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Logement

Qui habite les passoires énergétiques en France en 2024 ?

Qui habite les passoires énergétiques en France en 2024 ?

Les passoires énergétiques restent un enjeu majeur en France, touchant des millions de foyers. Selon l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE), 4,2 millions de résidences principales sont encore classées F ou G en 2024. Mais, qui sont les occupants de ces logements énergivores ? Locataires du privé, propriétaires modestes, ménages âgés… Le rapport met en lumière un phénomène social marquant : les populations les plus vulnérables sont les premières concernées. Décryptage des chiffres et des réalités sociales derrière ces logements mal isolés.

Sommaire :

Qui sont les habitants des passoires énergétiques ?

Selon l’ONRE, au 1er janvier 2024, 4,2 millions de résidences principales sont encore classées comme passoires énergétiques, soit 13,9 % du parc immobilier. Même si ce chiffre est en baisse par rapport à 2023 (4,8 millions de passoires, soit 15,7 % du parc), il reste préoccupant, notamment pour les ménages les plus vulnérables.

Évolution du nombre de passoires énergétiques entre 2022 et 2024
Baisse totale entre 2022 et 2024 : 887 000 logements rénovés.

Mais, qui sont les occupants de ces logements énergivores ? Quels sont leurs revenus ? Sont-ils plutôt propriétaires ou locataires ? Ont-ils les moyens de financer des rénovations énergétiques ? L’analyse détaillée du rapport ONRE 2024 permet de dresser un portrait précis des habitants de ces logements et de comprendre pourquoi il est si difficile d’en sortir.

Locataires ou propriétaires : quels statuts d’occupation ?

L’état du logement dépend en grande partie du statut de l’occupant. Selon le rapport ONRE 2024, les locataires du parc privé sont les plus touchés, avec 1,3 million de logements énergivores. Soit 15,9 % du parc locatif privé. À l’inverse, les propriétaires occupants sont plus nombreux en volume (2,6 millions de passoires énergétiques), mais représentent un taux légèrement plus faible de 14,6 %.

Qui sont les habitants des passoires énergétiques ?
Cependant, le parc locatif privé reste le plus problématique. En 2023, 31,4 % des passoires énergétiques étaient dans le parc locatif privé, un chiffre en légère baisse en 2024 (30,7 %). Malgré cette amélioration, de nombreux logements restent énergivores, notamment à cause de l’âge du bâti et d’un manque d’investissement des bailleurs privés.

Le parc social mieux protégé que le privé

Le parc locatif social, lui, bénéficie de meilleures performances énergétiques grâce aux rénovations subventionnées. Les logements sociaux classés F ou G ne représentent plus que 7,4 % du parc, soit 351 000 habitations. Ce taux reste deux fois inférieur à celui du parc locatif privé.

Ce phénomène s’explique par les obligations imposées aux bailleurs sociaux, qui ont engagé des travaux de rénovation massifs depuis plusieurs années. Néanmoins, certains logements sociaux restent encore très énergivores, notamment les plus anciens, construits avant 1975.

Revenus, âge et statut d’occupation : quels sont les profils les plus exposés ?

Les ménages modestes en première ligne

L’analyse des revenus des occupants de passoires énergétiques montre une forte inégalité sociale. Parmi les ménages les plus pauvres (1er décile de revenus), 19 % occupent une passoire énergétique. Ce taux est supérieur de 4,7 points à celui des ménages les plus riches (14,3 %).

Les logements énergivores sont souvent moins chers à l’achat ou à la location. Ce qui pousse les ménages précaires à y vivre. De plus, ces ménages paient des charges de chauffage bien plus élevées, ce qui aggrave leur précarité financière.

Les personnes âgées plus vulnérables

L’âge est aussi un facteur déterminant. Les propriétaires de plus de 80 ans sont les plus concernés, avec 19,9 % d’entre eux vivant dans des passoires énergétiques. Les propriétaires de moins de 50 ans bénéficient d’une meilleure protection, avec un taux de 14,9 %.

En effet, les personnes âgées ont souvent du mal à entreprendre des travaux de rénovation, soit par manque de ressources, soit à cause de contraintes physiques. Beaucoup choisissent de rester dans leur logement, même s’il est mal isolé.

Répartition des passoires énergétiques en fonction du statut des propriétaires bailleurs - passoires énergétiques
Les propriétaires de plus de 80 ans sont les plus exposés : près d’un logement sur cinq qu’ils possèdent est une passoire énergétique.

L’impact de la taille et de l’ancienneté des logements

Par ailleurs, on observe que les logements de moins de 30 m² sont les plus énergivores. En 2024, 28 % de ces logements sont classés F ou G. Enfin, l’ancienneté du bâtiment joue aussi un rôle clé. Puisque parmi les logements construits avant 1948, 29,1 % sont des passoires énergétiques. À l’inverse, seulement 5,7 % des logements récents (construits après 2013) sont classés F ou G.

Part des passoires énergétiques selon la taille des logements
Effet de la réforme du DPE (1er juillet 2024) : 120 000 logements de petites surfaces sont sortis du statut de passoire énergétique.

impact de la taille et de l’ancienneté des logements
Les logements construits après 2000 offrent une meilleure isolation, mais 5,7 % des habitations récentes restent mal classées, souvent en raison de problèmes d’entretien ou d’un chauffage inadapté.

Pourquoi ces ménages restent-ils dans des logements énergivores ?

L’obstacle du coût des rénovations

Vivre dans une passoire énergétique n’est pas un choix, mais plutôt une contrainte liée à plusieurs facteurs. D’abord, les propriétaires occupants aux revenus modestes rencontrent des difficultés pour accéder aux travaux de rénovation. De plus, le coût des rénovations reste souvent trop élevé. Une rénovation complète d’un logement classé F ou G peut coûter entre 25 000 et 60 000 euros. Un tel investissement est inabordable pour de nombreux propriétaires modestes, malgré les aides de l’État.

Un marché locatif contraint

Les locataires, eux, sont encore plus piégés dans cette situation. Contrairement aux propriétaires, ils n’ont aucun contrôle sur l’état énergétique de leur logement. Ils sont dépendants des décisions de leur bailleur, qui peut ne pas vouloir investir dans des travaux d’isolation ou de chauffage. Le marché locatif tendu dans certaines régions empêche aussi ces ménages de déménager vers un logement mieux isolé, faute d’options abordables.

Les locataires ont peu d’alternatives. Même s’ils voudraient déménager, le manque de logements mieux isolés et abordables les pousse à rester dans ces passoires énergétiques.

Quelle est la répartition des passoires énergétiques par région ?

La répartition des passoires énergétiques en France n’est pas uniforme. Le climat rigoureux, l’ancienneté du bâti ou la densité urbaine exposent davantage certaines régions que d’autres. Ainsi, l’Île-de-France se distingue comme la région la plus concernée, avec 20 % de logements classés F ou G, soit un taux nettement supérieur à la moyenne nationale de 13,9 %. La forte proportion de petites surfaces mal isolées et d’immeubles anciens explique cette situation, notamment à Paris et en petite couronne.

Dans le nord et l’est de la France, les Hauts-de-France, la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand Est affichent également des taux élevés de passoires énergétiques, allant de 15 à 18 %. Ces régions subissent des hivers rigoureux, ce qui accentue les pertes thermiques dans les logements anciens, souvent mal rénovés. En Normandie, où 15,9 % des logements sont énergivores, l’humidité et les vents marins rendent l’isolation encore plus cruciale.

À l’inverse, certaines régions bénéficient de conditions plus favorables. Dans l’ouest et le sud du pays, où les températures sont plus douces, la proportion de passoires énergétiques est plus faible. En Bretagne et en Pays de la Loire, moins de 12 % des logements sont concernés, tandis qu’en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, ce chiffre se situe autour de 13 %. Malgré ces taux plus bas, les zones rurales du sud restent problématiques, avec des logements anciens encore peu rénovés.

Répartition par région (2024)
Ces disparités géographiques montrent que la rénovation énergétique doit être adaptée aux réalités locales. Tandis que certaines régions nécessitent des aides renforcées pour isoler les logements face au froid, d’autres doivent anticiper les défis du changement climatique, notamment en améliorant la ventilation et la résistance thermique des bâtiments face aux fortes chaleurs estivales.

Quelles solutions pour sortir de la précarité énergétique ?

Les aides publiques : un levier insuffisant

Le gouvernement a mis en place des aides financières, notamment MaPrimeRénov’, qui permet de financer jusqu’à 10 000 euros de travaux pour améliorer l’isolation ou changer le mode de chauffage. Il existe aussi l’éco-prêt à taux zéro, qui permet d’obtenir un financement sans intérêts pour les rénovations. Toutefois, ces dispositifs sont souvent complexes à mobiliser et ne couvrent qu’une partie des coûts réels des travaux.

Des réglementations en évolution

Depuis 2023, il est interdit de mettre en location un logement classé G. Cette interdiction sera élargie à tous les logements classés F et G en 2028, obligeant ainsi les bailleurs à effectuer des travaux. Toutefois, cette mesure pourrait aussi entraîner une diminution du nombre de logements locatifs disponibles, car certains propriétaires préfèrent vendre plutôt que de rénover.

Conclusion

L’analyse du rapport ONRE montre que les passoires énergétiques restent un problème majeur en France, touchant principalement les ménages modestes, les locataires du privé et les propriétaires âgés. Si leur nombre diminue progressivement, l’accès à la rénovation demeure un défi de taille, notamment pour les ménages les plus fragiles financièrement.

Les mesures mises en place par l’État, bien que nécessaires, doivent encore être renforcées pour permettre une transition énergétique juste et efficace. Avec l’interdiction progressive de location des logements les plus énergivores, l’enjeu est désormais d’accompagner efficacement ces populations vers des logements plus performants et moins énergivores.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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