de TK Elevator France. Elle est la première femme à diriger un grand constructeur d’ascenseurs dans l’Hexagone. Son arrivée symbolise une nouvelle ère pour une industrie en pleine transformation.

Diplômée de l’ESC Marseille et d’HEC, Florence Bigé cumule plus de 20 ans d’expérience dans des fonctions stratégiques et opérationnelles. Son engagement se concentre sur la modernisation, la digitalisation et la durabilité des services offerts par la filière.

« Ma vision pour l’entreprise repose sur la qualité de nos solutions et sur une offre de services haut de gamme destinée à accompagner nos clients vers une mobilité plus fiable, plus intelligente et plus respectueuse des personnes et de l’environnement », explique-t-elle.

Sous sa direction, TK Elevator lance le modèle EOX, un ascenseur intelligent développé avec NVIDIA et Microsoft. Il embarque des technologies de pointe en intelligence artificielle et cloud, permettant d’anticiper les pannes et de réduire la consommation énergétique jusqu’à 28 %.

L’enjeu de l’accessibilité et du vieillissement démographique

L’ascenseur est un outil de cohésion sociale. Pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap ou les familles vivant en immeuble sans équipements adaptés, il conditionne l’accès aux services, à l’emploi ou à la vie sociale. La Fédération appelle donc à accélérer leur installation dans les logements collectifs anciens et les bâtiments publics.

Plusieurs leviers sont déjà en place. Le label Access permet d’identifier les équipements adaptés aux normes d’accessibilité. L’intégration des ascenseurs dans le dispositif MaPrimeRénov’ constitue également une avancée, en facilitant leur financement via la rénovation énergétique. Ces dispositifs répondent à un double enjeu : environnemental et social.

Une vision prospective : construire la ville de demain

Au-delà de la simple maintenance, la Fédération des Ascenseurs porte une vision ambitieuse : celle d’une ville verticale, inclusive et durable. Dans les métropoles denses comme dans les zones en reconversion, la mobilité verticale est une condition essentielle de développement urbain.

Mais, cette transformation doit être soutenue politiquement. La Fédération met en garde contre certains projets législatifs, comme la proposition de loi dite “Brun”, jugée déconnectée du terrain. Elle pourrait aggraver les inégalités, en fragilisant les petites entreprises et en alourdissant les charges pour les copropriétés modestes.

Avec sa feuille de route 2025-2026, la filière trace le cap : fiabilité accrue, innovations technologiques, recrutement massif et actions ciblées dans les territoires. Le chemin reste semé d’embûches, notamment en matière de modernisation du parc et de compréhension politique des enjeux. Mais, une chose est certaine : l’ascenseur n’est plus seulement un outil de transport vertical. Il est devenu un levier de transformation des villes, un symbole d’inclusion, et une composante clé de la ville durable de demain.

« Il n’y aura pas de ville durable sans mobilité verticale fiable. L’ascenseur est un pilier de l’urbanisme de demain. C’est maintenant qu’il faut accompagner les transitions engagées, avec des solutions innovantes, efficientes et pérennes. », conclut Florence Bigé.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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