La Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) dresse un constat alarmant : la crise du logement neuf s’aggrave en France. Porté par les chiffres du deuxième trimestre 2025, le rapport révèle un effondrement historique de l’investissement locatif, principalement dû à la suppression du dispositif Pinel. Dans un contexte de fragilité économique et d’instabilité politique, les ventes aux investisseurs particuliers chutent de plus de 85%. Face à cette paralysie du marché, la FPI appelle à une réponse structurelle immédiate : l’adoption sans délai du statut du bailleur privé. Quels sont les chiffres réels de cette crise ? Quelles solutions peuvent enrayer cette spirale ? C’est ce que nous allons découvrir.
Sommaire :
- Pourquoi la crise du logement neuf s’aggrave-t-elle en 2025 ?
- Quels chiffres confirment l’effondrement du secteur ?
- Pourquoi les investisseurs fuient-ils le marché locatif ?
- Le statut du bailleur privé : une mesure urgente et structurante ?
À retenir – Crise du logement neuf
- Chute historique des ventes à investisseurs : -52% en un an après la fin du dispositif Pinel.
- Production de logements en repli : les mises en vente et les autorisations stagnent malgré des besoins massifs.
- Allongement des délais d’écoulement : l’offre commerciale s’accumule, atteignant 18,7 mois de stock.
- Stabilité des prix malgré la crise : les prix restent au-dessus de 5 000 €/m², les volumes chutent.
- Appel à un statut du bailleur privé : la FPI demande une loi urgente pour relancer l’investissement locatif.
Pourquoi la crise du logement neuf s’aggrave-t-elle en 2025 ?
Une crise systémique liée à la fin du dispositif Pinel
Le retrait du dispositif Pinel, sans solution de remplacement, a profondément désorganisé l’écosystème de la construction neuve. En effet, ce mécanisme représentait à lui seul un tiers des ventes totales de logements neufs. Sa suppression brutale, intervenue début 2025, a entraîné un effondrement de 85% des ventes à investisseurs sur une base annuelle. C’est un choc inédit dans l’histoire récente de la promotion immobilière.
En effet, le Pinel permettait aux particuliers d’investir dans le neuf avec une réduction d’impôt en contrepartie d’un engagement locatif. D’une part ce système sécurisait les promoteurs, qui pouvaient lancer leurs programmes grâce à un seuil de pré-commercialisation garanti. D’autre part, les investisseurs étaient séduits par un dispositif fiscal clair et lisible. Sa disparition soudaine a provoqué un véritable trou d’air dans les carnets de commandes des promoteurs.
Privé de ce flux régulier de réservations, le marché s’est rapidement grippé. De nombreux programmes ont été gelés ou annulés, faute d’avoir atteint le seuil minimal de commercialisation. Conséquence directe : les mises en chantier ralentissent fortement. Et, ils menacent la viabilité économique de nombreux promoteurs, en particulier les PME du secteur.
En outre, ce choc ne touche pas uniquement les promoteurs. Puisqu’il frappe aussi toute la chaîne amont de la filière — bureaux d’études, architectes, constructeurs — et aggrave la crise structurelle de la production de logements locatifs privés en France.
Un climat économique et politique défavorable
La croissance molle (+0,3%), l’inflation stabilisée à 1% et la légère baisse des taux d’intérêt (3,06% contre 3,99% en 2023) n’ont pas suffi à relancer le marché immobilier. En dépit d’un contexte macroéconomique plus favorable qu’en 2023, la demande reste atone. Le pouvoir d’achat immobilier des ménages demeure contraint par le niveau élevé des prix au mètre carré et par l’absence d’incitations fiscales. Ainsi, les primo-accédants peinent à obtenir leur financement, tandis que les investisseurs préfèrent s’abstenir, faute de visibilité réglementaire.
À cela s’ajoute une incertitude politique persistante, amplifiée par une cohabitation instable et des changements fréquents de ministres du logement. Ces alternances freinent l’émergence de réformes structurantes. Les dispositifs sont régulièrement révisés, suspendus ou abrogés sans délai de transition. Ce climat nourrit une méfiance croissante parmi les acteurs économiques du secteur.
De leur côté, les promoteurs dénoncent un manque de visibilité et un empilement de normes techniques, environnementales et administratives (RE2020, ZAN, permis d’aménager complexes). Ils estiment que ces contraintes désorganisent profondément leurs modèles économiques et rendent les opérations plus longues, plus coûteuses et plus risquées.
Quels chiffres confirment l’effondrement du secteur ?
Réservations et mises en vente au plus bas
Les chiffres livrés par l’Observatoire immobilier FPI pour le 2e trimestre 2025 montrent une tendance lourde :
- Réservations totales : 21 917 logements (-16,6 % sur un an)
- Mises en vente : 17 390 logements (-17,8 %)
- Ventes au détail : 16 175 logements (-21,1 %)
- Ventes en bloc : 5 742 logements (+4,6 %, portée par des organismes HLM)
- Offre commerciale disponible : 54 142 logements (+2,8 %)

Un stock qui s’écoule difficilement
L’indicateur de délai d’écoulement atteint 18,7 mois, contre 11,4 mois en 2021, un seuil critique jamais observé depuis la crise financière de 2008. Ce chiffre mesure le temps nécessaire pour écouler le stock commercial disponible au rythme actuel des ventes. Lorsqu’il dépasse 12 mois, cela signale une déconnexion entre l’offre et la demande. À près de 19 mois, le marché est quasiment à l’arrêt. Ce ralentissement traduit un engorgement croissant : les promoteurs ne vendent plus assez vite pour pouvoir lancer de nouveaux projets.
Les conséquences sont mécaniques : moins de programmes lancés, donc moins de logements mis sur le marché à moyen terme. Le stock, pourtant disponible, reste invendu, faute d’acheteurs solvables ou incités. Cela contribue à un effet ciseaux : une crise de la demande dans le neuf coexiste avec une pénurie d’offres abordables dans l’ancien comme dans le social. Le blocage du marché immobilier s’aggrave trimestre après trimestre, nourrissant une crise structurelle du logement qui affecte les territoires urbains comme périurbains.
Pourquoi les investisseurs fuient-ils le marché locatif ?
La fin du Pinel, un choc sans précédent
Le tableau est sans appel :
- Ventes à investisseurs particuliers : 2 537 logements, soit -52,2 % en un an
- Part dans les ventes au détail : 20 %, contre 32 % en moyenne sur la dernière décennie
- Ventes à propriétaires occupants : 10 053 logements, en légère hausse de 2,1 %
Le dispositif Pinel 2025 représentait jusqu’à 45% des ventes dans certaines régions tendues (Île-de-France, PACA), selon les données consolidées de la FPI. Il jouait un rôle crucial dans la fluidité du marché, en particulier dans les zones où les besoins en logement locatif sont les plus pressants. Sans ce mécanisme, une part essentielle de la demande — celle des investisseurs particuliers — a quasiment disparu du marché.
Sa disparition laisse un vide non comblé, dans un contexte où aucun autre levier fiscal ou réglementaire ne vient soutenir l’investissement immobilier. Les dispositifs alternatifs tels que le Pinel+ ont échoué à convaincre, jugés trop contraignants et économiquement peu attractifs. Par ailleurs, la baisse du rendement locatif net dans les grandes villes, combinée à l’encadrement des loyers et à la hausse des charges de copropriété, a dissuadé les investisseurs potentiels. Résultat : l’investissement dans le neuf devient un segment délaissé, y compris dans des zones à forte tension résidentielle. Le marché attend donc une réponse politique claire pour éviter une désaffection durable du secteur privé.
Une absence de cadre fiscal incitatif
Face à la crise du logement neuf, les investisseurs hésitent de plus en plus à se positionner sur le marché. Fiscalité alourdie, encadrement strict des loyers, incertitudes sur le rendement : autant de freins qui alimentent un climat de défiance généralisé.
L’absence d’un dispositif incitatif, simple et pérenne, dissuade les ménages d’investir dans l’immobilier neuf, pourtant longtemps perçu comme une valeur refuge. Dans les zones tendues, l’encadrement des loyers limite les perspectives de rentabilité, tandis que l’augmentation des charges, la pression fiscale sur les revenus fonciers et les exigences liées à la rénovation énergétique rendent les projets d’investissement de plus en plus complexes et peu attractifs.
Sans horizon fiscal clair, la rentabilité locative s’effondre, notamment pour les profils intermédiaires qui constituaient le cœur de cible du dispositif Pinel. De nombreux investisseurs préfèrent alors se tourner vers d’autres placements financiers perçus comme plus prévisibles et moins réglementés.
« Nous avons besoin d’un cap, d’un statut pérenne pour encourager l’investissement locatif privé », alerte Pascal Boulanger, président de la FPI. Pour lui, seule une mesure structurante, intégrée à la loi de finances, permettra de rétablir la confiance et d’amorcer une nouvelle dynamique d’investissement dans le logement neuf.
Le statut du bailleur privé : une mesure urgente et structurante ?
Une proposition prête à l’emploi
Le rapport Cosson-Daubresse, remis en avril 2024 au gouvernement, recommande la création d’un statut du bailleur privé. Ce statut vise à :
- Sécuriser fiscalement les investisseurs
- Garantir une stabilité sur le long terme
- Créer une offre locative intermédiaire entre le social et le libre
La FPI insiste : cette mesure est prête, rédigée, et peut être intégrée dès la loi de finances 2026. Le rapport est consultable ici : https://www.ecologie.gouv.fr/presse/remise-du-rapport-parlementaire-relance-linvestissement-locatif-lundi-30-juin-2025
Une mesure soutenue par tous les acteurs
Au-delà des promoteurs, des bailleurs sociaux comme CDC Habitat ou In’li soutiennent ce statut. Il pourrait générer plus de 100 000 logements neufs par an, selon l’estimation du rapport Cosson-Daubresse, dont 60 000 à loyers maîtrisés, ce qui soulagerait la pression sur les zones tendues.