La Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) tire la sonnette d’alarme. En effet, elle alerte sur la montée inquiétante de la fraude MaPrimeRénov et des détournements massifs des Certificats d’économies d’énergie (CEE). En amont du vote sénatorial sur une proposition de loi visant à mieux encadrer ces dispositifs, la CAPEB appelle à une réforme plus stricte. L’objectif : exclure les sociétés commerciales frauduleuses qui prolifèrent dans le secteur, compromettent la qualité des rénovations et abusent de la confiance des particuliers.
Sommaire :
- Une fraude massive aux conséquences économiques et sociales
- Des intermédiaires non qualifiés au cœur de la fraude MaPrimeRénov
- Les propositions de la CAPEB pour renforcer la loi
- Vers une rénovation énergétique plus sûre et plus efficace
- Conclusion : un moment clé pour restaurer la confiance
Une fraude massive aux conséquences économiques et sociales
Un préjudice de près d’un milliard d’euros en 2023
La fraude MaPrimeRénov ne relève plus de cas isolés. Elle est devenue une véritable industrie parallèle. En 2023, près de 880 millions d’euros ont été détournés, rien que sur les dispositifs MaPrimeRénov’ et les CEE. Ces chiffres révèlent un système d’escroquerie bien organisé, avec une chaîne d’acteurs qui tirent profit de la générosité de l’État.
Ce phénomène ne concerne pas seulement des pertes budgétaires : il menace directement la crédibilité des politiques publiques environnementales. Ainsi, chaque euro détourné affaiblit la confiance dans un système censé aider les ménages les plus modestes à améliorer l’efficacité énergétique de leur logement.
Fraude MaPrimeRénov : une menace pour la transition énergétique
Le gouvernement français mise sur la rénovation énergétique pour atteindre les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris. Le Plan de rénovation énergétique des bâtiments prévoit notamment la rénovation de 500 000 logements par an. Mais si la fraude MaPrimeRénov n’est pas contenue, c’est tout cet édifice stratégique qui s’effondre. En plus du gaspillage financier, les travaux mal exécutés ou fictifs ne permettent pas les économies d’énergie promises.
Des intermédiaires non qualifiés au cœur de la fraude MaPrimeRénov
Démarchage abusif et promesses illusoires
Les témoignages de particuliers abusés se multiplient. Leurs points communs : des appels incessants, des offres “100 % financées”, des signatures obtenues sous pression. Ces méthodes de démarchage sont souvent le fait de plateformes commerciales sans ancrage local, qui montent des dossiers complets sans réelle vérification.
Les offres frauduleuses exploitent des failles administratives : des pièces justificatives falsifiées, des entreprises RGE dont l’identité est usurpée, ou des signatures électroniques utilisées à l’insu des bénéficiaires.
Usurpation d’identité et sous-traitance dégradée
Selon la CAPEB, la majorité de ces sociétés commerciales n’ont aucune compétence technique. Elles servent uniquement de passerelle pour capter les aides, puis sous-traitent à la chaîne à des artisans mal rémunérés, souvent contraints de bâcler le travail. Résultat : malfaçons, pannes prématurées, voire risques pour la sécurité (fuites de gaz, incendies électriques).
Cette logique court-termiste nuit gravement aux entreprises sérieuses du bâtiment. En effet, ces dernières se retrouvent régulièrement contraintes de réparer les erreurs commises par d’autres. En outre, cette situation génère une charge supplémentaire injuste. Par ailleurs, elle entraîne une dévalorisation progressive de la qualification RGE. Pourtant, ce label est censé représenter un véritable gage de qualité et de confiance pour les particuliers.
Les propositions de la CAPEB pour renforcer la loi
Exclure les sociétés commerciales du marché aidé
La CAPEB propose un amendement fort à la proposition de loi débattue les 2 et 3 avril 2025 au Sénat. En effet, elle souhaite réserver l’accès aux marchés aidés aux seules entreprises du bâtiment. Ce qui exclurait ainsi les plateformes commerciales n’ayant pas d’expertise de terrain.
Cette réforme impliquerait, entre autres, une règle stricte de correspondance. Concrètement, l’entreprise qui facture les travaux devrait être la même que celle qui les réalise. Ce principe simple éviterait alors les dérives actuelles. Il mettrait un terme aux délégations abusives et à l’enchevêtrement opaque de sous-traitants.
Valoriser les artisans qualifiés
En France, on compte 500 000 entreprises artisanales du bâtiment, dont 55 000 qualifiées RGE. Ces structures, souvent familiales et enracinées localement, sont les mieux placées pour effectuer des rénovations durables.
Comme le rappelle Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB : « Choisir les artisans du bâtiment, c’est s’assurer de travaux de qualité et de la protection des particuliers. »
En redonnant la priorité aux artisans, le gouvernement pourrait restaurer la chaîne de confiance : de l’État jusqu’aux bénéficiaires.
Vers une rénovation énergétique plus sûre et plus efficace
Un rôle central pour “Mon Accompagnateur Rénov’”
Depuis janvier 2024, un nouveau dispositif a vu le jour : Mon Accompagnateur Rénov’. Il impose la présence d’un tiers de confiance tout au long du projet de rénovation, de la première visite à la validation finale des travaux. Ce tiers de confiance est souvent une structure publique ou associative. Grâce à son intervention, il joue un rôle essentiel dans le processus. Il permet notamment de neutraliser l’influence néfaste des intermédiaires commerciaux, qui profitent des failles du système.
La CAPEB soutient pleinement ce nouveau dispositif. Elle y voit un levier essentiel pour sécuriser les rénovations énergétiques. Toutefois, elle insiste sur un point crucial : ce mécanisme doit impérativement s’accompagner d’un renforcement strict des contrôles. Cela concerne notamment la certification des entreprises, mais aussi la vérification effective des travaux réalisés. Sans ces garde-fous, la fraude MaPrimeRénov risque de persister malgré les réformes.
Une meilleure protection des consommateurs
Les particuliers doivent aussi être mieux protégés juridiquement. Plusieurs pistes concrètes sont actuellement évoquées pour mieux protéger les consommateurs. La première serait la création d’un registre national. Ce répertoire regrouperait les entreprises habilitées à intervenir dans le cadre de MaPrimeRénov. Il serait accessible à tous les particuliers, afin de faciliter leurs démarches et d’éviter les pièges.
Une autre mesure consisterait à allonger le délai de rétractation, en particulier dans le cadre des démarchages. Cette précaution offrirait un temps de réflexion supplémentaire aux ménages sollicités de manière agressive.
Enfin, la prévention est essentielle. Des campagnes d’information sur les risques liés à la fraude MaPrimeRénov pourraient également voir le jour, ciblant notamment les personnes âgées, principales victimes des arnaques.
Conclusion : un moment clé pour restaurer la confiance
La fraude MaPrimeRénov est le symptôme d’un système d’aides vulnérable. Si rien n’est fait, elle risque de décrédibiliser toute la politique de rénovation énergétique, pourtant centrale dans la stratégie climatique française. À travers ses propositions concrètes, la CAPEB agit comme un lanceur d’alerte, mais aussi comme un acteur de solutions.
Le vote au Sénat peut marquer un tournant décisif. Celui d’une réforme protectrice, transparente et tournée vers la qualité. En excluant les éco-délinquants, le gouvernement a l’opportunité de remettre l’artisan au cœur du projet, au service de la transition énergétique et des citoyens.