Début 2021, les ménages français déclarent en moyenne 317 100 euros de patrimoine brut selon le rapport “Les revenus et le patrimoine des ménages – édition 2024” publié par l’INSEE. Mais, derrière ce chiffre se cachent de fortes disparités dans la répartition du patrimoine des ménages. En effet, la moitié des ménages possèdent moins de 177 200 euros. Quand les 10% les mieux dotés détiennent plus de 716 300 euros. Âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau de revenu… De multiples facteurs influent sur la constitution d’un patrimoine, creusant les inégalités entre les ménages. Des écarts qui soulèvent des enjeux sociaux et économiques majeurs, dans un contexte de forte volatilité des prix de l’immobilier. Décryptons, à la lumière de cette étude de l’INSEE, les ressorts de cette répartition très inégale du patrimoine des Français et ses implications.
Sommaire :
- Des écarts considérables dans la répartition du patrimoine selon l’âge et la catégorie sociale
- Les hauts patrimoines concentrent près de la moitié des richesses
- L’envolée des prix immobiliers, facteur clé des inégalités dans la répartition du patrimoine des ménages
Des écarts considérables dans la répartition du patrimoine selon l’âge et la catégorie sociale
Un patrimoine qui croît avec l’âge, puis décline après 70 ans
La répartition du patrimoine des ménages varie fortement selon l’âge. Ainsi, le patrimoine brut médian augmente jusqu’à 232 800 euros pour les 60-69 ans. Puis, il diminue à 211 500 euros chez les 70 ans et plus, en raison notamment de donations. Quant aux moins de 30 ans, ils possèdent seulement 20 400 euros en médiane.
Ces disparités dans la répartition du patrimoine des ménages s’expliquent par les capacités d’épargne qui augmentent au fil de la vie active. Mais aussi par des “effets de génération” liés au contexte économique traversé. Chaque génération a, en effet, connu des conditions économiques différentes (périodes d’inflation, crises économiques, évolution des prix de l’immobilier…) lors de ses années clés de constitution d’un patrimoine. Ce qui a pu durablement affecter sa trajectoire de richesse.
Par exemple, les générations qui ont pu devenir propriétaires quand les prix de l’immobilier étaient bas ont grandement bénéficié de l’appréciation ultérieure de la valeur de leur patrimoine. À l’inverse, les jeunes générations font face à des prix élevés et peinent à accéder à la propriété, les privant de ce puissant levier d’accumulation patrimoniale. De même, le fait d’avoir vécu une crise économique majeure pendant ses années de forte activité peut avoir un impact durable sur les revenus et la capacité à épargner et investir. Ces différences de contexte économique façonnent ainsi les trajectoires patrimoniales des générations successives.
Les indépendants bien mieux lotis que les ouvriers et employés
La catégorie socioprofessionnelle est un autre déterminant majeur de la répartition du patrimoine des ménages. Le patrimoine brut médian des agriculteurs atteint 730 800 euros et celui des indépendants 333 000 euros, avec une part importante de patrimoine professionnel.
Le patrimoine brut médian particulièrement élevé des agriculteurs (730 800 euros) peut surprendre au regard de leurs revenus souvent modestes. Ce paradoxe apparent s’explique par le poids prépondérant de leur patrimoine professionnel. En effet, les terres, bâtiments, matériel et cheptel représentent un capital important, qui se transmet souvent de génération en génération.
Cependant, ce patrimoine professionnel est difficilement valorisable en dehors du cadre de l’activité agricole et souvent grevé de dettes liées aux investissements nécessaires à l’exploitation. Il ne reflète donc pas nécessairement un niveau de vie élevé. Ainsi, si les agriculteurs figurent parmi les ménages les mieux dotés en patrimoine brut, ils ne sont pas pour autant les plus aisés en termes de revenus ou de patrimoine liquide et diversifié.
Par ailleurs, les ouvriers et employés peinent à accumuler un patrimoine conséquent (environ 95 000 euros en médiane).
Cet écart dans la répartition du patrimoine s’explique par des revenus plus faibles. Mais également par une capacité d’épargne réduite et un accès plus difficile au crédit immobilier.
Les hauts patrimoines concentrent près de la moitié des richesses
La répartition du patrimoine des ménages est marquée par une forte concentration au sommet. Les 10% les mieux dotés détiennent 47% du patrimoine brut total. Soit, 1,5 million d’euros en moyenne. Un chiffre qui monte à près de 5 millions d’euros pour les 1% les plus riches.
Ces ménages à hauts patrimoines sont souvent plus âgés (49% ont entre 50 et 69 ans). De plus, ils sont indépendants et bénéficient de revenus élevés (81 700 euros par an en moyenne). De même, leur patrimoine est aussi plus diversifié :
- 54% d’immobilier
- 23% d’actifs financiers
- 19% de patrimoine professionnel.
Les 1% les plus riches détiennent même 34% de patrimoine professionnel. Leur portefeuille est plus équilibré et potentiellement plus rentable que celui des ménages modestes, centré sur les livrets réglementés et dépôts à vue.
Pour rappel, le décile de patrimoine est une mesure statistique qui divise la population en dix groupes égaux, classés selon la valeur de leur patrimoine. Et, cela, afin d’étudier les écarts de richesse entre les segments les plus modestes et les plus aisés. Ainsi, en statistique, le 1er décile représente les 10 % des ménages ou individus ayant le patrimoine le plus faible. À l’inverse, le 10e décile correspond aux 10 % les plus riches.
L’envolée des prix immobiliers, facteur clé des inégalités dans la répartition du patrimoine des ménages
Un décrochage par rapport aux revenus qui pénalise les plus jeunes
Depuis 20 ans, la forte hausse des prix immobiliers (+2,5) par rapport aux revenus (+1,6) a mécaniquement creusé les inégalités dans la répartition du patrimoine des ménages entre propriétaires et locataires. De même, elle a dégradé le pouvoir d’achat immobilier des primo-accédants, contraints de s’endetter plus longtemps.
Un marché immobilier en perte de vitesse depuis 2021
Après des années de forte croissance, le marché immobilier montre toutefois des signes d’essoufflement depuis 2021. Puisque les prix sont en baisse et les ventes en chute. Un coup de frein qui pourrait, s’il se confirme, contribuer à terme à modérer les inégalités de répartition du patrimoine des ménages.
Conclusion
Cette analyse de l’INSEE révèle l’ampleur des inégalités dans la répartition du patrimoine des ménages français, sous l’effet de facteurs économiques, sociologiques et générationnels. Si l’envolée des prix immobiliers a joué un rôle majeur dans leur creusement, un rééquilibrage pourrait s’amorcer avec le retournement récent du marché.
Au-delà, agir sur la fiscalité de l’épargne, l’encadrement des loyers et des prix immobiliers ou encore l’accès au crédit pourrait favoriser un accès plus équitable au patrimoine. Des pistes à approfondir pour tendre vers une répartition plus juste du patrimoine des ménages.