À l’occasion du congrès Immo de la FNAIM, Loïc Cantin, Président Fédéral FNAIM interroge le Ministre du Logement au sujet de la rénovation énergétique du parc résidentiel. Comment peut-on répondre aux objectifs de transition écologique et maintenir le calendrier de la rénovation énergétique au 1er janvier 2025 ? Quel serait alors le bon calendrier pour les travaux de rénovation en copropriété ?
Sommaire :
- Petite mise au point sur l’étendue du parc de logements concernés au 1?? janvier 2025
- Calendrier de la rénovation énergétique : en réalité, on parle de 3 calendriers qui se juxtaposent
- Appel à un plan Marshall pour accompagner la filière de la rénovation énergétique
- Financement des travaux en copropriété : nouvelles perspectives et solutions
- Débat sur le processus de décision en copropriété : vers une approche plus équilibrée
- Quel serait le bon calendrier de la rénovation énergétique en copropriété ?
Petite mise au point sur l’étendue du parc de logements concernés au 1er janvier 2025
Loïc Cantin. Le parc F et G, c’est presque 5 millions de logements au dernier recensement (4 800 000). Ce qui représente environ 200 milliards d’euros de travaux, soit 50 milliards d’euros par an. En effet, il faut considérer la totalité du parc immobilier, et pas uniquement la partie consacrée à la location ! Alors, comment pouvons-nous parvenir à cet objectif ?
Focus du Ministre sur le parc locatif
À cet effet, Patrice Vergriete, Ministre du Logement, rappelle que l’échéance du 1er janvier 2025 concerne le parc locatif classé G. Ce qui représente 646 000 logements. De plus, on en comptabilise environ 150 000 qui sont G+. C’est-à-dire déjà éligibles à l’échéance du 1er janvier 2023.
“Aujourd’hui, on est donc sur 500 000 logements éligibles à l’occasion du prochain renouvellement du bail. Cela veut dire que l’échéance sera pour certains en 2025, 2026, voire même 2027 pour ceux qui vont renouveler le bail en décembre 2024.” – Patrice Vergriete, Ministre du Logement.
À noter : les critères de décence énergétique s’appliquent à tous les nouveaux contrats de location ainsi qu’aux contrats renouvelés ou tacitement reconduits à compter de chaque échéance concernée.
Des rénovations dans 90% des logements classés G sans impliquer la copropriété
Ainsi, contrairement à Loïc Cantin, le Ministre ne semble s’intéresser qu’au parc locatif. D’ailleurs, il estime que les copropriétés ne représentent que 40% de ce parc, soit 200 000 logements. De plus, il indique que pour la plupart des logements en G, il peut y avoir des travaux sans vote de la copropriété.
Pour Loïc Cantin, c’est une vision politique et non une vision pragmatique ! Parce que pour obtenir des gains énergétiques à la hauteur des objectifs fixés, les travaux embarqués collectifs doivent être réalisés avant même d’entreprendre des travaux individuels.
Calendrier de la rénovation énergétique : en réalité, on parle de 3 calendriers qui se juxtaposent
En effet, Loïc Cantin évoque trois calendriers. Celui de l’indécence qui se juxtapose avec le calendrier des objectifs de rénovation énergétique dans les copropriétés. Et, un troisième calendrier qui correspond à l’échéance de 2050 de décarbonation de la totalité du parc de logement.
Le calendrier de l’indécence
Sur le premier calendrier de la rénovation énergétique de l’indécence, l’erreur a été de programmer l’indécence d’un logement au 1?? janvier 2025 pour les G. Car, la sanction est lourde pour les logements maintenus dans cette classe énergétique. Ils seront tout simplement interdits à la location.
Et, trois ans après, soit au 1er janvier 2028, ce sera le tour des logements dont le DPE est classé F en France métropolitaine. Enfin, la dernière échéance a lieu en 2034 : avec l’interdiction de louer des biens classés E au DPE.
Le calendrier de la rénovation énergétique en copropriété
Dans un premier temps, on aurait dû suivre le calendrier de rénovation énergétique, qui fixe les objectifs de rénovation pour les copropriétés. Rappelons que les copropriétés avec un bâtiment de plus de 15 ans doivent réaliser un audit énergétique et établir un plan pluriannuel de travaux (PPT).
Or, cette obligation entre progressivement en vigueur en fonction du nombre de lots. Et, voici les échéances prévues pour les plus de 200 lots (1er janvier 2023), plus de 50 lots (1er janvier 2024) ou moins de 50 lots (1er janvier 2025).
Le PPT vise à définir les travaux nécessaires pour la rénovation énergétique et pour atteindre un label de qualité conforme aux objectifs de l’audit. Une fois ce plan adopté, les copropriétaires peuvent décider de réaliser tout ou partie des travaux recommandés. Et, cela sur une période de dix ans. Si les copropriétaires ne retiennent pas l’ensemble des travaux proposés, ceux-ci doivent être de nouveau présentés lors de l’AG annuelle suivante. Lorsque l’AG approuve tous les travaux, le syndic doit alors obtenir et présenter plusieurs devis. Ainsi, les copropriétaires pourront choisir une entreprise.
En cela, il est crucial que les entreprises répondent à ces demandes. Une fois les devis obtenus, la réalisation effective des travaux peut alors commencer. Par exemple, pour des travaux d’isolation thermique par l’extérieur (ITE), le délai d’intervention de l’entreprise varie généralement entre 18 et 24 mois.
La décarbonation de la totalité du parc de logement à l’échéance de 2050
L’objectif de décarbonation du parc de logements d’ici 2050 consiste à éliminer complètement, les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur résidentiel. Cela s’inscrit dans le cadre plus large de la lutte contre le changement climatique.
Appel à un plan Marshall pour accompagner la filière de la rénovation énergétique
Les 200 milliards de travaux sur les quatre ans, c’est le chiffre d’affaires total du bâtiment ! Au regard du chiffre d’affaires bâtiment, entretien, rénovation dans le résidentiel qui est de 53 milliards d’euros par an. c’est- à- dire qu’il faudrait arrêter d’entretenir et de rénover notre patrimoine pour tout consacrer à la rénovation énergétique. Voilà pourquoi on ne peut pas mettre en œuvre ce plan de rénovation dans les délais inscrits.
“ Soyons réaliste. Comment on va faire ? Seules 56 000 entreprises sont qualifiées RGE sur 569 000 entreprises du bâtiment. Ainsi, les entreprises qui sont affiliées à la construction neuve n’ont pas la qualification pour faire de la rénovation énergétique. Nous devons rapidement mettre en place un plan de formation !” – Loïc Cantin.
Financement des travaux en copropriété : nouvelles perspectives et solutions
Selon Loïc Cantin, le financement des travaux en copropriété n’a jamais véritablement été un problème, surtout en matière de rénovation énergétique. Pourtant, les banques ne montraient pas d’intérêt pour les prêts destinés à ces travaux. Cependant, la situation évolue. En effet, des actions menées par la FNAIM auprès du gouverneur de la Banque de France vont changer la donne. Puisque, la position soutenue par la FNAIM a été adoptée en juin par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF).
Comment fonctionne le système ? En France, les prêts sont régis par un taux d’usure, divisé en deux catégories : les prêts immobiliers et les prêts à la consommation. En 2018, une nouvelle réglementation a été mise en place. Elle permet d’appliquer le taux d’usure des prêts immobiliers aux prêts individuels en copropriété, y compris dans les cas de prêts collectifs.
Ainsi, pour les montants supérieurs à 75 000 €, c’est le taux d’usure des prêts immobiliers, généralement plus bas et moins lucratif pour les banques, qui s’applique. Or, le HCSF a validé l’usage du taux d’usure des prêts à la consommation pour les prêts en copropriété. Cette décision lève ainsi les obstacles précédents au financement de ces travaux.
Débat sur le processus de décision en copropriété : vers une approche plus équilibrée
Actuellement, les travaux de ravalement, de rénovation et les travaux d’économies d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont votés en AG selon la majorité de l’article 25. Cette majorité absolue de la loi de 1965 tient compte de la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient présents, représentés ou absents. Cela signifie 50% des voix plus une.
Que faire lorsque la majorité requise n’est pas atteinte ? L’article 25-1 de la loi apporte une réponse sous forme de vote de rattrapage. Si un projet recueille au moins un tiers des voix, l’assemblée peut alors procéder à un second vote, cette fois selon la majorité définie par l’article 24
Débat sur l’utilisation de la majorité simple de l’article 24
Or, certains parlementaires proposent d’éliminer la passerelle pour n’adopter que la majorité simple de l’article 24. C’est, d’ailleurs, la position soutenue par le ministre. Rappelons que qu’il s’agit d’une majorité simple. C’est-à-dire la majorité des présents et des représentés et ceux qui s’abstiennent ne comptent pas. Cette majorité s’obtient si les personnes qui ont pris part au vote ont rassemblé plus de la moitié des voix.
“ Cette majorité simple implique qu’avec 100 copropriétaires, un seul présent peut décider des travaux. À la FNAIM, nous nous y opposons fermement. Pourquoi ? Cette majorité simple expose les ménages, surtout ceux à faible revenu, à des décisions prises par une minorité.” – Loïc Cantin.
Proposition de la FNAIM pour un processus de vote plus démocratique
C’est pourquoi la FNAIM suggère de revenir à l’ancienne disposition de la loi ALUR. Elle prévoyait qu’en cas de non-adoption à la majorité qualifiée, le syndic pouvait reconvoquer l’assemblée générale. En cela, cette seconde convocation permettait de délibérer à la majorité simple, protégeant ainsi les copropriétaires, surtout les plus vulnérables ou absents, d’une décision unilatérale.
“ Cette proposition vise à rétablir un processus plus démocratique et respectueux. Puisqu’elle donne aux syndics la possibilité de reconvoquer avec le même ordre du jour. Ainsi, le vote se fait à la majorité simple. Oui, cela implique plus de travail pour les syndics, mais c’est, selon nous, plus respectueux des copropriétaires.” – Loïc Cantin.
Quel serait le bon calendrier de la rénovation énergétique en copropriété ?
Selon Loïc Cantin, c’est simple, aucun calendrier de la rénovation énergétique ne peut répondre au mode de fonctionnement de la copropriété. Parce que les décisions relèvent plus de la pédagogie que de la sanction.
“ Notre métier de syndic de copropriété est mal connu et mal aimé. Pourtant, c’est à nous que revient la mission d’engager et de convaincre les copropriétaires de l’importance des travaux. Souvent, dans les immeubles, prendre une décision, comme pour un ravalement, peut prendre jusqu’à dix ans. Imposer un calendrier fixe paraît donc idéaliste. Il s’agit plutôt d’un travail d’accompagnement, de pédagogie et d’incitation, plutôt que de sanction.” – Loïc Cantin.
La problématique du calendrier de la rénovation énergétique et de l’indécence
La critique principale concerne le calendrier de l’indécence. Actuellement, la sanction prévaut sur l’incitation, ce qui n’est pas une approche efficace. De plus, ce calendrier, jugé indécent, crée des tensions au sein des copropriétés. Il oppose les propriétaires dont les logements sont classés comme indécents à ceux qui envisagent de vendre, créant des conflits et des incompréhensions. Notamment entre ceux qui possèdent des logements classés différemment, par exemple, un G et un E.
La souveraineté de l’Assemblée Générale en Copropriété
On ne peut pas imposer un calendrier dans un processus qui relève de la décision des copropriétaires. L’assemblée générale en copropriété est souveraine dans ses choix. Les PPT (plans pluriannuels de travaux) sont mis en place, les travaux sont chiffrés, mais c’est aux copropriétaires de décider et de financer ces travaux. Cela prend du temps et ne peut pas être dicté par le calendrier de la rénovation énergétique.
> Consulter notre article sur : “Crise de l’immobilier : Loïc Cantin, président de la FNAIM face au Ministre du logement”