Quel bilan peut-on tirer de l’année 2018 ? Que nous réserve le marché immobilier en 2019 ? Voici les réponses de Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université Paris-Ouest et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger.
Un bilan de l’année 2018 en demi-teinte
La hausse du prix des logements, la suppression de la plupart des aides à l’accession à la propriété et la dégradation rapide du moral des ménages ont contribué à affaiblir la demande.
L’enquête de l’Insee du mois de novembre nous apprend, en effet, que les ménages se disent inquiets sur la situation du marché du travail et leur pouvoir d’achat. Mais dans le même temps, les conditions de crédit se sont améliorées comme jamais, évitant ainsi que le ralentissement de la demande ne soit plus brutal encore. Cela n’a toutefois pas suffi à redonner de la vigueur au marché.
Depuis le printemps 2017, la demande de crédit à l’habitat recule pratiquement sans arrêt et comme près de 90% des logements anciens achetés par les ménages sont financés par des crédits immobiliers, il aurait été étonnant que l’activité soit en expansion.
Le recul du marché de l’ancien devrait avoisiner les 6%
Pourtant, à la fin de l’année dernière, j’avais tablé sur un recul à venir d’environ 10%. Mais le dynamisme de l’offre des banques et l’amélioration des conditions de crédit sont venus atténuer la baisse de l’activité et je ne fais là aucunement allusion aux taux d’intérêt.
En 2018, et contre toute attente, les établissements de crédit ont, en effet, considérablement assoupli leurs exigences en termes d’apport personnel.
En baissant leur niveau d’exigence en termes d’apport personnel les banques ont contribué à atténuer la baisse des ventes de logements.
Un ralentissement de la hausse du prix de l’immobilier dans l’ancien
À fin 2017, la hausse annuelle des prix des logements anciens atteignait 4,5%. À fin octobre dernier, la hausse se chiffrait à 3,9% et nous allons probablement finir l’année sur une hausse de l’ordre de 3,7%. Il s’agit donc là d’un ralentissement qui a produit ses effets tout au long de l’année et qui devrait logiquement s’inscrire dans la durée.
Ce ralentissement a profondément modifié le paysage immobilier français. En effet, il y a un an, à la même époque, nous sortions de près de trois années d’une hausse ininterrompue des prix. À fin 2018, nous sommes, au contraire, sur l’observation d’une année de ralentissement du prix de l’immobilier. Ce ralentissement fait écho à l’affaiblissement de la demande.
Le niveau atteint par les prix immobiliers n’étant plus en cohérence avec la solvabilité des acquéreurs, la demande s’en trouve impactée.
La minceur des marges s’explique par le fait que les vendeurs se montrent moins gourmands au moment de fixer leur prix de vente. Les prix affichés sont par conséquent moins ambitieux qu’ils pouvaient l’être il y a un an.
Et si les marges sont aussi basses, c’est parce que les vendeurs ont progressivement pris en compte les difficultés du marché immobilier français. Ils ont ainsi compris que si le prix proposé n’était pas en corrélation avec le marché, leur logement risquait de leur rester sur les bras.
Le marché immobilier français semble donc plus que jamais à deux vitesses
À l’exception – notable – de villes comme Bordeaux (le m² coûte 4706 € : +11,6% sur un an), Rennes (le m² coûte 3211 € : +11,3% sur un an) ou encore Limoges où le prix de l’immobilier reste à la hausse, voire le devient, la moitié des villes enregistrent un recul de leurs prix… La fracture est bien là.
Mais si les prix progressent fortement sur ces deux villes, ce qui se passe à Bordeaux – où la hausse tend toutefois à ralentir – n’est en rien comparable à ce qui se passe sur Limoges.
À Bordeaux, le phénomène de gentrification bat son plein et si l’effet LGV s’y fait sentir, d’autres facteurs contribuent à l’attractivité de Bordeaux : un urbanisme volontaire, une profonde restructuration de l’habitat et une indéniable transformation sociologique.
Les ménages aux revenus moyens ont progressivement laissé la place, soit à des ménages à revenus élevés, soit à des ménages à revenus très modestes. Même chose à Rennes, où la hausse s’accélère mois après mois et où l’effet LGV se fait clairement sentir, une nouvelle clientèle – de TGVistes – succédant petit à petit à la précédente.
Pour ce qui est de Limoges, c’est différent. La ligne Limoges-Poitiers a été abandonnée. En revanche, les prix (1 624 € du m²) partaient de tellement loin qu’ils ne pouvaient que remonter. De plus, les prix limougeauds baissaient depuis des années et le marché était en état de dépression avancée. À Limoges, le marché immobilier sort donc progressivement de la période de récession dans laquelle il a longtemps été plongé et la demande tend à se ressaisir.
Si l’on dispose de la capacité d’épargne nécessaire, mieux vaut acheter maintenant
En prenant le temps d’attendre, un acquéreur prendra également le risque que les conditions du marché ne soient pas aussi favorables qu’elles le sont aujourd’hui.
En l’espace de quelques années, les apports personnels sont passés d’un taux moyen d’au moins 25%, à un taux moyen inférieur à 18%. Cet allègement des exigences des banques a permis d’élargir les possibilités d’achat immobilier des ménages, à cela s’ajoute le fait que la durée des prêts s’est allongée.
L’année qui s’annonce ressemblera beaucoup à l’année 2018. À la différence près que les tendances que nous observons actuellement seront encore plus marquées. En 2019, la hausse des prix des logements ralentira pour la deuxième année consécutive dans l’ancien comme dans le neuf.
Alors qu’à fin 2018, la hausse annuelle de prix des logements anciens atteindra 3,7%, à fin 2019, la hausse devrait se limiter à 2,5%.
Ce ralentissement des prix que l’on constate dans la moitié des villes va également se renforcer. D’autre part, il est certain que les taux des crédits immobiliers vont légèrement remonter.
Enfin, en raison de la mise en place du prélèvement à la source et de l’effet psychologique d’appauvrissement qui va en résulter, on peut craindre un certain attentisme de la part des emprunteurs au cours du premier trimestre de l’année – voire sur l’ensemble du 1er semestre – et un nouveau recul de l’activité du marché immobilier…

