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Construction

Comment les promoteurs immobiliers transforment-ils leur modèle face à la crise ?

Comment les promoteurs immobiliers transforment-ils leur modèle face à la crise ?

Selon une récente étude publiée par Xerfi, les promoteurs immobiliers traversent une période charnière marquée par une profonde transformation de leur modèle d’affaires. Face à une chute historique de l’activité entre 2022 et 2024, ces acteurs clés du marché immobilier évoluent d’une approche standardisée vers des solutions sur-mesure. Malgré un frémissement perceptible, la reprise reste très partielle et insuffisante pour retrouver les volumes d’avant-crise. Dans ce contexte difficile, les promoteurs immobiliers déploient des stratégies innovantes pour s’adapter : développement de logements abordables, partenariats bancaires et recyclage urbain.

Sommaire :

La crise persistante du secteur immobilier neuf

Un redressement modéré, mais insuffisant pour les promoteurs immobiliers

Après une période particulièrement difficile, le secteur de la promotion immobilière montre quelques signes d’amélioration.

Selon Vincent Desruelles, directeur d’études chez Xerfi, “un frémissement est perceptible, mais il serait prématuré de parler de véritable reprise. Après une chute historique de l’activité entre 2022 et 2024, les promoteurs s’attendent à un redressement modéré à partir de 2025, tiré principalement par l’assouplissement des conditions de financement.”

Cette nuance est essentielle pour comprendre la situation actuelle des promoteurs immobiliers. Entre 2022 et 2024, l’activité a connu une chute historique, avec des ventes de détail qui ont plongé de presque 50% depuis 2021. Or, le redressement attendu à partir de 2025 s’annonce modéré et principalement porté par l’assouplissement des conditions de financement.

Les projections de Xerfi, publiées dans l’étude intitulée “Les perspectives du marché à l’horizon 2030 et les leviers pour relancer l’offre”, indiquent que les ventes de détail, cœur de métier des promoteurs immobiliers, ne progresseraient que de 5% par an jusqu’en 2026. Puis, de 6% en moyenne entre 2027 et 2030. Pour autant, ces rythmes de croissance restent insuffisants pour retrouver les volumes d’avant-crise.

Des facteurs favorables, mais des obstacles persistants

Plusieurs facteurs devraient soutenir cette timide reprise pour les promoteurs immobiliers.

“Le recul des taux d’intérêt – désormais orientés vers une stabilisation autour de 3% – et l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) à l’ensemble du territoire devraient soutenir la demande,” analyse Vincent Desruelles. Sur le plan des prix, il précise que “les prix des logements neufs devraient repartir à la hausse avec une croissance annuelle moyenne de 2,5% en 2025 et 2026, soutenue par l’amélioration du pouvoir d’achat immobilier et l’ajustement des prix dans les zones moins tendues.”

Cependant, les promoteurs immobiliers restent confrontés à des freins structurels puissants qui limitent l’ampleur de la reprise. En effet, la pénurie de foncier, la réticence des collectivités à délivrer des permis, la disparition des incitations fiscales… Tous ces facteurs font que l’activité restera ainsi durablement en-deçà de ses niveaux d’avant-crise.

Les nouvelles stratégies d’adaptation du promoteur immobilier

Le développement de logements abordables comme axe prioritaire

Face à l’ampleur du choc, les promoteurs immobiliers reconfigurent en profondeur leur modèle. Une orientation majeure concerne le développement de logements abordables via l’accession aidée. Le Bail réel solidaire (BRS), qui permet de dissocier foncier et bâti pour réduire le prix d’achat de 20 à 40%, représente une solution innovante. Encore marginale, cette approche monte en puissance avec des ventes multipliées par 2,5 depuis 2021 et des perspectives de forte croissance à court terme.

Le BRS, encadré par la loi ALUR et renforcé par l’ordonnance n°2016-985 du 20 juillet 2016, permet aux ménages sous plafonds de ressources d’accéder à la propriété à un prix abordable. Les Organismes Fonciers Solidaires (OFS), qui portent le foncier sur le très long terme, ont déjà permis la commercialisation de plus de 8 000 logements selon les dernières données de l’Association des Organismes de Foncier Solidaire (AOFS).

Des partenariats bancaires et des modèles alternatifs

Les promoteurs immobiliers explorent également d’autres pistes pour stimuler la demande. Plusieurs acteurs comme Altarea ou Bassac nouent des partenariats bancaires pour proposer des prêts à taux zéro complémentaires, renforçant ainsi la solvabilité des ménages. Ces prêts peuvent atteindre jusqu’à 30 000 €. Ils sont remboursables sur une durée maximale de 15 ans. Par ailleurs, ils viennent en complément des dispositifs publics déjà en place.

D’autres promoteurs immobiliers se tournent vers des modèles alternatifs comme la location-accession ou l’immobilier fractionné, souvent portés par des start-up. À titre d’exemple, Sezame, créée en 2020, se spécialise dans la location-accession courte durée et a déjà accompagné plus de 3 000 ménages vers la propriété. De son côté, Neoproprio mise sur la location avec option d’achat, en partenariat avec des promoteurs immobiliers. Ce dispositif permet aux locataires de tester leur futur logement avant de se décider à l’acheter. De plus, une partie des loyers versés est déduite du prix de vente final.

Le recyclage urbain comme axe stratégique incontournable

Le recyclage urbain s’affirme comme une stratégie essentielle pour les promoteurs immobiliers dans un contexte de raréfaction du foncier. Transformation de bureaux en logements, surélévations en milieu urbain dense, reconversion de bâtiments obsolètes… Ces initiatives impliquent une montée en compétence, notamment sur des projets complexes et sur-mesure. Toutefois, elles offrent un avantage majeur : celui de contourner les contraintes imposées par l’artificialisation des sols.

Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), les opérations de transformation représentaient moins de 5% de la production des promoteurs immobiliers en 2020. Mais, ce chiffre pourrait dépasser 15% d’ici 2027. En effet, la transformation de bureaux en logements connaît une forte dynamique, notamment en Île-de-France. Dans cette région, le taux de vacance des bureaux atteint 8,3 % selon Immostat. Ce contexte offre un important gisement : plus de 3,5 millions de m² pourraient être reconvertis en logements à moyen terme.

Évolution du marché des promoteurs immobiliers
Évolution du marché des promoteurs immobiliers

La recomposition du paysage concurrentiel

Une concentration accélérée du secteur

Le secteur de la promotion immobilière connaît une recomposition accélérée de son paysage concurrentiel. En 2024, les défaillances ont concerné des acteurs de toutes tailles. Certaines entreprises, comme Alila et NG Promotion, ont été contraintes à la liquidation. D’autres, telles que Carrère Promotion ou Réalités, ont été placées en redressement judiciaire. Parallèlement, même les leaders du secteur — à l’image de Nexity, Bouygues Immobilier ou Vinci Immobilier — ont dû engager d’importantes restructurations.

Ces difficultés s’inscrivent dans un contexte où le nombre de défaillances d’entreprises dans le secteur de la construction a augmenté de 35% en 2023 par rapport à 2022. Pour les promoteurs immobiliers spécifiquement, l’Observatoire du Crédit Logement/CSA a relevé que près d’un quart des acteurs régionaux et locaux ont significativement réduit ou cessé leur activité depuis 2022.

L’avantage compétitif des grands promoteurs immobiliers

Dans ce contexte difficile, les dix premiers groupes de promoteurs immobiliers – déjà à la tête de la moitié du marché – voient leur position se renforcer. Leur solidité financière, leur capacité à se diversifier et leurs liens étroits avec les banques ou les grandes foncières leur donnent un avantage compétitif décisif. Le rapport de force entre les acteurs du marché s’est nettement renforcé ces dernières années. En 2019, les 10 premiers promoteurs immobiliers concentraient déjà 48 % du marché. Mais, selon les estimations de Xerfi, leur part est montée à 56 % en 2024.

Certains grands promoteurs immobiliers, comme Nexity ou Altarea, adoptent une logique de plate-forme intégrée allant de l’aménagement à la gestion. Nexity, par exemple, a développé une stratégie “multi-métiers, multi-produits, multi-services” qui lui permet de capter l’intégralité de la chaîne de valeur immobilière, de la promotion à la gestion locative, en passant par les services aux occupants.

Des stratégies différenciées face aux mutations du marché

Les grands promoteurs immobiliers développent des stratégies distinctes pour tirer parti des mutations structurelles du marché.

“La crise accélère la différenciation stratégique des acteurs,” souligne Vincent Desruelles. “Certains promoteurs immobiliers misent sur des positionnements très spécifiques, comme la stratégie bas-carbone ou les opérations de réhabilitation emblématiques, pour se démarquer dans un marché en profonde mutation.”

Ainsi, Redman se distingue par sa stratégie bas-carbone, avec l’objectif affiché d’atteindre la neutralité carbone pour toutes ses opérations d’ici 2030. Emerige, de son côté, mise sur des opérations de réhabilitation à forte valeur symbolique. Parmi les projets phares, on peut citer la transformation de l’ancienne poste du Louvre, à Paris. Ce bâtiment emblématique a été reconverti en un complexe mixte regroupant un hôtel 5 étoiles, des bureaux, des commerces et des logements.

À l’inverse, les promoteurs immobiliers régionaux et indépendants peinent à résister face aux contraintes accrues de financement et aux exigences techniques toujours plus élevées, notamment en matière environnementale avec la RE2020.

Stratégies d'adaptation des promoteurs immobiliers
Stratégies d’adaptation des promoteurs immobiliers

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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