La tendance haussière des taux et les contraintes règlementaires conduisent aujourd’hui à l’exclusion de nombreux emprunteurs français (notamment les ménages modestes). Ainsi, le marché du crédit immobilier est confronté à des difficultés inédites. Si le gouvernement ne trouve pas immédiatement des solutions efficaces, la situation peut s’aggraver. Dans ce sens, la fintech Pretto suggère deux propositions visant à relancer le marché.
Des dossiers de crédit immobilier refusés
D’après Pretto, leader du crédit immobilier en ligne, 18 % des dossiers acceptés en 2021 seraient retoqués depuis juin 2022. Dans ses estimations, ce courtier a utilisé les taux moyens de juin 2022 (1,6 % sur 20 ans). En effet, environ 220 000 ménages ne pourraient plus emprunter à cause du mouvement haussier des taux et des règlements contraignants.
Parmi les dossiers non finançables, environ 60 000 auraient été rejetés du fait du dépassement du taux d’usure. De même, 160 000 dossiers dépasseraient le taux d’endettement plafond de 35 %.
Toutefois, près de la moitié de ces dossiers pourrait être financé au prix d’un allongement de la durée du crédit ou d’une augmentation de l’apport. Mais c’est changements ne sont pas sans incidences sur le coût total du crédit et de l’épargne résiduelle disponible.
“ Cette situation peut avoir des conséquences économiques et sociales lourdes. C’est la raison pour laquelle nous lançons aujourd’hui cette alerte. Nous proposons donc des pistes d’évolutions réglementaires pragmatiques et fiables pour ne pas aggraver davantage la « fracture immobilière ». Conservons au crédit toute son utilité sociale ! ” – Pierre Chapon, co-fondateur de Pretto.
Une éviction forte et inégalitaire de certains profils
Les ménages les plus modestes sont les plus impactés par la hausse des taux de crédit immobilier.
30 % d’éviction concernent les emprunteurs aux revenus inférieurs à 3 000 euros.
En effet, 30 % d’éviction concernent les emprunteurs aux revenus inférieurs à 3 000 euros :
- 11 % de ces dossiers sont bloqués en raison du taux d’usure ;
- 19 % du fait du taux d’endettement.
Néanmoins, 9 % sont finançables à condition que le projet lui-même soit modifié. Par ailleurs, 40 % de ces ménages modestes exclus sont des primo-accédants. Quarante-trois pour cent sont situés en dehors de l’Île-de-France.
Néanmoins, pour les emprunteurs gagnant plus de 5 000 euros, le taux d’éviction au crédit immobilier s’établit à 13 % seulement. Dans cette catégorie socio-professionnelle, 10 % sont des primo-accédants et 26 % sont situés en province.
Exemples de profils acceptés en 2021 et retoqués aujourd’hui
Profil 1 : une femme célibataire de 29 ans, installée en Meurthe-et-Moselle, gagne 1 691 euros par mois. Pour financer son projet d’achat immobilier au titre de résidence principale, elle a prévu d’emprunter. Son dossier a été bloqué par le taux d’usure.
Profil 2 : un couple de 43 ans et de 44 ans perçoit des revenus de 4 003 euros au total. Installé dans l’Essonne, ce ménage a prévu d’acheter un logement au titre de résidence principale. Son dossier de crédit immobilier a été refusé du fait du taux d’usure.
Profil 3 : un homme célibataire de 29 ans a envisagé d’investir dans un logement locatif dans l’Oise. Son revenu s’élève à 4 173 euros par mois. Cet emprunteur a été exclu du crédit immobilier, car son taux d’endettement a dépassé 35 % (le maximum autorisé).
Deux propositions de Pretto pour relancer le marché du crédit immobilier
Afin de débloquer le marché du crédit immobilier, Pretto a dévoilé ses deux propositions.
Changer le mode de calcul du taux d’usure
En premier lieu, il convient de modifier le mode de calcul du taux d’usure. Ce dernier devrait être plus en phase avec la réalité du marché. L’objectif est de protéger vraiment les emprunteurs des risques d’éviction.
“ Nous proposons que le taux d’usure soit dorénavant calculé de manière mensuelle, avec une évolution sur la base de calcul et la plage de financement permise.” – Pierre Chapon.
En effet, l’objectif est d’utiliser comme base de calcul la moyenne des taux effectifs constatés sur le mois précédent et non plus sur le trimestre. Cette nouvelle méthodologie pourrait réduire ainsi le décalage entre les taux pratiqués et le taux d’usure.
“ Notre objectif est de limiter le cercle vicieux lié à l’exclusion du crédit immobilier des moins bons profils. Alors qu’il se reflète dans une hausse plus lente de la moyenne des taux effectifs, et donc du taux d’usure. ” – Pierre Chapon.
Un taux d’endettement au delà de 35%
Il faudrait autoriser es banques à dépasser le taux d’endettement maximum de 35 % sous certaines conditions. Exceptionnellement, cette mesure s’appliquerait alors aux projets de rénovation énergétique ou lors de l’achat de logements économes énergétiquement.
En effet, cette augmentation de l’endettement n’impliquerait pas une augmentation du risque crédit. Puisque ces investissements conduisent à réduire la charge de chauffage. Ainsi, on estime les économies sur la facture de l’ordre de 30%. Ce qui pourrait revenir à libérer du revenu supplémentaires pour les ménages les plus modestes qui consacrent aujourd’hui près de 10% à leur chauffage.
Par ailleurs, cette proposition pourrait encourager à l’avenir les travaux d’efficacité énergétique sans dépense publique supplémentaire.
“ Par exemple, pour des dossiers atteignant d’ores et déjà le plafond de 35%, une augmentation à 38% permettrait d’emprunter jusqu’à 8% supplémentaires. Soit pour un montant moyen emprunté de 200,000€ avec un budget travaux de 16 000€.” – Pierre Chapon.
Il est à noter qu’en réduisant le taux d’éviction au crédit immobilier, on limite la fracture immobilière en France. Pour autant, cela se ferait sans créer de risque supplémentaire ni pour les consommateurs, ni pour le système financier dans son ensemble.