Le bilan énergétique de la France pour 2023 révèle une baisse significative de la consommation énergétique dans tous les secteurs économiques. Selon les données du SDES, la consommation finale d’énergie a diminué de 3,9% en données réelles, atteignant 1 615 TWh, malgré une légère croissance du PIB de 0,9%. Cette tendance baissière concerne l’ensemble des secteurs : le tertiaire (-8,2%), l’industrie (-6,6%), le résidentiel (-2,7%), les transports (-2,2%) et l’agriculture-pêche (-0,7%). Paradoxalement, les dépenses des consommateurs finaux d’énergie ont augmenté de 0,9% par rapport à 2022 en euros constants, pour atteindre 227,9 milliards d’euros. Quelles sont les raisons de cette baisse de consommation énergétique et comment les différents secteurs y ont contribué ?
Sommaire :
- La consommation énergétique en baisse malgré une hausse des dépenses
- Le secteur résidentiel : baisse de la consommation énergétique et hausse des dépenses
- Les dépenses énergétiques des ménages : entre économies et inflation
- L’industrie face à la transition énergétique
- Le transport : fin de la reprise post-covid
La consommation énergétique en baisse malgré une hausse des dépenses
La consommation énergétique en France a enregistré une baisse notable en 2023. Selon les chiffres du bilan énergétique national, la consommation finale d’énergie a reculé de 3,9 % en données réelles, pour s’établir à 1 615 TWh. Cette diminution s’inscrit dans un contexte économique marqué par une croissance modérée. En effet, le produit intérieur brut (PIB) n’a progressé que de 0,9 % sur l’année.
Pourtant, en dépit de cette baisse de la consommation énergétique, les dépenses des ménages liées à l’énergie ont, elles, continué d’augmenter. En effet, elles s’élèvent à 227,9 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 0,9 % en euros constants par rapport à 2022.
Cette contradiction apparente entre baisse de consommation et hausse des dépenses s’explique principalement par l’évolution des prix de l’énergie. Selon les données du SDES, les prix de l’électricité et du gaz ont particulièrement augmenté en 2023, ce qui a pénalisé les consommateurs malgré leurs efforts de sobriété.

Répartition sectorielle de la baisse de consommation énergétique
Cette baisse de la consommation énergétique touche l’ensemble des secteurs économiques, mais à des degrés divers. Le secteur tertiaire enregistre la plus forte diminution (-8,2%), suivi de l’industrie (-6,6%), du résidentiel (-2,7%), des transports (-2,2%) et de l’agriculture-pêche (-0,7%). La consommation finale à usage non énergétique diminue également de 1,9%. Cette tendance baissière généralisée témoigne d’efforts de sobriété énergétique dans tous les domaines d’activité.
L’analyse sectorielle met en lumière des disparités notables. Ainsi, les baisses de consommation les plus marquées concernent les secteurs fortement dépendants de l’électricité et du gaz naturel, deux sources d’énergie dont les prix ont fortement augmenté. Parmi eux, le secteur tertiaire apparaît comme particulièrement impacté. Face à la flambée des prix, il a réduit sa consommation énergétique de manière plus significative que les autres secteurs.
Le secteur résidentiel : baisse de la consommation énergétique et hausse des dépenses
En 2023, la consommation énergétique du secteur résidentiel a reculé de 2,7 %, pour s’établir à 422 TWh. Une fois corrigée des variations climatiques, la baisse reste quasiment identique (-2,7 %), les températures de l’année ayant été relativement douces, similaires à celles de 2022.
Cette diminution s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la hausse persistante des prix de l’électricité et du gaz a pesé sur les comportements de consommation. D’autre part, les appels à la sobriété énergétique, relayés tout au long de l’année, ont incité de nombreux ménages à adopter des gestes plus économes.
La programmation pluriannuelle de l’énergie fixait un objectif de baisse de 7,6% de la consommation finale d’énergie pour 2023 par rapport à 2012. Dans le secteur résidentiel, la baisse corrigée du climat atteint 9,9% depuis 2012, soit une diminution de 50 TWh, dépassant ainsi l’objectif fixé. Cette réduction s’est fortement accélérée depuis la crise énergétique, atteignant 6,2% entre 2019 et 2023.
Évolution du mix énergétique résidentiel
Le bouquet énergétique du secteur résidentiel en 2023 révèle des évolutions significatives. L’électricité reste la principale source d’énergie utilisée par les ménages. Elle représente 34 % de la consommation totale des logements, malgré une baisse de 2,8 % sur l’année.
Les énergies renouvelables occupent désormais la deuxième place, avec plus d’un quart de la consommation résidentielle. À climat constant, leur usage progresse de 4,0 %, porté notamment par le développement de la chaleur produite par les pompes à chaleur, dont la consommation bondit de 10,4 %.
Le gaz naturel, troisième source d’énergie (25 % de la consommation), enregistre pour sa part une forte baisse de 6,8 %. Ce recul s’explique probablement par la hausse marquée de ses prix, qui a incité de nombreux foyers à limiter leur usage.
Depuis 2012, le bouquet énergétique résidentiel a été profondément modifié. En effet, le gaz naturel est l’énergie qui contribue le plus à la baisse (-45 TWh), suivi des produits pétroliers (-41 TWh). Cette évolution s’explique surtout par la diminution du parc de logements équipés de chaudières au fioul. À l’inverse, les énergies renouvelables ont progressé de 35 TWh, se substituant en partie aux énergies fossiles carbonées.
Répartition par usage dans le résidentiel
Avec 312 TWh, le chauffage concentre plus des deux tiers de la consommation résidentielle en France métropolitaine. Les énergies renouvelables constituent 41% de cette consommation de chauffage, le gaz 30% et l’électricité 16%.
L’électricité spécifique (électroménager, éclairage, appareils audiovisuels et informatiques) représente 16,1% de la consommation totale, tandis que l’eau chaude sanitaire compte pour 9,1% et la cuisson pour 5,1%. La climatisation ne représente encore qu’une faible part (0,5%), mais sa consommation augmente de 4,7% en 2023. Cette tendance pourrait s’accentuer dans les années à venir avec le réchauffement climatique et l’augmentation des besoins en refroidissement pendant les périodes estivales.
Les dépenses énergétiques des ménages : entre économies et inflation
En 2023, les ménages français ont consommé au total 722 TWh d’énergie, soit une baisse de 1,6% par rapport à 2022. Cette consommation se répartit entre 422 TWh pour les logements (-2,7%) et 299 TWh pour les déplacements (-0,1%). Malgré cette baisse de consommation, leur dépense énergétique globale n’a diminué que légèrement, atteignant 114,9 milliards d’euros (-1,3%), dont 57,8 milliards d’euros pour le logement (+2,3%) et 57,1 milliards d’euros pour le transport (-4,7%).
Les dépenses énergétiques totales du secteur résidentiel s’élèvent à 57,8 milliards d’euros en 2023, en hausse de 2,3% en euros constants par rapport à 2022.
Cette évolution s’explique principalement par la hausse des prix de l’électricité. Toutefois, les boucliers tarifaires mis en place par le gouvernement ont permis de limiter la hausse des dépenses. Et, les chèques énergie ont réduit la charge pour les ménages les plus modestes, avec un montant moyen de 138 euros en 2023.
Évolution de la facture énergétique par ménage
La dépense énergétique moyenne d’un ménage s’élève à 3 678 euros en 2023, dont 1 851 euros pour le logement et 1 827 euros pour les carburants. En euros courants, cette dépense augmente de 3,0% (+6,8% pour le logement et -0,6% pour les carburants). Cependant, corrigée de l’inflation, la facture moyenne diminue de 2,2% par rapport à 2022, avec une baisse de 5,6% pour les carburants, mais une hausse de 1,4% pour les dépenses liées au logement.
En euros constants, les dépenses moyennes des ménages en électricité poursuivent leur progression. Ainsi, elles augmentent de 4,6 % en 2023 par rapport à 2022, l’électricité représentant à elle seule environ deux tiers de la facture énergétique des logements.
Quant aux dépenses liées au gaz naturel (+4,2 %), à la chaleur (+2,5 %) et au bois (+24 %), elles sont également en hausse. Cette augmentation s’explique à la fois par l’évolution des prix et, dans le cas du bois, par un regain d’intérêt pour cette énergie souvent perçue comme plus économique.
À l’inverse, les dépenses en produits pétroliers enregistrent une nette baisse de 26 %. Ce recul résulte autant d’une diminution de la consommation que d’un repli des prix.
Au total, en 2023, l’énergie représente 9,4% des dépenses des ménages et 5,8% de leur consommation effective. La part dans les dépenses des ménages baisse de 0,2 point par rapport à 2022, principalement en raison de la diminution des dépenses en carburants (-0,3 point). Tandis que la part des énergies pour le logement augmente légèrement (+0,1 point). La part de l’énergie dans le budget des ménages reste sensiblement éloignée de son pic atteint en 1985 (11,7%).
L’industrie face à la transition énergétique
La consommation énergétique de l’industrie s’établit à 278,6 TWh en 2023, en baisse de 6,6% par rapport à 2022. Cette diminution concerne l’ensemble des énergies, à l’exception des produits pétroliers et des énergies renouvelables qui connaissent une légère hausse. Le gaz naturel et l’électricité dominent le bouquet énergétique industriel, représentant respectivement 35% et 37% du total.
Depuis 2012, année de référence fixée pour les objectifs nationaux de réduction de la consommation d’énergie, l’industrie a enregistré un net repli de sa consommation finale à usage énergétique. En données réelles, cette baisse atteint 64,9 TWh, soit ?18,9 % sur la période, ce qui correspond à un recul moyen de 1,9 % par an. Corrigée des variations climatiques, la diminution reste significative, à ?17,1 %. Fait marquant : les deux tiers de cette baisse ont été concentrés sur les quatre dernières années, entre 2019 et 2023.
Les disparités sectorielles dans l’industrie
La chimie et pétrochimie, qui représente 21,9% de l’énergie consommée dans l’industrie, voit sa consommation diminuer de 4,5%. L’industrie agroalimentaire, qui pèse pour 19,1% des consommations énergétiques industrielles, enregistre une baisse de 8,0%. Le secteur des produits minéraux non métalliques (13,8% de la consommation) connaît une diminution de 10,8%.
D’autres secteurs industriels connaissent également des baisses significatives : imprimeries et papeteries (-12,8%), sidérurgie (-4,3%). Seul le secteur du matériel de transport voit sa consommation d’énergie augmenter par rapport à 2022 (+18,9%).
Le transport : fin de la reprise post-covid
En 2023, le secteur des transports représente 34% de la consommation énergétique finale avec 513 TWh. Après deux années de forte reprise post-Covid, la consommation énergétique des transports diminue de 2,2%. Le bouquet énergétique est largement dominé par les produits pétroliers (89,3%), complété par les biocarburants (7,3%), l’électricité (2,5%) et le gaz naturel (0,8%).
Dans le secteur des transports, la consommation énergétique reste largement dominée par le mode routier. En 2023, celui-ci représente 93,2 % de la consommation totale du secteur, soit 478 TWh. Cette prédominance s’explique par la place centrale de la route dans les déplacements, tant pour les passagers — avec 87 % du trafic en voyageurs-kilomètres en métropole — que pour les marchandises, qui représentent 86 % du trafic en tonnes-kilomètres.
À lui seul, le transport routier des ménages pèse lourd dans le bilan énergétique. En effet, il constitue plus de la moitié de la consommation finale énergétique des transports en France, avec une part de 57,7 %.
La consommation d’électricité pour le transport, majoritairement liée au mode ferré, s’élève à 12,9 TWh en 2023, en hausse de 16% par rapport à 2022. Cette croissance est portée par celle de la consommation du ferré (+12,7%) et par celle des véhicules routiers à motorisation alternative (électriques et hybrides rechargeables). La consommation d’électricité pour le routier poursuit sa forte progression (+46,7% en 2023) pour atteindre 2,3 TWh.
Conclusion
La baisse généralisée de la consommation énergétique en France en 2023 s’inscrit dans une dynamique de sobriété de plus en plus marquée. Entre 2012 et 2019, la consommation finale d’énergie diminuait déjà de 0,4 % par an en moyenne (données corrigées du climat). Mais, cette tendance s’est accélérée à -2,1 % par an entre 2019 et 2023. Sur l’ensemble de la période, la baisse atteint 8,9 %, dépassant ainsi l’objectif national fixé à 7,6 %.
Le secteur résidentiel a largement contribué à cet effort, avec une réduction de 9,9 % de sa consommation entre 2012 et 2023. Cette performance s’explique par la transformation progressive du mix énergétique des logements. Le recours aux énergies renouvelables, en particulier les pompes à chaleur, s’est renforcé. Tandis que l’usage du fioul et du gaz naturel a reculé.
Mais, cette transition énergétique, bien qu’engagée, n’a pas empêché une hausse des coûts pour les ménages. En 2023, la facture énergétique liée au logement a augmenté de 2,3 %, sous l’effet de la flambée des prix, notamment de l’électricité.
Cette situation met en évidence les limites des seuls efforts de sobriété face à la volatilité des marchés. Elle souligne la nécessité d’intensifier les politiques d’efficacité énergétique et de favoriser le développement d’énergies plus accessibles, durables et résilientes. Enfin, cette évolution témoigne d’une prise de conscience collective et d’une adaptation des comportements, renforcées par le contexte de crise énergétique mondiale, qui a poussé de nombreux foyers à adopter des pratiques plus économes.