La question de la propriété du transformateur électrique en copropriété suscite des débats complexes. Comme l’illustre un récent différend porté devant le Comité de Règlement des Différends et Sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie. Au cœur de l’affaire, la copropriété Victoria Tany contestait son obligation d’entretenir et de démanteler un transformateur alimentant ses parties communes, estimant qu’il relevait du réseau public. La décision du 4 novembre 2024 a finalement tranché en faveur du gestionnaire de réseau Enedis. En effet, elle confirme que la charge de ces équipements incombe aux copropriétés lorsqu’ils ne sont pas considérés comme des colonnes montantes au sens du Code de l’énergie. Un verdict qui pose un cadre juridique clair, mais qui pourrait avoir des conséquences financières importantes pour de nombreuses copropriétés.
Sommaire :
- Comprendre le rôle d’un transformateur électrique en copropriété
- Le contexte du litige : un transformateur au cœur du débat
- Les arguments juridiques des parties
- La décision du CoRDiS : une clarification attendue
- Quelles conséquences pour les copropriétés ?
Comprendre le rôle d’un transformateur électrique en copropriété
Un transformateur électrique est un appareil permettant de modifier la tension électrique pour assurer une alimentation adaptée aux besoins des consommateurs. Ainsi, il joue un rôle crucial dans la distribution de l’électricité. Notamment dans les immeubles en copropriété, où la gestion de l’énergie doit être optimisée pour alimenter à la fois les logements privés et les parties communes.
Comment fonctionne un transformateur électrique ?
Un transformateur repose sur le principe de l’induction électromagnétique et fonctionne ainsi :
- Réception de l’électricité haute tension (HTA). L’électricité arrive souvent dans les bâtiments sous une tension élevée (généralement entre 20 000 et 63 000 volts).
- Réduction de la tension. Le transformateur abaisse cette tension pour la rendre compatible avec les équipements électriques du bâtiment (230V ou 400V).
- Distribution aux consommateurs. Une fois transformée, l’électricité est envoyée aux compteurs des logements et aux parties communes.
Pourquoi certains immeubles ont-ils leur propre transformateur ?
Dans certains cas, un immeuble en copropriété peut nécessiter son propre transformateur électrique en raison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, lorsque l’immeuble dispose d’un grand nombre de logements, d’ascenseurs ou d’un système de chauffage collectif, la consommation d’énergie devient particulièrement élevée, ce qui impose une alimentation stable et adaptée.
Ensuite, certains bâtiments sont directement raccordés au réseau haute tension (HTA) plutôt qu’en basse tension. Ce qui rend indispensable l’installation d’un transformateur privé pour abaisser la tension. Enfin, disposer d’un transformateur dédié permet d’assurer une meilleure gestion de la distribution interne de l’électricité et de réduire les risques de coupure en cas de panne du réseau public. Cela garantit ainsi une plus grande autonomie énergétique pour l’ensemble des occupants.
Transformateur électrique public ou privé : quelle différence ?
Il existe deux types de transformateurs dans les immeubles en copropriété :
La principale différence réside donc dans la propriété et l’entretien. Un transformateur relevant du réseau public est géré par Enedis. Tandis qu’un transformateur alimentant uniquement les parties communes est considéré comme un équipement privatif, dont la responsabilité incombe à la copropriété.
Le contexte du litige : un transformateur électrique au cœur du débat
Dans l’affaire Victoria Tany, le débat portait justement sur ce point. Puisque la copropriété contestait le fait que son transformateur ne soit pas considéré comme une colonne montante relevant du réseau public. En effet, cette copropriété construite en 1971 dispose d’un local technique abritant deux transformateurs :
- L’un appartenant au réseau public, alimentant plusieurs immeubles du quartier.
- L’autre dédié aux parties communes de la résidence (ascenseurs, éclairage, chauffage collectif).
Or, en 2010, dans le cadre du plan national d’élimination des transformateurs contaminés aux PCB, Enedis (ex-ERDF) a démantelé le transformateur public. Mais, l’opérateur a refusé de retirer celui des parties communes, arguant qu’il s’agissait d’un ouvrage privé appartenant à la copropriété. La copropriété a alors saisi le CoRDiS, demandant à ce que Enedis prenne en charge le démontage. En effet, la copropriété a considéré que le transformateur faisait partie des colonnes montantes, donc du réseau public.
Les arguments juridiques des parties
Les revendications de la copropriété Victoria Tany
Le syndicat de copropriété avançait plusieurs arguments juridiques :
- Le transformateur appartient à EDF-Enedis, car aucune preuve n’établit clairement son transfert à la copropriété.
- Les colonnes montantes incluent les transformateurs selon l’article L. 346-1 du Code de l’énergie, ce qui en ferait un élément du réseau public.
- La loi ELAN de 2018 prévoit que les colonnes montantes appartiennent au gestionnaire de réseau, sauf si la copropriété revendique la propriété, ce qui n’a pas été fait.
La défense d’Enedis
De son côté, Enedis a contesté ces affirmations, en soutenant que :
- Le CoRDiS n’est pas compétent pour trancher une question de propriété, seulement pour statuer sur l’accès et l’utilisation du réseau.
- Le transformateur appartient bien à la copropriété, car depuis 2000, le contrat de fourniture d’électricité signé mentionne explicitement que « le poste de transformation est la propriété du client ».
- Il ne s’agit pas d’une colonne montante, car il ne dessert qu’un seul utilisateur : la copropriété.
La décision du CoRDiS : une clarification attendue
Le 4 novembre 2024, le CoRDiS a rendu sa décision, confirmant la position d’Enedis et clarifiant ainsi le régime applicable aux transformateurs en copropriété. Après analyse du dossier, il a conclu que le transformateur en question ne faisait pas partie du réseau public dès son installation en 1975. Cette conclusion repose sur le fait que, dès l’origine, cet équipement n’avait pas vocation à desservir plusieurs immeubles ou à être intégré dans la gestion du réseau public de distribution d’électricité.
Par ailleurs, le CoRDiS a estimé que ce transformateur ne pouvait être assimilé à une colonne montante. Parce qu’il se situe en amont du coupe-circuit principal, ce qui va à l’encontre de la définition légale établie par l’article L. 346-1 du Code de l’énergie. En effet, les colonnes montantes sont des infrastructures situées en aval de ce coupe-circuit. En cela, elles assurent la liaison entre le réseau public et les différents consommateurs d’un immeuble.
Enfin, la décision a tranché en faveur de la responsabilité de la copropriété. Cette dernière doit donc assumer l’ensemble des coûts liés à l’entretien et au démantèlement du transformateur. Cette charge financière repose sur les dispositions contractuelles signées avec EDF, puis Enedis, ainsi que sur le cadre légal en vigueur. Elles attribuent la gestion des équipements privatifs aux propriétaires concernés.
En d’autres termes, toute copropriété disposant d’un transformateur exclusivement dédié à l’alimentation de ses parties communes ne peut exiger son intégration au réseau public. La responsabilité de son entretien, de sa mise aux normes et, le cas échéant, de son remplacement ou de son démantèlement, incombe donc exclusivement aux copropriétaires. Cette décision, en apportant une clarification juridique, pourrait avoir des conséquences financières significatives pour de nombreuses copropriétés confrontées à des infrastructures similaires.
Quelles conséquences pour les copropriétés ?
Un impact financier non négligeable
Cette décision crée un précédent important pour les copropriétés en situation similaire. En effet, si un transformateur électrique alimente uniquement les parties communes, les frais d’entretien, de mise aux normes et de remplacement incombent à la copropriété.
Des vérifications à anticiper pour éviter les mauvaises surprises
Pour éviter de se retrouver avec une charge imprévue, les syndics de copropriété ont tout intérêt à :
- Vérifier les contrats de fourniture d’électricité pour savoir si le transformateur leur appartient.
- Analyser les plans électriques afin de déterminer la position exacte du transformateur électrique.
- Négocier avec Enedis avant toute modification du réseau.
Conclusion : un cadre clarifié, mais des copropriétés pénalisées
Le litige autour de la propriété des transformateurs en copropriété a été tranché : un transformateur alimentant uniquement les parties communes ne relève pas du réseau public, et son entretien revient aux copropriétés. Cette décision, bien que conforme à la réglementation, pourrait alourdir les charges des syndicats de copropriétaires, qui devront désormais anticiper ces coûts dans leur budget. Une affaire qui pourrait inciter à des réformes futures pour une meilleure prise en charge de ces infrastructures électriques.