Qui peut nommer le conseil syndical d’une copropriété en difficulté ? C’est la question sensible soulevée par le député Dominique Potier dans une récente question écrite à l’Assemblée nationale. En cause : la désignation directe de membres du conseil syndical par un administrateur provisoire, sans vote des copropriétaires. Une pratique qui existe déjà sur le terrain, mais qui interroge. Est-elle légale ? Respecte-t-elle les droits des copropriétaires ? Et, que devient l’indépendance du conseil syndical ? Face à ces inquiétudes, la réponse du ministère du Logement vient préciser les règles. Oui, un administrateur provisoire peut, dans certains cas, nommer les membres du conseil syndical. Mais, cette faculté reste strictement encadrée.
Sommaire :
- Le rôle contesté de l’administrateur provisoire en copropriété
- Le cadre légal de la désignation du conseil syndical
- L’équilibre entre redressement et droits des copropriétaires
Le rôle contesté de l’administrateur provisoire en copropriété
Une intervention exceptionnelle sous contrôle judiciaire
L’administrateur provisoire copropriété intervient dans un contexte particulier. Nommé par le président du tribunal judiciaire en vertu de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, il prend en charge temporairement une copropriété en difficulté. Sa mission principale consiste à prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. Pour ce faire, il se voit confier les pouvoirs du syndic et, selon les cas, tout ou partie des pouvoirs de l’assemblée générale des copropriétaires.
En effet, l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 précise que : “Le président du tribunal judiciaire charge l’administrateur provisoire de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété.” Cette formulation large laisse une marge d’appréciation importante au juge quant à l’étendue des pouvoirs délégués.
Le point de tension sur le conseil syndical
La question posée par le député Dominique Potier souligne une pratique controversée. Ainsi, dans certaines copropriétés, l’administrateur provisoire désigne lui-même les membres du conseil syndical, sans recourir au vote des copropriétaires. Cette situation crée un paradoxe problématique. En effet, le conseil syndical peut être amené à donner des avis sur les décisions de l’administrateur provisoire qui l’a lui-même désigné. Ce qui soulève alors d’évidents problèmes d’indépendance.
Le conseil syndical, comme le rappelle l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, est un “organe consultatif et de contrôle de la gestion du syndic”. Dans le cas spécifique où l’administrateur provisoire exerce les fonctions de syndic, un conseil syndical qu’il aurait lui-même désigné pourrait difficilement exercer sa mission de contrôle en toute indépendance.
Par ailleurs, l’article 62-7 du décret du 17 mars 1967, prévoit que le conseil syndical rend des avis sur les projets de décisions de l’administrateur provisoire. À cet effet, il stipule que : “L’administrateur provisoire doit recueillir l’avis du conseil syndical lorsque celui-ci n’a pas été dissous”.
Des décisions de justice contradictoires
Le député relève que les décisions de justice portant sur l’étendue des compétences de l’administrateur provisoire ont rendu des avis contradictoires. Cette situation crée une insécurité juridique préjudiciable tant pour les copropriétaires que pour les professionnels du secteur. Face à ces incertitudes, la clarification ministérielle était nécessaire pour harmoniser les pratiques et garantir le respect des droits fondamentaux des copropriétaires.
Le cadre légal de la désignation du conseil syndical
Le principe : une désignation par l’assemblée générale
La réponse ministérielle rappelle d’abord le fonctionnement normal d’une copropriété, qui repose sur trois organes essentiels : le syndic, le conseil syndical et l’assemblée générale des copropriétaires. Dans le cadre habituel de gestion d’une copropriété, la loi est claire. Les articles 21 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, qui régit le statut de la copropriété, précisent les règles de désignation du conseil syndical.
Ainsi, les membres du conseil syndical doivent être élus par l’assemblée générale des copropriétaires. Cette désignation se fait à la majorité des voix de l’ensemble des copropriétaires.
L’article 25, c) de la loi du 10 juillet 1965 dispose spécifiquement que “Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant […] c) La désignation […] des membres du conseil syndical”. Cette disposition souligne l’importance accordée par le législateur à cette désignation, qui requiert une majorité qualifiée.
Si le vote à la majorité absolue échoue, un second vote peut être organisé immédiatement. C’est ce que prévoit l’article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965. Ce deuxième vote s’effectue alors à la majorité simple des voix exprimées. Par ce mécanisme, le législateur entend lever les blocages. Il cherche à faciliter la mise en place d’un conseil syndical, jugé indispensable au bon fonctionnement de la copropriété.
Le régime dérogatoire des copropriétés en difficulté
Pour autant, les copropriétés en difficulté obéissent à un régime spécifique et temporaire, placé sous le contrôle du juge. L’administrateur provisoire désigné se voit confier tous les pouvoirs du syndic et, selon les cas, tout ou partie des pouvoirs de l’assemblée générale. Le conseil syndical et l’assemblée générale exercent toujours les pouvoirs qui ne relèvent pas de la mission de l’administrateur provisoire.
Ce régime dérogatoire est encadré par les articles 29-1 à 29-15 de la loi du 10 juillet 1965, qui constituent un chapitre spécifique consacré aux “Copropriétés en difficulté”. Ces dispositions ont été considérablement renforcées par la loi ALUR du 24 mars 2014. Cette dernière a élargi les pouvoirs de l’administrateur provisoire tout en précisant les conditions de son intervention.
L’étendue des pouvoirs confiés par le juge à l’administrateur provisoire
La réponse ministérielle apporte une précision essentielle. Le mode de désignation des membres du conseil syndical dépend directement des pouvoirs accordés à l’administrateur provisoire par le juge. Cette distinction explique pourquoi les décisions de justice peuvent varier d’un cas à l’autre.
En effet, si le juge confie à l’administrateur tous les pouvoirs de l’assemblée générale, ce dernier peut alors désigner lui-même les membres du conseil syndical. En revanche, si ce pouvoir reste entre les mains de l’assemblée générale, l’administrateur devra la convoquer pour procéder à la désignation. L’administrateur provisoire n’exerce ce pouvoir de désignation que si le président du tribunal judiciaire le lui a expressément confié.
L’équilibre entre redressement et droits des copropriétaires
Une atteinte temporaire justifiée
La réponse ministérielle reconnaît explicitement que le régime de l’administration provisoire constitue une “atteinte temporaire au droit de propriété” en ce qu’il paralyse, en tout ou partie, le droit de vote des copropriétaires. Toutefois, l’objectif général poursuivi justifie cette atteinte. C’est-à-dire, le rétablissement de l’équilibre financier de la copropriété et la conservation de l’immeuble. Ces objectifs visent in fine à garantir à chacun un logement décent.
La référence au “logement décent” n’est pas anodine. En cela, elle rattache le dispositif de l’administration provisoire à un objectif de valeur constitutionnelle : le droit au logement. Le Conseil constitutionnel a reconnu ce droit dans sa décision n°94-359 DC du 19 janvier 1995.
La préservation de l’intérêt collectif
L’intervention d’un administrateur provisoire repose sur un équilibre fragile. Elle limite temporairement les droits des copropriétaires, mais dans un but précis : protéger la valeur de l’immeuble et assurer la survie de la copropriété. Cette restriction s’inscrit dans une démarche de sauvegarde patrimoniale, pensée dans l’intérêt commun.
D’ailleurs, l’article 29-1 B de la loi du 10 juillet 1965 impose à l’administrateur de proposer un plan de sauvegarde. Ce document, soumis à l’approbation du juge, doit détailler les mesures nécessaires pour rétablir un fonctionnement normal de la copropriété.
Le caractère transitoire du dispositif
Un point essentiel à retenir est que le régime de l’administration provisoire est par nature temporaire. L’objectif final reste le rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété, avec tous ses organes démocratiques. Les pouvoirs exceptionnels confiés à l’administrateur provisoire, y compris celui de désigner les membres du conseil syndical, doivent donc s’exercer dans la perspective d’un retour progressif à la normale.
L’article 29-3 de la loi du 10 juillet 1965 limite d’ailleurs la durée initiale de la mission de l’administrateur provisoire à un an, renouvelable. Chaque renouvellement doit être justifié par la persistance des difficultés et autorisé par le président du tribunal judiciaire.
Pour les copropriétaires concernés par une administration provisoire, il est essentiel de consulter l’ordonnance du juge pour connaître précisément l’étendue des pouvoirs confiés à l’administrateur. Cette démarche permettra d’éviter des contestations ultérieures et de garantir la légalité des décisions prises pendant cette période transitoire.