Aller au contenu

Aides & Subventions

Aides à la rénovation énergétique : pourquoi le système fait encore barrage ?

Aides à la rénovation énergétique : pourquoi le système fait encore barrage ?

Malgré l’urgence à rénover massivement les logements – avec 4,2 millions de passoires thermiques recensées en France, soit près de 14% des résidences principales – les dispositifs d’aides à la rénovation énergétique peinent à convaincre. Dans une étude publiée en mai 2025, l’UFC-Que Choisir alerte sur la persistance de freins majeurs : complexité administrative, instabilité des règles, manque de lisibilité des aides comme MaPrimeRénov’, les CEE ou l’éco-PTZ. Alors que la France vise la neutralité carbone d’ici 2050, le chemin reste semé d’embûches pour les ménages désireux de se lancer dans des rénovations d’ampleur.

Sommaire :

État des lieux des aides à la rénovation énergétique en 2025

Un objectif ambitieux face à des résultats insuffisants

La France s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de rénovation énergétique. L’objectif est clair : décarboner presque totalement le secteur du bâtiment d’ici 2050. Pour y parvenir, l’ensemble du parc immobilier devra atteindre le niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation).

Concrètement, cela suppose de réaliser 700 000 rénovations performantes chaque année à partir de 2030. Mais, aujourd’hui, la réalité est tout autre. En 2024, seules 91 374 rénovations d’ampleur ont été menées à bien. C’est moins de la moitié de l’objectif initial fixé à 200 000. Pire encore, les rénovations par geste – c’est-à-dire les travaux plus ciblés – ont chuté de 40 % par rapport à 2023. C’est ce que révèlent les chiffres clés de l’Anah publiés début 2025.

Le secteur du bâtiment reste l’un des principaux contributeurs au réchauffement climatique. En 2023, il représentait à lui seul 16% des émissions nationales de gaz à effet de serre. Mais ce constat environnemental s’accompagne d’une urgence sociale. En effet, 5,6 millions de ménages français vivent en situation de précarité énergétique. Autrement dit, ils peinent à payer leurs factures ou sont contraints de restreindre leur consommation, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE).

Un paysage complexe d’aides à la rénovation énergétique

Les aides à la rénovation énergétique sont nombreuses, mais leur lisibilité laisse encore à désirer. Plusieurs dispositifs coexistent, souvent marqués par des règles qui évoluent fréquemment.

Parmi eux, MaPrimeRénov’ reste le pilier central. En 2023, elle représentait à elle seule 88% des aides versées. Son budget atteint environ 3,4 milliards d’euros pour 2025. Cette aide se décline en trois parcours : le « parcours par gestes », pour des travaux isolés ; le « parcours accompagné », destiné aux rénovations globales ; et « MaPrimeRénov’ Copropriété », spécifique aux immeubles collectifs.

Mais, ce n’est pas tout. D’autres dispositifs viennent s’ajouter à l’équation, comme les certificats d’économies d’énergie (CEE). Ce mécanisme, complexe, permet d’obtenir des primes financées par les fournisseurs d’énergie. Côté financement, les ménages peuvent aussi compter sur l’éco-prêt à taux zéro ou le prêt avance rénovation. Enfin, une TVA réduite à 5,5% ou 10% vient compléter ce panel d’aides.

MaPrimeRénov’ : un dispositif en évolution constante

Des budgets sans cesse rabotés

Malgré les ambitions affichées, les moyens ne suivent pas toujours. Le budget de MaPrimeRénov’ en est un bon exemple. Prévu à 5 milliards d’euros pour 2024, il a finalement été ramené à 3,6 milliards. Et pour 2025, l’enveloppe baisse encore, à 3,4 milliards d’euros. Un montant bien en deçà des besoins. D’après le collectif « Rénovons », il faudrait au moins 8,5 milliards d’euros pour financer pleinement les objectifs de rénovation fixés par l’État.

À ces coupes budgétaires s’ajoute une instabilité des règles. Les critères d’éligibilité et les montants d’aides changent fréquemment, semant la confusion chez les ménages. Résultat : un sentiment d’incertitude qui freine les projets.

Évolution des aides MaPrimeRénov' entre 2022 et 2025 - Aides à la rénovation énergétique
Source : UFC-Que Choisir

Pire encore pour les plus modestes. Selon les données de l’UFC-Que Choisir, le reste à charge pour les ménages très modestes a fortement augmenté. Il est passé de 51% à 62% du montant des travaux entre 2022 et 2025, d’après les rapports de l’Assemblée nationale.

Des évolutions bienvenues mais reportées

Initialement prévue pour le 1er janvier 2025, l’obligation de recourir au parcours MaPrimeRénov’ accompagné pour les logements classés F ou G au DPE, dans le cas des maisons individuelles, a été reportée au 1er janvier 2026 par le décret n° 2024-1143 du 4 décembre 2024. Ce report prolonge jusqu’à fin 2025 l’accès au parcours par geste, y compris sans rénovation globale, retardant ainsi la généralisation des rénovations performantes.

Certaines avancées méritent toutefois d’être soulignées, comme l’intégration, depuis janvier 2024, du financement de travaux visant à améliorer le confort d’été dans le cadre des rénovations d’ampleur éligibles à MaPrimeRénov’. Cette mesure répond à un besoin croissant, puisque 59% des Français ont souffert de la chaleur dans leur logement en 2022, selon le Médiateur national de l’énergie.

L’arrêté du 27 mars 2025 a permis l’harmonisation des critères techniques des travaux éligibles à l’éco-PTZ avec ceux de MaPrimeRénov’ et de la TVA réduite. Ainsi, cette mesure, applicable à partir du 1er juillet 2025, simplifie le recours combiné à ces dispositifs d’aides à la rénovation énergétique. Cette harmonisation facilite le cumul des aides, permettant aux ménages de financer plus aisément le reste à charge de leurs travaux de rénovation énergétique.

Des difficultés d’accès persistantes aux aides à la rénovation énergétique

L’accès à MaPrimeRénov’ demeure semé d’embûches. En avril 2023, la Défenseure des droits a reçu 900 saisines supplémentaires concernant le dispositif, mettant en lumière des bugs informatiques, des délais de traitement excessifs et une absence de résolution des problèmes signalés depuis 2020. Ces constats ont été relayés dans le rapport d’information n°1305 de l’Assemblée nationale, publié en juin 2023.

L’avance de trésorerie constitue également un frein majeur. Depuis le 1er janvier 2025, les avances de subvention ont été réduites à 50% pour les ménages très modestes dans le cadre du parcours par geste, contre 70% auparavant, selon l’arrêté du 4 décembre 2024. or, ces réductions risquent de décourager les ménages les plus précaires d’engager des travaux de rénovation énergétique. Et, cela, alors même que le rapport Sichel de mars 2021 “Pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés” préconisait au contraire d’augmenter ces avances et de les étendre aux ménages intermédiaires.

Les autres dispositifs souvent méconnus

Les certificats d’économies d’énergie, un système opaque

Les certificats d’économies d’énergie (CEE) constituent un dispositif important, mais peu mobilisé par les ménages. Créé en 2005 par la loi POPE, ce mécanisme oblige les fournisseurs d’énergie à encourager leurs clients à réaliser des économies d’énergie via l’octroi de primes. Pour la cinquième période (2022-2025), l’objectif est fixé à 3 100 TWh cumac selon le Ministère de la Transition énergétique.

Aides à la rénovation énergétique
En 2022, le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) a permis de délivrer 852 TWh cumac, représentant des économies d’énergie théoriques calculées selon des méthodes standardisées. Cependant, une évaluation de l’ADEME de 2020 indique que les économies réelles pourraient être inférieures aux estimations, en raison des écarts entre les performances théoriques et les usages effectifs. Cette divergence soulève des questions sur l’efficacité réelle du dispositif et la nécessité d’ajuster les méthodes d’évaluation pour mieux refléter les économies d’énergie effectivement réalisées.

L’accès à ces aides à la rénovation énergétique s’avère complexe : absence de comparateur officiel, variabilité des primes selon les obligés, multiplicité des démarches administratives. Ces obstacles expliquent en partie la sous-utilisation du dispositif. Une étude de l’UFC-Que Choisir de février 2018 intitulée “Certificats d’économie d’énergie, Un coût explosif pour des gains putatifs” avait déjà mis en lumière ces problèmes.

Les outils bancaires, un potentiel sous-exploité

L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) représente une solution de financement avantageuse, mais encore trop peu utilisée. Créé en 2009, ce prêt sans intérêt permet de financer jusqu’à 50 000 € de travaux sur 20 ans. Selon les données de la Société de gestion des financements et de la garantie pour l’accession sociale à la propriété, l’évolution des éco-PTZ émis montre une progression constante, mais encore insuffisante :

Évolution des éco-PTZ entre 2019 et 2024
Évolution des éco-PTZ entre 2019 et 2024

Un autre dispositif prometteur mais méconnu est le prêt avance rénovation (PAR), disponible depuis février 2022. Ce prêt hypothécaire, dont le remboursement s’effectue lors de la vente du logement ou d’une succession, n’a été émis qu’à 42 exemplaires en 2022, pour un montant global de 890 000 euros selon le rapport d’information n°1700 de l’Assemblée nationale d’octobre 2023. Depuis le 1er septembre 2024, une version sans intérêt (PAR+) a été lancée pour les ménages modestes et très modestes, avec un plafond de 50 000 €.

L’accompagnement : clé de voûte d’une rénovation réussie

FranceRénov’, un réseau à consolider

L’accompagnement des ménages est crucial face à la complexité technique et administrative des projets de rénovation. Selon l’ANIL, près de deux tiers des ménages expriment leur besoin d’être accompagnés dans leurs démarches de rénovation énergétique.

Le réseau FranceRénov’, coordonné par l’Anah depuis janvier 2022, compte 577 espaces conseil et 2 519 conseillers répartis sur tout le territoire en 2023. Ce réseau, issu de la fusion de diverses plateformes précédemment réunies sous le nom “FAIRE”, souffre toutefois d’instabilité dans son financement et son organisation. Comme le souligne le rapport du Sénat de juin 2023, le service d’accompagnement des ménages à la rénovation énergétique a changé cinq fois de nom et deux fois de mode de financement ces dernières années.

Le financement actuel de l’accompagnement à la rénovation énergétique s’appuie sur plusieurs sources. D’une part, il repose sur le programme CEE Sare (Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique), doté de 200 millions d’euros pour la période 2020-2025. D’autre part, il dépend également des contributions des collectivités territoriales.

À première vue, cette diversité de financements offre une certaine stabilité au dispositif. Mais, en réalité, elle peut aussi s’avérer fragile. En effet, tout désengagement local peut avoir un impact immédiat. C’est ce qu’a illustré le retrait des financements de la région Auvergne-Rhône-Alpes en 2024, qui a mis en lumière les limites de ce modèle.

Mon Accompagnateur Rénov’, nouvelle pièce maîtresse du dispositif

Une obligation depuis janvier 2024

Depuis janvier 2024, le recours à Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR) est obligatoire pour bénéficier de MaPrimeRénov’ Parcours accompagné. Ces professionnels agréés par l’Anah interviennent à toutes les étapes du projet de rénovation énergétique : définition des travaux, démarches administratives, sélection des entreprises et suivi du chantier.

Un coût variable selon les revenus

Aujourd’hui, plus de 3 300 Accompagnateurs Rénov’ sont en activité sur le territoire. Leur mission : guider les ménages tout au long de leur parcours de rénovation énergétique. Côté financement, la prise en charge de ce service varie selon les niveaux de revenus. Elle est intégralement couverte (100%) pour les ménages très modestes. Elle passe à 80% pour les ménages modestes, 40% pour les intermédiaires et seulement 20% pour les foyers aux revenus les plus élevés.

Le montant de l’aide est plafonné à 2 000 euros dans la majorité des cas. Toutefois, ce plafond peut grimper jusqu’à 4000 euros dans les situations les plus sensibles, notamment en cas de précarité énergétique ou de logement indigne. Cependant, avec un coût moyen d’accompagnement d’environ 3 000 € selon les premiers retours d’expérience recueillis par l’UFC-Que Choisir, le reste à charge peut constituer un frein supplémentaire à l’engagement de travaux.

Une indépendance à garantir

Pour garantir un accompagnement neutre et de qualité, les Accompagnateurs Rénov’ (MAR) doivent prouver leur indépendance vis-à-vis des entreprises qui réalisent les travaux. En théorie, cela évite tout conflit d’intérêts. Mais, dans les faits, des risques de collaborations privilégiées entre accompagnateurs et artisans persistent. D’où la nécessité de renforcer les contrôles, notamment par l’Anah, pour préserver la crédibilité du dispositif.

Vers un parcours plus lisible pour les ménages

Enfin, la complexité des démarches reste un frein. Un parcours unique et simplifié apparaît donc essentiel pour faciliter l’accès des ménages aux aides à la rénovation énergétique. Or, l’article L.232-1 du Code de l’énergie ne rend pas obligatoire le passage par le réseau France Rénov’ pour être mis en relation avec un accompagnateur. Ce flou affaiblit le rôle de tiers de confiance des espaces conseil France Rénov’, pourtant censés être les portes d’entrée du dispositif.

Perspectives et recommandations pour améliorer l’accès aux aides à la rénovation énergétique

Vers une simplification indispensable des démarches

Face à la complexité persistante des dispositifs d’aides à la rénovation énergétique, l’UFC-Que Choisir formule plusieurs recommandations concrètes.

La priorité absolue serait d’harmoniser les règles d’attribution des différentes aides existantes. L’objectif : créer un véritable guichet unique, accessible à tous les ménages, y compris pour ceux qui entreprennent une rénovation par geste. En attendant cette refonte structurelle, une mesure transitoire utile serait de mettre à disposition un comparateur en ligne officiel dédié aux certificats d’économies d’énergie (CEE). Cet outil permettrait aux ménages de repérer rapidement les offres de primes les plus avantageuses selon le type de travaux envisagé.

Autre point de confusion à corriger : la diversité des intitulés des primes CEE. L’UFC-Que Choisir suggère de standardiser la présentation en adoptant une formule simple et claire, du type : “prime CEE proposée par la société X” au lieu des appellations commerciales floues comme “prime énergie X”. Cela permettrait de mieux informer les consommateurs et de renforcer la transparence du dispositif.

Réduire le reste à charge, priorité pour les ménages modestes

Les montants des aides à la rénovation énergétique peuvent aujourd’hui être incitatifs, notamment pour les ménages modestes et très modestes. Cependant, la réduction des avances de subvention freine fortement leur capacité à engager des travaux. Face à ce constat, l’UFC-Que Choisir recommande de revaloriser les niveaux d’avances pour tous les types de parcours, qu’il s’agisse de rénovations d’ampleur ou de gestes isolés. Elle propose aussi d’étendre cette possibilité aux ménages intermédiaires, souvent laissés pour compte.

Un autre levier important réside dans le développement de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Pour en faire un véritable outil de massification, il est nécessaire de mobiliser davantage les établissements de crédit. Cela pourrait passer par l’instauration d’une obligation d’information sur le dispositif, mais aussi par la fixation d’objectifs chiffrés d’octroi.

Enfin, des améliorations structurelles, inspirées du modèle allemand, mériteraient d’être envisagées. Parmi elles : un montant maximal revalorisé, un financement lié à la performance énergétique réellement atteinte, un contrôle renforcé des travaux, et un allongement de la durée de remboursement jusqu’à 30 ans.

Renforcer l’accompagnement sans alourdir la facture

Le recours obligatoire à un Accompagnateur Rénov’ dans le cadre d’une rénovation d’ampleur impose le respect de conditions de neutralité strictes. Mais, attention : ce dispositif ne doit en aucun cas devenir un frein financier supplémentaire pour les ménages. C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir recommande un ajustement. Elle propose de renforcer la prise en charge assurée par l’Anah, en rehaussant les taux de financement de cette prestation d’accompagnement.

Par ailleurs, une meilleure structuration du parcours d’accompagnement serait bénéfique. Il serait pertinent d’instaurer un passage obligatoire par les espaces conseil France Rénov’ dès le début du parcours. Ainsi, une telle mesure permettrait de consolider le rôle de tiers de confiance de ces structures publiques. Surtout, elle garantirait aux ménages une information neutre, indépendante et fiable, avant toute décision de se lancer dans des travaux de rénovation.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

Laisser un commentaire