Face à la rigidité des critères d’octroi du crédit immobilier, le Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, Sacha Houlié, ainsi que de nombreux professionnels du secteur immobilier et bancaire plaident pour un assouplissement. Sophie Ho Thong, Directrice Juridique et des Relations Juridiques de Finance Conseil, partage cet avis. Elle souligne que l’industrie immobilière française dépend fortement des financements bancaires. Ce cri d’alarme résonne particulièrement chez ceux qui trouvent des difficultés à se loger en raison des conditions actuelles de financement.
Sommaire :
- Dépendance au crédit immobilier
- Les effets désastreux des restrictions actuelles
- Crédit immobilier : vers une révision raisonnable des critères d’octroi
- En conclusion,
Dépendance au crédit immobilier
Le crédit immobilier est le pilier du secteur immobilier. De fait, il est nécessaire pour l’achat de biens, mais également pour lancer des projets de construction et des rénovations, qu’ils soient neufs ou anciens. Or, l’absence de financement a notamment engendré une pénurie de logements. Elle touche de près l’investissement locatif malgré une clientèle aux revenus élevés.
Sur le marché de l’immobilier ancien, les transactions sont prévues pour chuter sous la barre des 950 000 en 2023. De sorte qu’elles atteignent un creux jamais vu depuis sept ans. Tandis que les réservations de logements neufs plongent drastiquement, touchant selon les promoteurs immobiliers un niveau plancher inédit depuis 1995.
Et, le volet du financement n’est pas épargné par cette tendance décroissante. Puisque l’Observatoire Crédit Logement CSA signale une réduction de plus de 40% du volume de crédits immobiliers accordés sur une base annuelle glissante.
> Consultez notre article sur : “ Crédit immobilier : le marché se normalise ! ”
Selon Sophie HO THONG, Directrice Juridique et des Relations Juridiques de Finance Conseil, l’absence de financements, notamment pour le locatif et la rénovation énergétique, conduit à une pénurie sévère du logement. Or, cette situation affecte particulièrement l’investissement locatif. Et, par ricochet, les jeunes aux revenus modestes et les seniors. Ce qui témoigne ainsi d’un resserrement des conditions d’accès au crédit immobilier.
Les effets désastreux des restrictions actuelles
Les critères actuels ont considérablement durci les conditions d’accès au crédit immobilier, surtout pour les primo-accédants. Notons que leur apport personnel a augmenté de 57% en deux ans, avec des taux de crédit autour de 4%.
> Consultez notre article sur : “ Crédit immobilier : le cap des 4% atteint ! ”
Les communes et départements, dont les budgets sont largement alimentés par les droits de mutation, sont également affectés. Cette situation est exacerbée par la suppression de la taxe d’habitation, creusant davantage les finances locales.
Une transition énergétique entravée
Les restrictions sur le crédit immobilier entravent la transition énergétique. Les financements nécessaires pour les travaux de rénovation énergétique sont souvent refusés. Et, cela, bien que ces travaux réduiraient la consommation énergétique des logements.
Crédit immobilier : vers une révision raisonnable des critères d’octroi
Pour Sophie Ho Thong, un assouplissement des critères d’octroi permettrait aux établissements de crédit d’évaluer plus justement la capacité de remboursement des emprunteurs. Elle préconise une analyse plus fine du reste à vivre. Les établissements bancaires examineraient alors divers facteurs tels que :
- la localisation géographique,
- la consommation énergétique du bien,
- les coûts liés au télétravail,
- les travaux de rénovation à envisager,
- et les coûts des déplacements domicile-travail.
Rappel historique
En 2019, le Haut Conseil de la stabilité financière avait recommandé de limiter la durée des crédits immobiliers à 25 ans avec un endettement plafonné à 33%. Ces critères, bien que revus légèrement en 2020, demeurent restrictifs. De fait, ils exacerbent les inégalités entre les clients aux profils financiers variés, malgré des taux d’intérêt historiquement bas.
> Consultez notre article sur : “ Annonces du HCSF : des ajustements techniques à la marge ! ”
En dépit des bouleversements économiques engendrés par la pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine, les critères restrictifs ont été maintenus. Pour autant, ils accentuent les disparités sur le marché immobilier.
Ébauche de flexibilité
En juin dernier, une légère flexibilité a été introduite, avec 20% des conditions d’octroi de crédit immobilier laissées à l’appréciation des banques, à hauteur de 30%. Un premier pas, certes modeste, vers une adaptation des critères de crédit qui pourrait insuffler un nouvel élan au secteur immobilier.
Cet assouplissement anticipé, plébiscité par de nombreux acteurs du secteur, pourrait être la clé pour revitaliser le marché immobilier. En cela, il facilite l’accès au crédit pour une large tranche de la population. De plus, il soutiendrait les projets de construction et de rénovation essentiels à la dynamique du secteur.
En conclusion,
Le débat autour de l’assouplissement des critères d’octroi du crédit immobilier met en lumière les enjeux cruciaux auxquels le secteur immobilier est confronté. Il s’agit d’une problématique centrale, dont la résolution pourrait déclencher un cercle vertueux :
- facilitation de l’accès au crédit,
- stimulation des investissements dans la construction et la rénovation,
- et promotion de la transition énergétique.
La révision des critères, bien que complexe, semble être une étape incontournable pour répondre aux défis socio-économiques et environnementaux actuels. Les acteurs du secteur, soutenus par des voix politiques, aspirent à une refonte des modalités d’octroi du crédit, en adéquation avec les réalités économiques des ménages et les ambitions de développement durable.
L’heure est peut-être venue pour les décideurs et les institutions financières de revisiter les normes en vigueur, et d’engager ainsi le secteur immobilier français sur la voie d’un avenir plus inclusif et durable. Souhaitons que les solutions proposées par le HCSF soient plus impactantes que celles avancées en juin dernier. Une réflexion sur le reste à vivre plutôt que sur le simple taux d’endettement semble indispensable.