Depuis 2008, la Ville de Paris et l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) ont uni leurs forces pour mettre en place une démarche ambitieuse de prévention de l’habitat dégradé à Paris. Malgré les actions de lutte, le risque d’insalubrité des logements persiste dans la capitale. Il touche particulièrement l’habitat privé ancien. Face à ce constat, cette approche préventive innovante vise à repérer en amont les immeubles privés potentiellement fragiles. Grâce à une analyse croisée d’indicateurs, elle permet d’identifier chaque année les bâtiments nécessitant une vigilance accrue. En 2024, 230 immeubles ont ainsi été ciblés pour bénéficier d’un suivi renforcé et d’interventions si nécessaire. Un dispositif clé pour endiguer le fléau de l’habitat dégradé à Paris en agissant le plus précocement possible.
Sommaire :
- Un dispositif complémentaire essentiel dans la prévention de l’habitat dégradé à Paris
- Les immeubles ciblés par la démarche de prévention en 2024
- Un bilan positif et des perspectives encourageantes
Un dispositif complémentaire essentiel dans la prévention de l’habitat dégradé à Paris
Un outil qui s’ajoute aux dispositifs existants
La démarche préventive de repérage des immeubles fragiles vient efficacement compléter les dispositifs existants de lutte contre l’habitat dégradé à Paris. En effet, chaque année, la Ville traite entre 4000 et 6000 signalements de locataires ou propriétaires sur des problèmes dans leur logement. En 2023, ces signalements ont entraîné 467 mises en demeure en vertu du Règlement Sanitaire Départemental. De plus, 204 rapports d’insalubrité ont été transmis à l’Agence Régionale de Santé.
L’OAHD, un levier d’action préventive
Des opérations préventives sont aussi menées comme l’Opération d’Amélioration de l’Habitat Dégradé (OAHD). Elle concernait 126 immeubles début 2024. Lancée en 2022, l’OAHD soutient les copropriétés en difficulté dans leurs travaux via des aides financières et un accompagnement par des opérateurs spécialisés.
Identifier les immeubles “invisibles”
Cependant, certains immeubles demeurent non signalés malgré leur fragilité. C’est pourquoi la démarche proactive de la Ville et de l’Apur est essentielle. Puisqu’elle permet d’identifier en amont les bâtiments potentiellement à risque et d’intervenir avant toute dégradation.
Comme le souligne Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, “c’est un outil qui nous permet d’avoir un temps d’avance dans la prévention de l’habitat dégradé à Paris”.
Une méthode d’analyse multicritères pour cibler les immeubles à risque
12 indicateurs pour évaluer les fragilités
La méthode innovante utilisée croise 12 indicateurs objectifs pour évaluer la fragilité des immeubles : forte présence de petits logements,
- facture d’eau impayée
- procédures au titre de l’insalubrité ou du péril,
- intervention répétée des pompiers
- présence de termites, etc.
Des critères révélateurs
Certains critères sont très parlants, comme le repérage des immeubles avec plus de 70% de petits logements d’une ou deux pièces. En effet, ils représentaient 7536 immeubles en 2024. Or, ils témoignent d’un bâti morcelé et potentiellement sur-occupé, donc plus fragile. Par ailleurs, on observe encore la présence de termites. C’est un véritable fléau à Paris qui touche 1290 immeubles touchés. En cela, il constitue aussi un indicateur pertinent de la dégradation.
Un système de cotation des immeubles
Un système de cotation permet d’attribuer un nombre de points à chaque immeuble selon les difficultés rencontrées. Par exemple, un immeuble avec une suspicion d’insalubrité avérée aura 2 points. Contre 1 point pour un immeuble simplement concerné par des factures d’eau impayées. Ainsi, les immeubles ayant le plus de points sont considérés les plus à risque et font l’objet d’une attention particulière.
Une vision globale des fragilités
Cette méthode d’analyse multicritères, ajustée au fil des années, permet de concentrer les efforts de prévention de l’habitat dégradé à Paris sur les immeubles qui en ont le plus besoin.
Selon Corentin ORTAIS, chargé d’études à l’Apur, “le fait de croiser des données issues de différents partenaires comme les bailleurs sociaux, les pompiers ou l’Agence Régionale de Santé permet d’avoir une vision globale des fragilités”.
Les immeubles ciblés par la démarche de prévention en 2024
230 immeubles identifiés en 2024
En 2024, on identifie 230 immeubles comme présentant des risques de dégradation. Soit environ 0,5% du parc privé parisien. Toutefois, cela représente une légère baisse par rapport à 2022 (264 immeubles). Celle-ci est due à l’évolution des critères utilisés, comme la suppression du critère sur les ravalements.
Une concentration dans le nord-est parisien
Les arrondissements du nord-est parisien sont surreprésentés. En effet, on compte 22% des immeubles dans le seul 18ème arrondissement, suivi des 17, 19 et 20èmes. D’ailleurs, des quartiers comme la Goutte d’Or, Marx Dormoy ou les Epinettes ressortent particulièrement. Ils concentrent des poches d’habitat ancien et dégradé. Cela rejoint le constat d’une précarité plus marquée dans le nord-est de la capitale.
Des fragilités persistantes
Parmi ces 230 immeubles, 124 étaient déjà repérés en 2022. Ce qui témoigne de la persistance des fragilités.
“Le fait qu’un immeuble ressorte plusieurs années de suite constitue un signal d’alerte fort sur une situation potentiellement bloquée nécessitant une intervention” précise Corentin ORTAIS.

Une articulation avec les autres dispositifs
21 des immeubles identifiés font parallèlement l’objet d’un accompagnement dans le cadre de l’OAHD et 1 est suivi par la Soreqa en vue d’une appropriation publique. Preuve que le dispositif permet de compléter les autres outils de prévention de l’habitat dégradé à Paris en orientant certaines adresses vers des mesures renforcées.
De l’identification à l’intervention : les suites données aux immeubles repérés
Des visites pour vérifier l’état du bâti
Une fois les adresses transmises au Service Technique de l’Habitat (STH) de la Ville, des visites sont réalisées pour évaluer concrètement la situation. Ainsi, des inspecteurs se rendent sur place pour vérifier l’état du bâti, des parties communes et des logements quand c’est possible. L’objectif est de détecter d’éventuels désordres et manquements aux règles de sécurité et de salubrité.
Un dialogue avec les propriétaires
Quand des fragilités sont confirmées, les propriétaires et syndics sont contactés afin de les informer et d’envisager des solutions. Un questionnaire préalable leur est envoyé pour identifier les besoins de travaux, les impayés ou les blocages de gestion. Ainsi, sur 39 réponses obtenues en 2022, 79% faisaient état d’au moins une difficulté.
Des procédures engagées pour les cas préoccupants
Sur les 154 immeubles devant faire l’objet d’une visite suite au repérage de 2022, 139 ont pu être expertisés. Toutefois, précisons que certaines visites n’ont pas été possibles pour cause de travaux ou d’inaccessibilité. Des désordres importants ont été constatés dans 33 d’entre eux, soit près d’un quart.
Dans ces cas les plus préoccupants, la Ville de Paris enclenche des procédures :
- 13 mises en demeure pour non-respect du règlement sanitaire
- 16 signalements de péril
- 18 pour risque d’exposition au plomb…
Mais, pour les immeubles les plus dégradés, la ville peut engager un accompagnement renforcé par les opérateurs de l’OAHD ou une acquisition publique.
Un immeuble sur 40 orienté vers l’OAHD
Ainsi, sur les 264 immeubles identifiés en 2022, 6 ont intégré le dispositif OAHD en 2023 pour un soutien aux travaux. C’est le cas, par exemple, d’un immeuble du 11ème arrondissement repéré dès 2021. En effet, une habitante avait signalé une infiltration d’eau en toiture et avait alors alerté sur la dégradation inquiétante de la copropriété. Ainsi, des travaux de réfection de la toiture ont finalement pu avoir lieu en 2023 grâce à l’accompagnement d’un opérateur.
Un bilan positif et des perspectives encourageantes
4000 immeubles ciblés depuis 2008
Depuis 2008, ce sont plus de 4000 immeubles qui ont été ciblés par cette démarche de prévention de l’habitat dégradé à Paris. Les très nombreuses visites de contrôle et procédures engagées ont permis de stopper des spirales de dégradation et d’améliorer concrètement les conditions de logement de milliers de Parisiens.
Récemment, le dispositif a aussi prouvé son utilité face à des problématiques émergentes, comme la rénovation énergétique des immeubles. Ainsi, en 2022, deux immeubles ont été identifiés comme fragiles après le signalement de démarchages abusifs pour des travaux d’isolation. Dès lors, on a pu mettre en place un suivi pour prévenir d’éventuelles malfaçons qui auraient aggravé leur état.
Avec 230 nouveaux immeubles identifiés en 2024, le dispositif prouve qu’il reste pleinement d’actualité. Son efficacité vient de sa capacité à s’adapter, en ajustant les critères d’analyse et en travaillant en articulation avec les autres outils de lutte contre l’habitat indigne.
L’enjeu pour les années à venir est de poursuivre et d’amplifier cette politique volontariste, comme le souligne Ian Brossat : “la prévention de l’habitat dégradé à Paris est un combat de longue haleine, qui implique une mobilisation continue et des moyens à la hauteur des besoins”. Car en la matière, chaque immeuble compte.