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Bornes de recharge en copropriété : avis de l’autorité de la concurrence

Bornes de recharge en copropriété : avis de l’autorité de la concurrence

Dans son avis 24-A-03 du 30 mai 2024, l’autorité de la concurrence se penche sur l’installation de bornes de recharge en copropriété. Face à l’essor de l’électromobilité, les immeubles collectifs se trouvent confrontés à un défi de taille. Obstacles techniques, juridiques et financiers entravent le déploiement massif des infrastructures de recharge. L’autorité de la concurrence analyse le secteur émergent, du droit à la prise aux nouvelles solutions d’infrastructures collectives. De plus, elle examine les modèles économiques en développement et formule des recommandations pour stimuler la concurrence. Cet avis décrypte les enjeux et propose des pistes pour accélérer l’équipement des copropriétés, clé de voûte de la mobilité électrique de demain.

Sommaire :

Le contexte du déploiement des bornes de recharge en copropriété

L’essor de l’électromobilité et ses défis

L’électromobilité connaît une croissance exponentielle en France. Selon les chiffres de l’AVERE-France, les immatriculations de véhicules électriques ont augmenté de 25% en 2023 par rapport à 2022. Cette tendance s’accompagne d’un besoin croissant en infrastructures de recharge. Et, cela, particulièrement dans les copropriétés qui représentent 44% des logements en France (INSEE, 2023).

Les spécificités des bornes de recharge en copropriété

L’installation de bornes de recharge en copropriété présente des particularités techniques et juridiques. Contrairement aux maisons individuelles, les copropriétés doivent gérer des espaces communs et des décisions collectives.

En effet, l’Autorité de la concurrence souligne que “la recharge à domicile est facilement accessible en maisons individuelles. Mais singulièrement plus complexe pour les ménages résidant dans des logements collectifs.”

Le taux d’équipement des copropriétés reste très faible, avec seulement 2% d’entre elles dotées d’infrastructures de recharge.

Le cadre réglementaire actuel

Le cadre réglementaire a évolué pour favoriser l’installation de bornes de recharge en copropriété. La loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 a renforcé le “droit à la prise”. De plus, elle a imposé des obligations de pré-équipement pour les bâtiments neufs. L’article L. 111-3-8 du Code de la construction et de l’habitation encadre désormais ces installations.

Notons, la parution en avril 2024 d’une nouvelle directive européenne relative à la performance énergétique des bâtiments. Dans ce contexte, l’Autorité formule une série de recommandations pour faciliter et fluidifier l’accès à la recharge dans les immeubles collectifs.

Les obstacles au déploiement des bornes de recharge en copropriété

Les défis techniques et logistiques

L’Autorité souligne que le déploiement des bornes en immeubles collectifs présente des spécificités techniques. À l’exception de la solution individuelle du droit à la prise, l’équipement d’un immeuble implique l’installation :

  • d’une infrastructure collective raccordée au réseau public de distribution (RPD). Elle comprend l’installation électrique collective constituée d’un point de livraison dédié pour le raccordement ultérieur de bornes.
  • d’infrastructures privatives comprenant la borne elle-même et son raccordement à l’infrastructure collective.

Les obstacles au déploiement des bornes de recharge en copropriété

Les freins juridiques et décisionnels

L’Autorité identifie une “barrière réglementaire liée au processus décisionnel au sein de l’habitat collectif et, plus singulièrement, dans les copropriétés”. C’est d’ailleurs l’un des facteurs qui explique le faible taux d’équipement des copropriétés.

Les enjeux financiers et économiques

De plus, l’avis souligne une “barrière financière liée au besoin de financement de l’installation de l’infrastructure collective au sein de l’immeuble”. En effet, c’est un obstacle majeur au déploiement des bornes de recharge en copropriété.

Les solutions émergentes pour les bornes de recharge en copropriété

Les principaux Opérateurs d’Infrastructure de Recharge (OIC) ou Opérateurs de Recharge (OPR) mentionnés sont WAAT et Zeplug. D’autres acteurs importants dans ce domaine incluent Borne Recharge Service, Izi by EDF, Park’n Plug et Zephyre. Enedis est également évoqué, mais spécifiquement pour son rôle dans l’infrastructure collective.

Ces opérateurs se répartissent en deux catégories selon leur champ d’action :

  • Ceux qui interviennent à la fois sur l’infrastructure collective et sur les bornes de recharge avec leurs services associés.
  • Ceux qui se concentrent uniquement sur les bornes de recharge et les services qui y sont liés.

Le droit à la prise et ses limites

Le droit à la prise, instauré par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, permet à tout copropriétaire de faire installer à ses frais une borne de recharge. Cependant, l’Autorité constate que cette solution “reste peu attractive, souffrant de l’existence de nombreux freins”. Notamment, des délais longs et des coûts élevés pour l’utilisateur.

Les solutions émergentes pour les bornes de recharge en copropriété

Les infrastructures collectives : une approche prometteuse

Les infrastructures collectives émergent comme une solution plus efficace. L’Autorité note que “la solution collective permet de réduire les coûts d’installation et les délais de raccordement des futures bornes de recharge, en les mutualisant”.

De nouveaux modèles économiques se développent, comme le tiers-investissement ou le préfinancement par le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité). L’Autorité souligne l’importance de Logivolt (filiale à 100 % de la Caisse des Dépôts et Consignations) dans le financement des infrastructures collectives.

Analyse concurrentielle du marché des bornes de recharge en copropriété

L’Autorité constate un secteur dynamique et non mature. Or, les acteurs sont susceptibles de détenir des avantages concurrentiels liés à des cumuls d’activités. Pour l’infrastructure collective, l’offre émane des opérateurs d’immeubles collectifs (OIC) et du gestionnaire du réseau de distribution (GRD). Pour l’infrastructure privative, l’offre provient des opérateurs privés de la recharge (OPR) et des installateurs certifiés.

Les risques de pratiques anticoncurrentielles

L’Autorité identifie deux spécificités majeures du point de vue concurrentiel :

  1. L’intervention du GRD, par ailleurs investi d’une mission de service public, dans un domaine concurrentiel.
  2. Les offres privées émanant des OIC qui proposent, outre l’installation de l’infrastructure collective, une solution de recharge individuelle pour chaque utilisateur final.

C’est pourquoi, l’Autorité met en garde contre plusieurs risques concurrentiels liés à l’intervention du GRD, notamment :

  • Une éventuelle asymétrie des délais de raccordement selon la solution choisie.
  • Une potentielle promotion par le GRD de sa solution préfinancée par le Turpe.
  • Une éventuelle utilisation croisée d’informations commerciales et techniques entre le GRD et sa société-mère.

Les enjeux d’interopérabilité et de portabilité

Par ailleurs, l’Autorité souligne que l’inter-compatibilité verticale entre l’infrastructure collective d’un opérateur et la solution de recharge individuelle d’un autre opérateur n’est pas obligatoire. Pourtant, elle considère cette inter-compatibilité comme une condition sine qua non pour éviter la captivité des propriétaires/locataires et assurer le fonctionnement concurrentiel du secteur.

Recommandations de l’Autorité de la concurrence

Stimuler la concurrence et l’innovation

L’Autorité recommande de réaffirmer l’affectation prioritaire du mécanisme de préfinancement par le Turpe à l’installation d’infrastructures collectives dans des zones où une carence de l’initiative privée est identifiée. C’est-à-dire principalement pour les parkings extérieurs des immeubles collectifs.

Améliorer la transparence et l’information des copropriétés

L’Autorité recommande au Gouvernement d’imposer au GRD de renforcer la transparence de l’ensemble des coûts collectifs et individuels. Et, cela, dans le cadre de la convention conclue avec le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires.

Faciliter le déploiement et l’accessibilité des bornes de recharge en copropriété

L’Autorité invite le législateur à imposer une obligation d’inter-compatibilité à la charge de l’OIC. Ainsi, elle devra expressément être formulée dans la convention. De plus, elle recommande également aux OIC/OPR de ne pas subordonner la souscription du contrat d’abonnement par l’utilisateur final à la signature préalable de la convention relative à l’infrastructure collective de l’immeuble.

Garantir la flexibilité et le choix des consommateurs

L’Autorité recommande aux OIC de garantir une information complète des propriétaires et syndicats des copropriétaires sur l’exercice d’une clause de reconduction tacite. Et, cela, conformément à l’article L. 215-1 du code de la consommation. De même, elle préconise de limiter la durée de la reconduction ou, à tout le moins, de prévoir dans la convention un délai de préavis raisonnable pour une résiliation pendant les périodes de reconduction.

Enfin, l’Autorité insiste sur la nécessité de clarifier contractuellement la continuité de gestion et d’entretien en cas de changement d’opérateur. Et, cela, aussi bien en cours qu’en fin de contrat. En effet, cette recommandation vise à faciliter la mobilité des consommateurs entre les différents opérateurs et à stimuler la concurrence sur le marché.

Assurer la pérennité et la transférabilité des infrastructures

L’Autorité recommande au Gouvernement d’imposer, au moins pour les conventions futures, l’insertion systématique de clauses afférentes au transfert de propriété de l’infrastructure collective et à ses modalités à l’expiration de la convention. Cette mesure vise à garantir la pérennité des installations et à faciliter les transitions entre opérateurs, tout en protégeant les intérêts des copropriétés.

Perspectives pour les bornes de recharge en copropriété

L’avis de l’Autorité s’inscrit dans le contexte de la nouvelle directive européenne relative à la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024. En effet, cette directive pourrait entraîner de nouvelles obligations et opportunités pour le déploiement des bornes de recharge en copropriété. Ce qui nécessite une adaptation continue du cadre réglementaire français.

Par ailleurs, le secteur des bornes de recharge en copropriété est appelé à évoluer rapidement, avec l’émergence de nouvelles technologies de recharge et de gestion de l’énergie. L’Autorité souligne l’importance de maintenir un environnement concurrentiel propice à l’innovation. Ce dernier doit alors permettre l’apparition de nouveaux acteurs et de modèles économiques innovants.

L’objectif à long terme est de faciliter l’accès à la recharge pour tous les résidents d’immeubles collectifs. À cet effet, les recommandations de l’Autorité visent à créer un écosystème où le déploiement des bornes de recharge en copropriété devient aussi simple et accessible que dans les maisons individuelles. Et, cela, tout en préservant les principes de concurrence et de libre choix des consommateurs.

Conclusion

L’avis de l’Autorité de la concurrence sur les bornes de recharge en copropriété met en lumière les défis complexes auxquels fait face ce secteur en pleine croissance. En identifiant les risques concurrentiels et en proposant des recommandations concrètes, l’Autorité cherche à établir un équilibre entre le développement rapide des infrastructures de recharge et le maintien d’un marché concurrentiel et innovant.

La mise en œuvre de ces recommandations nécessitera une collaboration étroite entre les pouvoirs publics, les opérateurs du secteur, les gestionnaires de réseaux et les copropriétés. L’enjeu est de taille : permettre une transition fluide vers l’électromobilité pour les millions de Français vivant en logements collectifs, tout en garantissant la pérennité et l’efficacité des installations.

Alors que le secteur continue d’évoluer, il sera crucial de maintenir une veille réglementaire et concurrentielle pour s’assurer que le déploiement des bornes de recharge en copropriété reste aligné avec les objectifs de transition énergétique et de protection des consommateurs.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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