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Immobilier

Vente judiciaire immobilière : comment éviter la sous-évaluation ?

Vente judiciaire immobilière : comment éviter la sous-évaluation ?

Trois à dix fois moins cher que le prix du marché : c’est à ce tarif dérisoire que des centaines de biens immobiliers sont vendus chaque année lors d’une vente judiciaire immobilière. Le député Paul Molac tire la sonnette d’alarme dans sa question écrite n°7438 de juin 2025 à l’Assemblée nationale. Après six mensualités impayées, les propriétaires voient leur bien saisi et vendu aux enchères à un prix calculé sur le solde du prêt, sans lien avec sa valeur réelle. Le ministère de la Justice répond en rappelant les dispositifs existants : vente amiable, vente de gré à gré, contestation de la mise à prix. Mais ces mécanismes suffisent-ils vraiment à protéger les débiteurs de la dépossession et de la précarisation ?


Sommaire :


À retenir – Vente judiciaire immobilière

  • La vente judiciaire débute après six mensualités impayées.
  • Le prix de vente peut être trois à dix fois inférieur à la valeur de marché.
  • Le débiteur peut demander une vente amiable ou de gré à gré jusqu’à l’ouverture des enchères.
  • La mise à prix peut être contestée pour insuffisance manifeste.
  • En cas de surendettement, la procédure peut être suspendue via la Banque de France.

Qu’est-ce qu’une vente judiciaire immobilière ?

La vente judiciaire immobilière constitue une procédure d’exécution forcée. Elle permet à un créancier hypothécaire de récupérer sa créance lorsque l’emprunteur cesse de rembourser son prêt. Selon l’article L. 322-1 du Code des procédures civiles d’exécution, cette vente peut s’effectuer selon deux modalités :

  • la vente à l’amiable sur autorisation judiciaire,
  • l’adjudication publique.

La procédure débute après un retard de paiement équivalant à six mensualités consécutives. À ce stade, le prêteur engage une mise en demeure par voie d’huissier. Ensuite, une saisie immobilière conduit à la vente du bien aux enchères. Chaque année, plusieurs centaines de biens immobiliers sont ainsi vendus dans les territoires français. Par conséquent, cette vente judiciaire immobilière prive le propriétaire de son bien sans son consentement. C’est pourquoi les mécanismes de protection prévus par le législateur revêtent une importance cruciale.

Comment se déroule la procédure ?

Le commandement de payer constitue la première étape officielle de la vente judiciaire immobilière. L’huissier délivre ce document au débiteur. Conformément à l’article R. 321-3, 8° du CPCE, il doit obligatoirement mentionner la possibilité d’organiser une vente amiable sur autorisation judiciaire.

Par la suite, une audience d’orientation se tient devant le juge de l’exécution. Elle permet d’examiner si une solution alternative à l’adjudication reste envisageable. Plus précisément, cette audience vérifie si une vente amiable peut être conclue dans des conditions satisfaisantes. Le juge tient compte de la situation du bien et des conditions économiques du marché, selon l’article R. 322-15 du CPCE (Code des procédures civiles d’exécution).

De plus, l’assignation à comparaître à cette audience doit rappeler au débiteur ses options. Notamment, elle mentionne la possibilité de demander une suspension de procédure en cas de situation de surendettement. Cette disposition figure dans l’article R. 322-16 du même code.

Les étapes de la procédure de vente judiciaire immobilière
Les étapes de la procédure de vente judiciaire immobilière

Pourquoi les prix sont-ils si bas lors des ventes judiciaires immobilières ?

Le montant de mise à prix d’une vente judiciaire immobilière se calcule selon une logique comptable déconnectée de la valeur de marché. Il correspond généralement au solde du prêt en cours. À cela s’ajoutent la majoration pour retard de paiement, les frais de procédure et les pénalités contractuelles. Par conséquent, ce calcul explique pourquoi certains biens se cèdent à des prix dérisoires.

Paul Molac, député du Morbihan, dénonce cette situation. Selon lui, “certains biens sont cédés à des prix dérisoires – de trois à dix fois inférieurs à leur valeur estimée sur le marché”. De surcroît, cette sous-évaluation massive s’aggrave par un défaut d’information des propriétaires en difficulté. Le parlementaire souligne que ces derniers “ne sont ni orientés vers la Banque de France pour déposer un dossier de surendettement, ni encouragés à envisager une vente classique, ni accompagnés dans la compréhension de la procédure”.

Cette décote massive lors des ventes judiciaires immobilières génère un effet d’aubaine considérable pour certains marchands de biens.

Paul Molac alerte sur ce phénomène. Il déclare : “Ces ventes à perte renforcent les inégalités sociales, tout en générant un effet d’aubaine pour certains marchands de biens, qui acquièrent à bas prix des logements qu’ils revendent, réalisant ainsi des profits considérables”.

En outre, le député pointe un cadre juridique lacunaire. Celui-ci ne prévoit ni estimation fiscale obligatoire du bien en amont de la mise en vente, ni intervention d’un médiateur chargé d’explorer des solutions alternatives. Ainsi, cette absence de garde-fous permet à certains acteurs de profiter de la détresse d’autrui. Le système n’impose aucun contrôle sur la valorisation du bien saisi.

Quelles alternatives existent pour éviter l’adjudication ?

Le dispositif légal prévoit plusieurs mécanismes permettant d’échapper à une vente judiciaire immobilière à prix bradé. En effet, la vente amiable sur autorisation judiciaire permet au débiteur d’organiser lui-même la vente de son bien avant l’adjudication. Le ministère de la Justice précise que “le débiteur a ainsi la possibilité d’organiser la vente amiable de son bien pour éviter une adjudication à un prix inférieur au prix du marché”.

vente judiciaire immobilière

Le juge de l’exécution autorise cette vente si les conditions paraissent satisfaisantes. Il tient compte de la situation du bien et du marché. Il évalue également “les diligences éventuelles du débiteur”, selon l’article R. 322-15 du CPCE.

Par ailleurs, depuis la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, une vente de gré à gré reste possible tout au long de la procédure. Cette option demeure accessible même après l’échec d’une tentative de vente amiable. Cette vente directe entre les parties ne nécessite ni intervention judiciaire ni formalité particulière. Elle peut intervenir jusqu’à l’ouverture des enchères. Toutefois, elle exige l’accord du débiteur et des créanciers.

Comment contester une mise à prix insuffisante ?

Dans le cadre d’une vente judiciaire immobilière par adjudication, le débiteur dispose d’un droit de contestation essentiel. Selon l’article R. 322-5, 5° du CPCE, le cahier des conditions de vente fixe la mise à prix de l’immeuble. Or, le débiteur peut la contester pour insuffisance manifeste.

Par ailleurs, l’assignation à comparaître rappelle les dispositions de l’article R. 322-16 relatives à la suspension de la procédure en cas de surendettement. Cette possibilité offre un répit au débiteur. Celui-ci peut alors engager une procédure auprès de la Banque de France pour traiter globalement son endettement. Le ministère précise que ce formalisme “met en lumière la possibilité d’obtenir la suspension de la saisie immobilière en cas de surendettement”.

Les solutions alternatives à l'adjudication
Les solutions alternatives à l’adjudication

Quelles sont les conséquences humaines et sociales ?

Les impacts d’une vente judiciaire immobilière dépassent largement la seule perte financière. Paul Molac dresse un constat alarmant. Il affirme : “Les conséquences sont alarmantes et nombreuses : précarisation, perte d’emploi, incidence sur la scolarité des enfants, troubles psychiques, sans oublier la difficulté accrue à se reloger dans un marché en tension.”

Le député interpelle directement le gouvernement sur ces dysfonctionnements. Il demande à “connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour pallier les dysfonctionnements liés aux ventes judiciaires immobilières à des prix manifestement sous-évalués, afin de mieux accompagner les personnes concernées, d’introduire davantage de transparence et d’encadrement dans la procédure et d’éviter les effets spéculatifs”.

?La vente judiciaire immobilière révèle les limites du système actuel de protection des débiteurs. Certes, le cadre juridique prévoit des alternatives comme la vente amiable ou la contestation de la mise à prix. Néanmoins, l’absence d’accompagnement systématique laisse de nombreux propriétaires démunis face à la complexité de la procédure. Les députés, à l’instar de Paul Molac, appellent à davantage de transparence et d’encadrement. En attendant des réformes législatives, les propriétaires en difficulté doivent impérativement se faire conseiller dès les premiers impayés. Ils peuvent solliciter un avocat spécialisé ou la Banque de France pour explorer toutes les solutions alternatives. Enfin, la prévention reste la meilleure protection : anticiper les difficultés financières permet d’éviter l’engrenage de la saisie immobilière.

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Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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