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Logement

Comment réussir la transformation de bureaux en logements en France ?

Comment réussir la transformation de bureaux en logements en France ?

Face à la vacance croissante des bureaux, notamment en Île-de-France, la ministre du Logement Valérie Létard dévoile un plan d’envergure pour soutenir la transformation de bureaux en logements. Ce dispositif vise à revitaliser les quartiers délaissés, optimiser l’usage des surfaces construites et répondre à l’urgence du logement. En Île-de-France, plus de 5 millions de mètres carrés de bureaux sont inoccupés. Ce potentiel pourrait générer jusqu’à 70 000 nouveaux logements. Quelles mesures concrètes sont prévues ? Quels obstacles freinent cette mutation ? Ce plan trace la voie d’une réinvention urbaine durable.

Sommaire :

Transformation de bureaux en logements : un gisement urbain sous-exploité

Un stock de bureaux vacants en forte croissance

En Île-de-France, plus de 5,2 millions de mètres carrés de bureaux sont aujourd’hui inoccupés. Cela représente près de 15 % du parc tertiaire régional, un niveau jamais atteint auparavant. À cela s’ajoutent 4 millions de mètres carrés supplémentaires vacants dans les autres régions françaises.

Au total, la France cumule ainsi plus de 9 millions de mètres carrés de bureaux inutilisés. Ce chiffre illustre l’ampleur du phénomène de vacance immobilière dans le secteur tertiaire.

Or, ce stock constitue un gisement important, encore largement sous-exploité. Il représente une opportunité unique pour repenser l’usage de ces surfaces, notamment à travers la transformation de bureaux en logements. Dans un contexte de crise du logement et de raréfaction du foncier, cette ressource disponible pourrait être mobilisée pour répondre à des besoins croissants, en particulier en milieu urbain dense.

Vacance des bureaux en France
Vacance des bureaux en France

Cette vacance s’explique par une mutation des usages du travail : essor du télétravail, nouvelles pratiques managériales, réduction des surfaces par salarié, et préférence pour des espaces collaboratifs.

Une réponse à la crise du logement

Selon Valérie Létard, «transformer les bureaux vacants en logements est un levier d’action rapide pour répondre à la demande croissante, notamment celle des étudiants ». Cette déclaration souligne l’enjeu prioritaire du plan : réagir vite face à une pression immobilière de plus en plus forte, surtout dans les grandes métropoles.

En effet, la demande de logements ne cesse d’augmenter, en particulier chez les publics jeunes et mobiles comme les étudiants, mais aussi chez les jeunes actifs. Or, les projets de construction neuve sont souvent longs et coûteux.

La transformation de bureaux en logements apparaît ainsi comme une solution opérationnelle à court terme. Elle permet de réutiliser l’existant, sans attendre les délais d’un chantier classique. C’est dans cette optique que le plan présenté par la ministre prévoit la création de 25 000 logements dans les prochaines années. À plus long terme, l’objectif est encore plus ambitieux : atteindre jusqu’à 70 000 logements supplémentaires.

Des incitations fiscales et des outils concrets

Allègements fiscaux ciblés

Pour inciter les propriétaires à s’engager dans la transformation de bureaux en logements, le gouvernement a choisi de frapper fort sur le levier fiscal. Il prévoit ainsi une exonération de la taxe sur les bureaux pour les projets de reconversion.

Cette taxe, en vigueur notamment en Île-de-France et en région PACA, peut atteindre jusqu’à 20 euros par mètre carré. En cela, elle représente un frein économique majeur pour de nombreux investisseurs. En supprimant cette charge pour les projets de transformation, l’État entend réduire les coûts initiaux et encourager davantage d’opérations.

Comme le rappelle Valérie Létard, « nous devons lever les freins économiques à la transformation des bureaux ». Cette mesure, combinée à d’autres incitations, vise donc à rendre les opérations plus attractives et plus viables financièrement.

Une fiscalité adaptée aux collectivités

Autre mesure phare du plan : la création d’une taxe d’aménagement spécifique. Cette taxe s’appliquera aux projets de transformation de bureaux en logements. Concrètement, elle offrira aux collectivités locales une nouvelle source de financement. Grâce à cette recette, les communes pourront investir dans les équipements publics nécessaires : voirie, réseaux, espaces verts, services de proximité.

Cette mesure permet donc d’aligner les intérêts des collectivités avec ceux de l’État. En bénéficiant directement des retombées économiques des transformations, les élus seront davantage incités à soutenir ce type de projets sur leur territoire.

Bonus de constructibilité

Le plan prévoit également un outil incitatif important : les bonus de constructibilité. Concrètement, ces bonus permettent d’augmenter la surface constructible d’un projet jusqu’à 30 %. C’est un levier technique, mais redoutablement efficace. Ainsi, il offre aux porteurs de projets la possibilité de construire davantage de logements sur une même emprise foncière. Ce gain de densité améliore la rentabilité des opérations, tout en optimisant l’utilisation du sol.

En parallèle, ce dispositif permet aussi de réduire l’étalement urbain en limitant le recours à de nouveaux terrains. Ainsi, la transformation de bureaux en logements devient non seulement économiquement intéressante, mais aussi écologiquement responsable.

transformation de bureaux en logements
Mesures financières et fiscales

Une phase d’expérimentation en Île-de-France

Pour adapter les mesures à la réalité du terrain, une expérimentation pilote a été lancée en Île-de-France. Elle est placée sous la responsabilité de Marc Guillaume, préfet de région, et d’Alexandre Brugère, préfet des Hauts-de-Seine.

Cette initiative répond à un triple objectif. D’abord, accompagner concrètement les porteurs de projets de transformation de bureaux en logements. Ensuite, identifier et lever les freins administratifs qui ralentissent ces opérations. Enfin, tester de nouveaux modèles de mise en œuvre, plus souples et reproductibles à grande échelle.

Pour cela, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) a été lancé en mars 2025. Les projets retenus bénéficieront d’un accompagnement technique par les services de l’État, mais aussi de soutiens financiers spécifiques. Ces aides mobiliseront notamment les dispositifs du Fonds national d’aide à la pierre (FNAP) et ceux de la Banque des territoires.

Lever les freins réglementaires et financiers

Un cadre urbanistique assoupli

Sur le plan législatif, la proposition de loi portée par le député Romain Daubié constitue un tournant. En effet, elle vise à simplifier les démarches administratives pour accélérer la transformation de bureaux en logements.

Première avancée majeure : le changement de destination d’un bureau pourra être autorisé même si le Plan local d’urbanisme (PLU) ne le prévoit pas. Cela permettra de débloquer de nombreux projets aujourd’hui bloqués par des contraintes réglementaires locales.

Deuxième mesure essentielle : la création d’un permis de construire à destination mixte. Ce nouvel outil permettra d’intégrer, dès la conception, des logements, des commerces et des bureaux dans un même bâtiment. Il favorise ainsi la mixité fonctionnelle, répondant aux besoins des quartiers en pleine évolution.

Un financement sur mesure

Pour soutenir la faisabilité économique des projets, le gouvernement a mis en place un dispositif financier dédié : le prêt PHB 2.0 transformation écologique. Doté de 140 millions d’euros, ce prêt s’adresse en priorité aux bailleurs sociaux qui s’engagent dans la transformation écologique d’actifs tertiaires vacants en logements abordables.

Ce financement intervient en complément des autres aides publiques. Il vise à réduire les coûts liés à la reconversion, souvent élevés en raison des travaux de réhabilitation, de mise aux normes ou de performance énergétique. L’objectif est clair : faciliter l’équilibre économique de ces opérations, tout en garantissant un haut niveau de qualité environnementale.

Ce levier financier devrait également jouer un rôle d’accélérateur, en rassurant les investisseurs publics comme privés sur la viabilité des projets.

Deux groupes de travail nationaux

Parallèlement aux mesures immédiates, le gouvernement a mis en place deux groupes de travail nationaux pour approfondir les leviers d’action à moyen terme.

Le premier, baptisé groupe “financement”, est piloté par Xavier Lépine, président de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), et Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement. Leur mission : proposer des modèles économiques viables pour la transformation de bureaux en logements. Cela passe par l’analyse des coûts, des marges, et l’adaptation des outils fiscaux et financiers existants. L’objectif est de rendre ces projets plus attractifs pour les investisseurs.

Le second, le groupe “normes”, est dirigé par Laurent Girometti, Roland Cubin (Groupama Immobilier) et Julien Antoine (Bouygues Construction). Il s’attaque aux obstacles réglementaires qui freinent les reconversions : normes de sécurité incendie, isolation acoustique, accessibilité, etc. Ces aspects techniques peuvent rapidement compliquer, voire bloquer, un projet de transformation.

Les deux groupes doivent remettre leurs conclusions d’ici juillet 2025, après un point d’étape prévu en juin. Leurs travaux s’inscrivent dans la continuité du rapport remis par André Yché en juillet de l’année précédente.

L’indispensable mobilisation des territoires

Structurer l’action locale

Pour accompagner la transformation de bureaux en logements au plus près du terrain, des comités locaux seront créés. Ces instances auront pour mission de coordonner les projets à l’échelle des quartiers, en tenant compte des réalités spécifiques de chaque territoire.

Inspirés par des expériences déjà menées avec succès, notamment sur les Champs-Élysées et à La Défense, ces comités réuniront les élus locaux, les services de l’État et les acteurs de l’aménagement.

Leur rôle sera multiple : aligner les priorités des différents partenaires, partager les objectifs, anticiper les besoins en équipements publics et garantir une vision cohérente du développement urbain. Ces comités visent à assurer une transformation fluide, concertée et efficace des espaces vacants.

« La transformation des actifs tertiaires est un levier pour recréer du lien urbain », rappelle Valérie Létard.

Une mission pour La Défense

Enfin, une mission spécifique est consacrée à l’avenir du quartier de La Défense, symbole majeur de l’immobilier tertiaire français. Un groupe d’experts de haut niveau sera chargé de définir une vision stratégique pour ce territoire en pleine mutation. L’objectif est de repenser ses usages, sa fonction économique, mais aussi son intégration dans la dynamique urbaine métropolitaine.

Cette mission s’inscrira dans une concertation étroite avec les collectivités locales, le Conseil départemental des Hauts-de-Seine, ainsi que les acteurs publics et privés concernés. Elle vise à poser les bases d’un modèle de reconversion exemplaire, potentiellement duplicable à d’autres grands ensembles tertiaires en mutation.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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