Alors que les loyers de marché parisiens baissent en 2015 et que depuis 2012 ils ont cru de moins de 0.8%, en moyenne chaque année, on ne peut que s’interroger sur le but qui est recherché avec la mise en place d’un encadrement des loyers. L’observatoire CLAMEUR nous livre quelques éléments de réponse.
Encadrement des loyers parisiens : Avis de l’observatoire CLAMEUR
La progression des loyers de marché parisiens a fortement ralenti, les loyers de marché reculent maintenant de 1.8% dans la plupart des grandes villes. Pourtant, dès le 1er août dernier, l’encadrement des loyers du secteur locatif privé est entré en vigueur à Paris.
Comment ça fonctionne ?
Lors d’un nouveau contrat de bail, donc lors d’une nouvelle location ou d’une relocation, le loyer hors charges ne peut excéder le loyer médian de référence majoré. Le loyer médian et le loyer médian majoré fixé à 20% au-dessus du loyer médian de référence doivent désormais figurer dans le bail, pour l’information du locataire. Ce segment de marché concerne 17,1% du parc locatif privé parisien estimé à un peu plus de 390.000 logements, hors meublés.
En outre il est prévu que cet encadrement concerne aussi chaque renouvellement de bail. Lors du renouvellement d’un bail en cours, si le locataire habite un logement situé dans une zone concernée par le dispositif et doit acquitter un loyer supérieur au loyer médian majoré, il pourra entreprendre un recours en diminution du loyer. En cas de désaccord entre les parties sur ce réajustement, il est prévu une procédure amiable de règlement du litige devant la commission départementale de conciliation. Ensuite, en cas d’échec de la procédure de conciliation, il sera possible de saisir le juge.
Encadrement des loyers parisiens : Marché
Son impact sur le marché va donc être considérable, selon les estimations de l’observatoire CLAMEUR, en 2015, on peut estimer que 19.8% des nouveaux baux seront affectés par l’encadrement des loyers, hors impact du mécanisme de complément de loyer. Ce sont alors 3.4% des logements parisiens qui, à ce stade, vont connaître une baisse moyenne des loyers de 21.4% du fait de l’encadrement.
« Les « studios et 1 pièce » sont les plus touchés par le dispositif d’encadrement (23.8% de ces logements concernés, pour une baisse de loyer de 29.4%) mais les autres types de logements aussi. Et comme l’encadrement va impacter les renouvellements de baux, ce sont 2.5% supplémentaires des logements parisiens qui vont supporter une baisse de loyer, de 15.8%, en moyenne ! », souligne Michel MOUILLART, Professeur d’Economie à l’Université Paris Ouest, FRICS.
Au total, près de 6.0% des loyers parisiens devraient donc baisser, fortement : ce qui représente chaque année près de 23.000 logements locatifs privés. Pour sa part, l’OLAP considère que 20.000 logements parisiens seraient au-dessus du loyer de référence majoré.
L’encadrement sur le marché locatif privé
Conséquences de l’encadrement sur le marché locatif privé : une rentabilité locative qui devrait diminuer sensiblement, tant sur le flux que sur le stock et conduire les bailleurs à restructurer leur patrimoine. « Les propriétaires bailleurs dont les recettes locatives d’une partie de leurs immeubles pourront baisser jusqu’à 30% (pour les 10% supérieurs du marché) vont préférer la réalisation de plus-values en capital à la détention de ce type d’actif, d’autant que le marché parisien de l’ancien se redresse rapidement et que la demande de logements à acheter est forte », commente Michel MOUILLART.
Mais les risques concernent aussi la cohésion sociale si le parc locatif privé se réduit sous l’effet du désengagement d’une partie des propriétaires bailleurs, la concurrence deviendra rude entre les candidats à la location. Le mouvement d’éviction des ménages modestes qui s’est amplifié sur Paris depuis le début des années 1980 ne devrait donc que se renforcer, à l’avenir.
Qu’est-ce qu’il faut comprendre ?
La situation est paradoxale, car les ménages modestes qui supportent les loyers les plus bas seront pénalisés par le nouveau dispositif qui ouvre au bailleur un recours en réévaluation du loyer si ce dernier est inférieur au loyer médian de référence minoré. Pour sa part, CLAMEUR estime que ces situations concernent 10.6% du marché parisien et 12.3% des baux en cours. Cela signifie donc que 3.3% des locataires (donc un peu moins de 13.000 ménages) vont connaître une augmentation de leur loyer … de 10 à 20%, probablement.
Entre les hausses et les baisses de loyer déclenchées par l’encadrement, 9.2% des logements parisiens vont être touchés chaque année : donc un peu moins de 36.000 ménages.
De plus, CLAMEUR dénonce une évaluation des médianes de référence obscure. Rappelons que les montants des loyers médians exprimés par m² de surface habitable, pour chaque catégorie de logement et par quartier, ont été publiés par l’arrêté n°176-0007 signé par le préfet de Paris et de l’Ile-de-France le 26 juin 2015. Ils devraient être calculés à partir des données représentatives des loyers pratiqués produites par les observatoires des loyers, en l’occurrence l’OLAP pour Paris à partir d’un échantillon qui n’a pas utilisé les données transmises par CLAMEUR .
« L’OLAP a eu recours à sa propre collecte. Mais si celle-ci s’était appuyée sur les seules données collectées au début de 2014, l’échantillon n’aurait pas eu une taille suffisante pour permettre d’évaluer les médianes de référence : l’échantillon « 2014 » compte 3.799 références locatives, alors que pour évaluer les médianes de référence, il en faudrait 11.200. Il est donc probable que l’OLAP a estimé par vieillissement et/ou par une modélisation économétrique une large partie des données utilisées afin de déterminer les médianes de références. Il est donc probable que le dispositif a été calibré pour qu’il puisse provoquer la baisse la plus forte possible des loyers », explique Michel MOUILLART.
Le « regroupement » de quartiers tire vers le bas le niveau des médianes : par exemple, celles de Javel sont toujours inférieures à celles d’Auteuil, de l’ordre de 2 €/m² … de quoi accentuer l’impact des conséquences de l’encadrement sur Auteuil. « Prendre en compte l’ensemble des baux en cours pour déterminer les médianes, revient mécaniquement à réduire de 2 €/m² le loyer de référence, hors les conséquences de l’écrêtage qui résultera du jeu de l’encadrement. Faute d’un nombre de données suffisant pour évaluer les médianes de référence, l’OLAP précise que seuls 124 des 224 segments de marché (55.4% du parc parisien) ont été pourvus d’une médiane déterminée à partir de loyers constatés », conclut Michel MOUILLART.