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Logement

Logement : sommes-nous prêts à enfin préférer la priorité à l’urgence ?

Logement : sommes-nous prêts à enfin préférer la priorité à l’urgence ?

Dans cette tribune libre, Xavier Lépine, Président de l’IEIF, nous invite à réfléchir sur la problématique du Logement. Serions-nous dans une impasse ? Le constat, pour être connu, n’en est pas moins très préoccupant. Des solutions existent. Mais, les mettre en œuvre exige de changer de paradigme. Sommes-nous prêts à enfin préférer la priorité à l’urgence ?

La réalité du logement : un marché immobilier inadapté, déséquilibré et inabordable

En l’espace de 40 ans, le prix du mètre carré de l’immobilier résidentiel a été multiplié par 10 dans les zones tendues. Pendant cette même période, l’inflation des prix n’a été que de x 3,5 et celle du SMIC de x 4. Par conséquent, le pouvoir d’achat n’a augmenté que faiblement par rapport à l’inflation alors que le rendement du capital a été très important (x 33)

La réalité du logement
Sortir de l’impasse du logement

En France, l’épargne a été très majoritairement investie dans le logement plutôt que dans le financement des entreprises. Ce qui explique pourquoi plus de 40 % des entreprises du CAC40 sont détenues par des capitaux étrangers.

Les inégalités liées au logement ont ainsi très fortement augmenté : inégalités sociales, géographiques et générationnelles. Ainsi, les jeunes générations sont les plus touchées par la hausse du coût du logement. En considérant que l’inflation immobilière est supérieure à celle des revenus, le système soutenu par la baisse des taux d’intérêt ne fonctionne plus.

Un manque d’anticipation et de vision de long terme du besoin en logement

Comment en sommes-nous arrivés là ? Des facteurs explicatifs sont à trouver. Tant dans la démographie et l’évolution des modes de vie que dans les politiques mises en œuvre. Il y a bien eu une mauvaise anticipation du besoin de logements. Quand la démographie n’augmentait que de 0,8 % par an, le besoin en logements, lui, augmentait de 1,1 %. C’est l’effet d’un triple phénomène.

  • L’allongement de la durée de la vie. D’abord, il a pour conséquence de réduire le nombre de logements sur le marché. Ensuite, il retarde le moment où les enfants héritent, celui où ils auraient le plus besoin d’un apport en capital.
  • La baisse continue du nombre de personnes par logement. C’est un constat depuis 20 ans. Il est consécutif à l’évolution des modes de vie et notamment au phénomène de décohabitation.
  • L’accélération de la métropolisation. En effet, on compte 5 millions d’habitants en banlieue parisienne en 1960 contre 10 millions aujourd’hui.

Une nette préférence accordée au bureau sur le logement

Les principales politiques publiques ont favorisé de manière excessive la construction de bureaux par rapport à celle de logements. La décentralisation des politiques immobilières (PLU et PC) n’incite pas les municipalités à autoriser la construction de logements. Parce que leurs recettes fiscales les amènent à considérer le logement et l’accueil de nouveaux résidents comme un coût.

Les politiques de soutien conjoncturelles ou de socialisation du logement ont une efficacité à court terme. Cependant, elles ne font que retarder le problème. En effet, le mode de financement de l’acquisition est inflationniste en période de baisse des taux d’intérêt. Puisque l’allongement de la durée de l’emprunt permet à un acquéreur, avec une mensualité identique, d’acheter un bien plus cher.

Ainsi, le logement libre n’est plus abordable pour certaines personnes. Parallèlement, le prix du m2 des bureaux situés dans les centres-villes est plus du double du prix du m2 des logements. Une situation qui n’existe quasiment pas ailleurs en Europe et qui ne semble pas choquer grand monde.

L’inadaptation des modes de financement du logement face à l’enjeu climatique

Dans le contexte actuel, la question du logement et de son financement occupe une place centrale. La réponse française à ce problème s’est principalement fondée sur des mesures d’incitation fiscale et sociale visant à stimuler la construction.

Le système d’emprunt à taux fixe sur des durées de plus en plus longues a permis aux acheteurs privés de se solvabiliser. Mais, cela n’était possible tant que les taux étaient bas. Cependant, ce système dual a exacerbé les inégalités. Ainsi, la France figure parmi les pays où l’acquisition d’un logement représente le plus grand nombre d’années de revenus.

Nous n’avons pas réussi à inclure collectivement toutes les parties prenantes lors de la réflexion sur les conséquences des changements sociodémographiques sur le logement. Il est donc maintenant nécessaire de repenser en profondeur la production et le financement du logement. L’inflation, l’augmentation des taux d’intérêt et les mesures pour s’adapter au réchauffement climatique ne peuvent pas être mises en œuvre ou financées avec nos modes actuels de financement et de pensée.

Des solutions existent, pourquoi ne pas s’inspirer d’exemples internationaux ?

Des solutions existent et d’autres peuvent être inventées :

  • ne plus prêter uniquement à la personne en endettant à très long terme les immeubles. Transmettre partiellement son logement par anticipation,
  • démembrer la propriété,
  • concilier civilisation de l’usage et celle de la propriété, etc.

Pour être mises en œuvre, ces réponses, exigent toutefois de repenser en profondeur les relations entre les parties prenantes. C’est ce que nous démontrent certains exemples internationaux.

Le Prêt Partiellement Perpétuel en Suède et Hollande

Afin de rendre le logement abordable, la Suède et la Hollande ont mis en place un système de Prêt Partiellement Perpétuel dans les années 1990. Dans ce cadre, l’emprunteur doit payer l’intégralité des intérêts de l’emprunt et rembourser seulement 50 % du capital sur une durée de 20 ans.

Le capital non remboursé est attaché au bien et n’est remboursé qu’à la cession du bien. Les intérêts sur cette fraction sont payés par l’emprunteur durant toute sa vie. Dans le cas d’un Suédois ayant remboursé la moitié de son crédit, il paiera des intérêts sur la moitié du capital initial. Ce qui revient à un très petit loyer. Cela permet, non seulement d’acquérir le logement, mais encore d’investir les économies de remboursement de crédit dans un fonds de pension qui servira de complément de revenu à la retraite.

Le prêt avance mutation au Canada

Un Prêt Avance Mutation (prêt viager hypothécaire) peut être contracté par un Canadien dans le but de :

  • faciliter une transmission anticipée du bien à ses enfants,
  • financer des travaux d’adaptation et de rénovation,
  • compléter sa retraite.

Ce prêt est limité à une fraction de la valeur du bien.

L’emprunteur est responsable du paiement des intérêts et le capital emprunté est remboursé à l’occasion de la mutation. En France, bien qu’il soit légal d’emprunter en gageant son patrimoine immobilier, il est impossible pour les personnes âgées de le faire. Cependant, le patrimoine immobilier représente environ deux tiers de la richesse des ménages. Soit 8 000 milliards d’euros qui sont non productifs pour l’économie.

La transformation de bureaux en logements en Angleterre

L’obsolescence et l’inutilité de millions de mètres carrés de bureaux vides en raison du télétravail posent un défi considérable. La conjonction du ZAN, qui limite la croissance des bâtiments à l’horizontale, avec la réduction des émissions de carbone et le besoin urgent en logements, rend la transformation des bureaux en logements particulièrement attrayante.

Or, il est estimé que la construction neuve émet en moyenne 2,5 fois plus que les rénovations. Afin d’encourager cette transformation, le Royaume-Uni a mis en place une période limitée où il n’est pas nécessaire d’obtenir un permis de construire pour effectuer des travaux. Mais, seulement, une simple autorisation.

La mise à disposition temporaire gratuite de logements dans des villes d’ex-Allemagne de l’Est

Les villes des Länders de l’Est ont subi le choc de la Réunification, de la désindustrialisation et de la perte massive de leur population. Elles ont investi pour rénover le parc immobilier et attirer les jeunes en mettant temporairement à disposition des logements gratuitement. Cette initiative contribue à accroître les économies des ménages qui seront alors dépensées dans les commerces locaux afin de renforcer l’attractivité.

Le démembrement de la propriété en Suisse

En Suisse, le démembrement de propriété et le co-investissement sont des moyens d’accéder à un logement abordable dans le secteur libre. Ces méthodes consistent respectivement en l’attribution temporaire de l’usufruit et la nue-propriété ou encore la division entre un investisseur et un acquéreur occupant le bien.

Vendre un usage et pas seulement une propriété

Les exemples précédents démontrent que l’adaptation à ce qui est désormais une pratique courante dans l’industrie de l’automobile et de la téléphonie peut s’avérer bénéfique pour le logement. En effet, ils mêlent l’usage et la propriété. Ce qui permet ainsi aux consommateurs, d’accéder à des produits plus abordables, grâce à des modalités de financement adaptées.

La dernière innovation financière en matière de financement du logement (dans le secteur libre) date des années 1950. Le logement génère alors un fructus considérable sous forme de loyer et de valeur résiduelle résiliente. Il se différencie des secteurs tels que l’automobile et la téléphonie par sa fragmentation.

C’est pourquoi, la mise en œuvre de ce type d’initiatives nécessite l’intervention d’acteurs tiers. À savoir des investisseurs institutionnels et des banques. Tous doivent adapter leur approche sans pour autant négliger la rentabilité.

Redonner au logement sa place d’efficacité économique

Le logement est un sujet d’importance capitale pour les décennies à venir. Car il est lié à la cohésion sociale et à l’adaptation au réchauffement climatique. Malgré le prix élevé du logement actuel, cela peut paradoxalement être une opportunité de relever les défis générationnels et d’investissements qui devront être entrepris.

Considérons le logement et l’immobilier en tant qu’actifs intrinsèquement avantageux. Il est alors possible de les dissocier pour partie de la personne qui le possède ou l’utilise. Aucune solution miracle n’existe. Et, il est donc important que tous les acteurs du monde politique, économique et productif soient associés à la problématique du logement.

Des solutions devraient s’inspirer des meilleures pratiques existantes dans le monde. Notamment en termes d’augmentation de l’offre et de financement. Sans renoncer, pour autant, au modèle de solidarité qui ne peut pas résoudre seul ces problèmes.

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Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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