L’approvisionnement énergétique des états européens est en jeu. Il nous faut repenser notre mode de consommation énergétique pour devenir plus indépendants de certains acteurs étrangers, tels que la Russie. Dans un avenir très proche, il nous faudra repenser l’usage que nous faisons des véhicules thermiques. François Gatineau, président de Mobileese apporte son expertise sur les changements en termes de mobilité électrique que cette nouvelle configuration géopolitique impliquera.
Impact du conflit russo-ukrainien sur l’approvisionnement énergétique
Dans ce contexte d’envahissement de l’Ukraine par la Russie, une perspective des changements énergétiques est à prévoir pour les prochaines semaines. Ainsi, nos modes de consommation et nos moyens de transports sont directement impactés par un changement radical d’approvisionnement énergétique.
Nous ne pouvons demeurer neutres face à ce conflit. Et, la France, tout comme les autres puissances occidentales, a déjà pris de nombreuses mesures pour sanctionner la Russie. C’est une arme capitaliste que l’Union européenne brandit face à Vladimir Poutine, challengeant, encore une fois, le fragile équilibre mondial.
En coupant ses échanges économiques avec la Russie, la France va donc devoir s’adapter au plus vite à cette nouvelle configuration géopolitique. Tout en ne souffrant d’aucune faille dans son soutien pour l’Ukraine. À court terme, la fin de ces échanges avec la Russie va impliquer un changement majeur dans nos consommations en énergie. Ce qui pourrait accélérer par là-même la transition énergétique.
La question de l’indépendance énergétique
C’est dans un mouvement presque unanime que les entreprises présentes sur le territoire se retirent de Russie. Ainsi, les accords établis avec cette dernière se désagrègent. Chacune voulant apporter son soutien à l’Ukraine en affaiblissant la puissance russe. Or, pour le moment, c’est majoritairement via son économie que la Russie est sanctionnée.
L’intention est louable, il serait tout simplement impossible d’agir autrement. Toutefois, nous devons considérer les impacts économiques que cette guerre produira et produit déjà en France.
L’inflation des prix du pétrole se répercutent directement sur les prix de l’essence. Or, cette ressource est originairement fournie par la Russie. C’est avec certitude que nous pouvons donc affirmer, devoir, transformer radicalement notre mode de consommation et nos modes de déplacements dans les prochains mois.
Il nous faut nous tourner vers une meilleure maîtrise de notre autonomie énergétique, au risque de devoir radicalement réduire notre consommation. C’est lors de son allocution télévisée du mercredi 2 mars 2022 que le président Emmanuel Macron a, en effet, annoncé :
“ Nous ne pouvons plus dépendre des autres, et notamment du gaz russe, pour nous déplacer, nous chauffer, faire fonctionner nos usines.”
Voilà pourquoi, après avoir décidé, pour la France, le développement des énergies renouvelables et la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il défendra une stratégie d’indépendance énergétique européenne.
En ce qui nous concerne, cela implique deux choses. Certes, il nous faut changer nos habitudes de déplacement. Mais, nous devons également autonomiser davantage notre approvisionnement énergétique. Voyons cela plus en détail.
Changer les usages, changer la mobilité
Dans un premier temps, nous allons devoir revoir la manière dont nous utilisons nos véhicules. Ce que nous avons, bien évidemment, déjà commencé à faire dans une moindre mesure. Quand nous nous déplaçons, nous réfléchissons plus qu’auparavant au moyen de transport que nous empruntons. Nous réfléchissons davantage à l’intérêt du déplacement que nous faisons et à son obligation.
Nos habitudes de déplacement et leur nécessité font donc l’objet d’une première réflexion. C’est ce que l’on appelle la « sobriété énergétique ». Autrement dit, la réduction des consommations d’énergie par des actions réfléchies et volontaires.
L’énergie principale que nous ciblons ici est l’énergie produite par les véhicules thermiques. La fin de l’usage des véhicules thermiques se profile déjà depuis quelques années. D’ailleurs, la France est engagée dans une transition énergétique vers les véhicules électriques.
Mais, cet engagement va très probablement devoir se durcir à la vue du contexte politique actuel. L’urgence de la transition est dorénavant inévitable.
Recycler ce que l’on a, plutôt qu’importer ce que l’on n’a pas
Dans un second temps, il nous faudra radicalement transformer les outils et ressources que nous mobilisons pour nous déplacer. Autrement dit, nous devons de plus en plus nous tourner vers un mode de production autonome.
En effet, la coupure des relations d’importation et d’exportation avec la Russie ne se fera pas sans conséquences. En cela, nous devons nous y préparer. Parmi les grandes préoccupations naissantes de ce conflit, nous retrouvons en pole position l’approvisionnement énergétique. L’importation de ressources primaires telles que le pétrole et le gaz est en question.
Or, l’achat de véhicules thermiques perd radicalement en côte. Les acheteurs et les acheteuses commencent à se poser des questions sur leur T.C.O. : “Total Cost of Ownership”. Celui-ci était déjà bien élevé, mais il augmente encore davantage avec l’inflation des prix en station-service. Le T.C.O. des véhicules électriques devient alors meilleur que celui des véhicules thermiques.
On peut donner des exemples chiffrés. À l’heure actuelle et sur une distance de 100 km, un même conducteur consommera six litres sur une voiture thermique contre 15 KWh sur une voiture électrique. Cela correspond à une différence d’environ dix euros pour une même distance.
Ainsi, en comparant le prix à l’achat du véhicule, ce dernier, s’il est électrique, deviendrait rentable pour son acquéreur au bout de 10 000 km. En ce sens, pour aider les foyers les plus modestes à acquérir un véhicule électrique, le gouvernement pourrait fournir une aide à l’achat jusqu’à l’atteinte de ce plafond.
Le recyclage pour réduire l’approvisionnement énergétique
Pour autant, nous aurions tout de même besoin d’autres matières premières pour construire les batteries des véhicules électriques. En ce sens, des réflexions naissent déjà depuis plusieurs années sur les meilleurs moyens de ne plus dépendre de fournisseurs extérieurs. De sorte que l’on pourrait recycler les matières que nous possédons déjà.
En ce qui concerne les véhicules électriques, cela est déjà en marche. En effet, un projet de réglementation de l’Union européenne prévoit déjà de recycler une partie de leurs batteries.
On prévoit notamment un taux de recyclage s’élevant à 90 % pour le lithium. Ce dernier étant déjà à 70% aujourd’hui. De plus, pour le cobalt et le nickel, le taux de recyclage pourrait monter jusqu’à 98%. La production de futures batteries serait faite alors en partie du recyclage de ces métaux.
L’urgence de la transition vers les véhicules électriques
La baisse fulgurante de l’usage de véhicules thermiques va entraîner la recherche d’autres moyens de transport. Parmi ceux-ci, le grand privilégié sera le véhicule électrique.
Nécessitant d’autres matières premières, il permet de se débarrasser de notre dépendance à l’essence. Ainsi, le passage à l’électrique devrait être le choix le plus judicieux que nous pourrions faire dans les prochaines années.
Le conflit russo-ukrainien risque donc de rendre la transition vers l’électrique beaucoup plus rapide que prévue. Ensuite, pour ne pas nous retrouver avec plus de problèmes que de solutions, il nous faut réagir vite. C’est de toute urgence qu’il nous faut installer de nouvelles bornes de recharge. Nous ne devons pas nous trouver dans la situation où l’on manquerait d’infrastructure pour recharger le plus grand nombre de véhicules électriques.
D’autant que les capacités kilométriques des véhicules électriques sont moindres que celles des véhicules thermiques. Il faudra donc investir dans plus d’installation de bornes de recharge, afin de palier à la demande à venir.
Le contexte politique actuel va alors accentuer, sans le vouloir, la transition vers l’électrique. Les habitudes de mobilité et les moyens de transports vont se transformer. Toutefois, ce changement ne pourra pas se produire sereinement si le nombre de bornes de recharges à disposition n’augmente pas également.