Le coefficient énergie primaire, nouvel enjeu de la bataille énergétique. L’association Coénove alerte sur une décision controversée du gouvernement : la possible révision du coefficient de conversion de l’électricité dans les DPE, qui passerait de 2,3 à 1,9. Derrière cette modification technique se cache un choix politique lourd de conséquences. Selon Coénove, cette baisse du coefficient énergie primaire favoriserait artificiellement l’électricité au détriment d’une lecture objective de la performance énergétique des logements. Faut-il manipuler les indicateurs pour orienter les politiques publiques ? Face à ce débat brûlant, Coénove plaide pour des solutions centrées sur la rénovation énergétique réelle, plutôt que sur l’ajustement des outils de mesure.
Sommaire :
- Qu’est-ce que le coefficient énergie primaire et pourquoi sa révision pose problème ?
- Comment cette révision affecterait-elle la crédibilité du système énergétique ?
- Quels risques la surélectrification présente-t-elle pour le réseau ?
- Quelle instabilité réglementaire frappe le secteur du bâtiment ?
- Quelles solutions alternatives Coénove propose-t-elle ?
- FAQ – Coefficient énergie primaire et DPE
À retenir
- Le gouvernement envisage de réduire le coefficient énergie primaire de l’électricité de 2,3 à 1,9
- Près d’un million de logements sortiraient du statut de passoire énergétique sans travaux réels
- La surélectrification menacerait la sécurité d’approvisionnement lors des pointes hivernales
- Deux logements de même classe énergétique pourraient avoir des factures du simple au double
- Cette réforme s’ajouterait aux nombreux revirements récents du secteur
- Coénove préconise de rénover réellement les logements plutôt que de modifier les indicateurs
Qu’est-ce que le coefficient énergie primaire et pourquoi sa révision pose problème ?
Le coefficient d’énergie primaire reste la clé de voûte du calcul de performance énergétique en France. Actuellement fixé à 2,3 pour l’électricité, il mesure la quantité d’énergie primaire nécessaire pour obtenir une unité d’énergie finale, en tenant compte des pertes liées à la production, au transport et à la distribution.
Mais, tout pourrait bientôt changer. Le gouvernement envisage de ramener ce coefficient à 1,9, soit une baisse de 17,4 %. Ce simple ajustement aurait des conséquences majeures. Il modifierait profondément l’équilibre des diagnostics de performance énergétique (DPE), en améliorant artificiellement le classement des logements chauffés à l’électricité. Ce changement technique, en apparence mineur, pourrait donc reconfigurer l’échiquier de la rénovation énergétique en France.

En effet, cette modification technique cache des enjeux majeurs pour l’efficacité énergétique et la transition énergétique. Selon Coénove, cette révision constituerait un détournement d’un outil scientifique à des fins politiques. Le coefficient énergie primaire reflète la réalité physique des conversions énergétiques établie par des normes européennes et les réglementations thermiques. Le réduire artificiellement reviendrait à déconnecter les diagnostics de la réalité des flux énergétiques mesurés sur le terrain.
Les conséquences sur l’évaluation des logements
Abaisser le coefficient d’énergie primaire à 1,9 changerait artificiellement le sort de près d’un million de logements. Du jour au lendemain, ces habitations ne seraient plus classées comme passoires énergétiques. Et, ce, sans aucun chantier, sans isolation, ni rénovation thermique.
En réalité, aucune amélioration concrète ne serait apportée aux bâtiments. Ce reclassement automatique créerait une illusion statistique. Il masquerait ainsi la véritable performance énergétique. Pire : il pourrait induire les ménages en erreur, en leur faisant croire à une baisse de leur consommation et de leur facture, alors que rien n’aurait changé sur le terrain.
Comment cette révision affecterait-elle la crédibilité du système énergétique ?
Un DPE déconnecté de la réalité économique
Aujourd’hui, le coefficient d’énergie primaire garantit une cohérence entre l’étiquette DPE, l’audit énergétique et le niveau réel de facture. Modifier cette valeur, comme le redoute Coénove, briserait ce lien essentiel. Résultat : deux logements avec la même classe énergétique pourraient générer des factures très différentes, selon leur mode de chauffage. Une situation qui plongerait les consommateurs dans l’incompréhension.
Déjà fragilisé par les réformes de 2021 et 2022, le DPE risque de perdre toute crédibilité. Pour qu’il reste un outil fiable, le coefficient doit rester connecté à la réalité économique, afin de guider efficacement les décisions d’achat ou de rénovation.
L’alignement européen en question
La France s’exposerait à un risque juridique et politique en modifiant seule son coefficient d’énergie primaire. En effet, la Directive européenne 2010/31/UE, révisée en 2018, impose une évaluation harmonisée en énergie primaire pour tous les États membres. Or, le principe “energy efficiency first”, inscrit dans le règlement européen de 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (UE 2018/1999), exige la cohérence des calculs à l’échelle européenne.
Ainsi, un ajustement unilatéral du coefficient français créerait un décalage préoccupant. Il menacerait alors l’alignement des politiques publiques. De plus, il pourrait entraîner des sanctions européennes pour non-respect des engagements communautaires.
Quels risques la surélectrification présente-t-elle pour le réseau ?
Modifier le coefficient d’énergie primaire accélérerait brutalement l’électrification des bâtiments, qu’ils soient résidentiels ou tertiaires. Cette évolution impacterait directement les systèmes de chauffage, de climatisation et d’eau chaude sanitaire.
À court terme, cela favoriserait l’installation d’équipements électriques peu performants, comme les chauffages à effet Joule. Certes, ces dispositifs affichent un rendement de 100%, mais leur performance énergétique reste médiocre dans une logique d’optimisation globale.
À plus grande échelle, cette électrification massive déséquilibrerait le mix énergétique français. L’association Coénove alerte sur les risques que cette orientation ferait peser sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, notamment en période de pointe hivernale.
Les défaillances hivernales menacent la stabilité
L’électrification excessive des bâtiments renforcerait les pics de consommation en hiver, déjà critiques en France. En effet, la modification du coefficient d’énergie primaire pousserait à installer massivement des chauffages électriques peu performants. À court terme, ces équipements augmenteraient la pression sur le réseau, surtout lors des vagues de froid. Ainsi, le risque de délestage électrique deviendrait plus élevé, fragilisant l’approvisionnement en énergie au moment où les besoins sont les plus forts.
L’étiquette carbone déjà prise en compte
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) repose sur deux étiquettes : énergie et carbone. Les émissions de gaz à effet de serre de chaque vecteur énergétique sont déjà correctement intégrées. En effet, c’est l’étiquette la plus défavorable qui détermine la note finale.
Ainsi, l’électricité n’est pas pénalisée de manière injuste dans le dispositif actuel. Dès lors, l’enjeu prioritaire reste clair. Il faut rénover les logements pour réduire la consommation, faire baisser les factures et lutter efficacement contre la précarité énergétique.
Quelle instabilité réglementaire frappe le secteur du bâtiment ?
Modifier le coefficient d’énergie primaire viendrait s’ajouter à une série de bouleversements récents dans le secteur du bâtiment. Depuis 2021, les réformes se succèdent : nouvelle méthode de calcul du DPE en juillet 2021, report de l’interdiction de louer les logements classés G, ajustements répétés de MaPrimeRénov’.
Résultat : les ménages hésitent, les projets sont repoussés. Cette instabilité réglementaire freine les décisions et ralentit les investissements essentiels à la rénovation énergétique.
Jean-Charles Colas-Roy, président de Coénove, dénonce ce “tripatouillage politique d’un outil scientifique de mesure pour masquer le retard pris sur les objectifs de rénovation”. Il compare cette manipulation à “casser le thermomètre pour soigner la fièvre”, soulignant que “modifier artificiellement le coefficient Ep/Ef ne change en rien la réalité des logements”.
Quelles solutions alternatives Coénove propose-t-elle ?
Privilégier la rénovation réelle des logements
Plutôt que de modifier artificiellement le coefficient énergie primaire, Coénove préconise d’intensifier les efforts de rénovation énergétique globale, d’isolation thermique et d’amélioration de l’enveloppe du bâtiment.
Face à cette situation, l’association rappelle avec fermeté : “ce ne sont pas les coefficients qu’il faut changer, ce sont les logements qu’il faut rénover.” Cette position met l’accent sur l’action concrète plutôt que sur les ajustements réglementaires. En priorité, il faut améliorer la performance énergétique réelle des bâtiments, réduire durablement les consommations et lutter efficacement contre la précarité énergétique. Cela passe par des rénovations ciblées, une meilleure efficacité thermique, et un accompagnement renforcé des ménages, notamment les plus vulnérables.
Une évaluation transparente des réformes
Selon Coénove, toute réforme du système d’évaluation énergétique doit reposer sur une analyse rigoureuse. L’association demande l’ouverture d’un débat public transparent, une concertation réelle avec l’ensemble des acteurs du bâtiment, et une étude d’impact détaillée.
Ce processus est essentiel pour mesurer clairement les conséquences d’une telle évolution. Il permettrait d’anticiper ses effets sur les trajectoires de rénovation, l’électrification des usages et la sécurité d’approvisionnement du réseau électrique national. Autrement dit, agir sans évaluer reviendrait à fragiliser les politiques énergétiques actuelles.
L’urgence de la lutte contre la précarité énergétique
Coénove appelle à prioriser la lutte contre la précarité énergétique, plutôt que d’opter pour ce qu’elle qualifie de « tour de passe-passe dangereux », risquant de pénaliser les plus fragiles. Modifier le coefficient d’énergie primaire ne relèverait pas d’un simple ajustement technique. Il s’agirait d’un choix politiquement risqué, dont les conséquences techniques, sociales et environnementales restent mal maîtrisées.
Derrière ce chiffre se cache bien plus qu’un paramètre réglementaire. Le coefficient énergie primaire engage une vision du futur énergétique. Le transformer sans concertation reviendrait à déséquilibrer l’édifice. Ce débat met en lumière la tension croissante entre les impératifs politiques de court terme et la rigueur scientifique nécessaire à une évaluation fiable de la performance énergétique des bâtiments en France.
FAQ – Coefficient énergie primaire et DPE
Qu’est-ce que le coefficient énergie primaire exactement ?
Le coefficient énergie primaire mesure la quantité d’énergie primaire nécessaire pour produire une unité d’énergie finale. Pour l’électricité, le coefficient actuel de 2,3 reflète les pertes lors de la production, du transport et de la distribution électrique. Il traduit la réalité physique des conversions énergétiques dans le système électrique français.
Pourquoi le gouvernement veut-il modifier ce coefficient ?
Selon Coénove, cette modification viserait à favoriser artificiellement le vecteur électrique dans les diagnostics de performance énergétique. En réduisant le coefficient de 2,3 à 1,9, les logements chauffés à l’électricité obtiendraient de meilleures étiquettes énergétiques sans amélioration réelle de leurs performances.
Combien de logements seraient concernés par cette modification ?
D’après les estimations de Coénove, près d’un million de logements pourraient sortir artificiellement du statut de passoire énergétique grâce à cette modification du coefficient énergie primaire, sans qu’aucun travail de rénovation ne soit réalisé.
Quels risques cette révision présente-t-elle pour le réseau électrique ?
La modification encouragerait l’installation massive d’équipements électriques peu efficients, augmentant les pointes de consommation hivernales. Cela accroîtrait le risque de défaillances électriques ou de black-out lors des périodes de forte demande énergétique.
Existe-t-il des alternatives à cette révision du coefficient ?
Coénove propose de maintenir le coefficient actuel et de concentrer les efforts sur la rénovation énergétique réelle des logements. L’association préconise également une évaluation transparente, un débat public éclairé et une concertation approfondie avec la filière avant toute modification réglementaire.