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Copropriété

Comment simplifier les majorités en copropriété selon le GRECCO ?

Comment simplifier les majorités en copropriété selon le GRECCO ?

Les majorités de votes en copropriété constituent aujourd’hui un véritable casse-tête juridique pour les syndics professionnels et copropriétaires. Le GRECCO (Groupe de recherche sur la copropriété) vient de publier sa préconisation n°18 du 10 juillet 2025. Elle pointe du doigt une complexité croissante des règles de vote en assemblée générale de copropriété. Cette hétérogénéité des formulations législatives génère confusion et incompréhension lors des AG. Face à ce constat alarmant, les experts proposent une refonte complète du vocabulaire et une simplification drastique des articles 24 à 26 de la loi 1965. Leur solution ? Harmoniser les terminologies, intégrer directement les passerelles de votes dans les définitions des majorités en copropriété, et clarifier enfin les seuils pour faciliter la prise de décision collective.

Sommaire :

Clarifier le vocabulaire des majorités en copropriété

Une terminologie devenue illisible

Le vocabulaire des majorités en copropriété souffre d’une hétérogénéité préoccupante documentée par le GRECCO. Selon la préconisation n°18 : “Il est constaté une grande hétérogénéité des formulations retenues par le législateur et le pouvoir réglementaire au sein de la loi, du décret et de tous les textes faisant référence tant à l’unanimité qu’aux majorités lors des votes en assemblée générale.”

Les 5 formulations actuelles de l'unanimité - majorités en copropriété
Les 5 formulations actuelles de l’unanimité

Pour l’unanimité seule, le législateur utilise pas moins de 5 formules différentes dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : « unanimité », « unanimité des copropriétaires », « unanimité des voix des copropriétaires », « unanimité des voix de tous les copropriétaires », et « unanimité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat ».

Comparaison des majorités avant/après réforme
Comparaison des majorités avant/après réforme

Pour les majorités en copropriété de l’article 24 (majorité simple), le constat est encore plus alarmant avec 7 formulations différentes recensées par le GRECCO. Depuis « la majorité de l’article 24 » jusqu’à « la majorité des copropriétaires présents ou représentés » mentionnée à l’article 38-1 de la loi 1965. Cette confusion entre majorité simple, majorité absolue et double majorité complique l’interprétation des quotes-parts nécessaires.

La solution préconisée par le GRECCO

C’est pourquoi, le GRECCO recommande une harmonisation stricte : “Définir systématiquement l’unanimité comme « l’unanimité des voix de tous les copropriétaires » en lieu et place des formulations variées.” Cette standardisation s’accompagne également d’une préconisation aux praticiens : “le syndic doit éviter toute référence à « l’unanimité des présents ou des représentés », ou encore des « voix exprimées » qui ne se réfère à aucune majorité légale.”

Pour les majorités en copropriété, la recommandation est claire : “renvoyer systématiquement à « la majorité prévue à l’article 24 » et modifier en conséquence les dispositions utilisant d’autres formulations.”

Intégrer les passerelles dans les majorités en copropriété

Le mécanisme actuel des passerelles

Le système actuel des majorités en copropriété s’appuie sur l’ordonnance 2019 n° 2019-1101 du 30 octobre 2019. Ce dernier prévoit “obligatoirement, sous condition, un second vote immédiat au cours de la même assemblée sans avoir à convoquer une nouvelle réunion.” Une souplesse bienvenue, mais qui ne va pas sans complexité.

Le GRECCO illustre cette subtilité avec une situation réelle. Lors d’une AG où les copropriétaires présents représentent 628/1000èmes, une résolution obtient 498/1000èmes de votes favorables. Résultat ? Elle échoue à l’article 25 (majorité absolue) — car il aurait fallu au moins 501/1000èmes. Mais, elle peut être représentée immédiatement à l’article 24 (majorité simple) si elle atteint au moins le tiers de l’ensemble des voix (soit 334/1000èmes, ce qui est le cas ici).

Ce mécanisme permet de sauver certaines résolutions, évitant ainsi la paralysie des décisions. Mais, il suppose une bonne maîtrise du calcul des majorités, et une vigilance du syndic sur les règles à appliquer en temps réel pendant l’AG.

Réforme des majorités : vers une fusion des articles 25 et 25-1

Pour simplifier les règles de vote en copropriété, une réécriture de l’article 25 est à l’étude. Objectif : fusionner les actuels articles 25 et 25-1, en éliminant la double procédure complexe.

Selon le GRECCO, le nouvel article 25, alinéa 1er pourrait se formuler ainsi :

« Les décisions suivantes sont adoptées à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, à condition qu’elles recueillent au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires. »

Une rédaction qui combine en une seule formulation :

  • la majorité simple des voix exprimées (comme à l’article 24),
  • et le seuil minimal d’un tiers des tantièmes de tous les copropriétaires (hérité du 25-1).

Reprenons l’exemple déjà évoqué. Avec la nouvelle rédaction, la résolution serait directement adoptée. En effet, elle franchit la majorité des voix exprimées (315/1000èmes nécessaires), et dépasse le seuil du tiers de tous les copropriétaires (334/1000èmes requis).

Impact de la fusion des articles 25 et 25-1 sur une assemblée générale type
Impact de la fusion des articles 25 et 25-1 sur une assemblée générale type

L’article 26 : une double complexité à résoudre

Parmi les règles de vote les plus complexes en copropriété, l’article 26 se distingue par sa célèbre “double majorité”. Le GRECCO dénonce une incohérence rédactionnelle flagrante entre les articles 26 et 26-1 du Code de la copropriété :

« À la lecture attentive des deux textes, on constate que l’article 26 exige des majorités, alors que l’article 26-1 fixe un minima. »

Prenons l’exemple d’une copropriété de 11 membres. 6 copropriétaires sont présents en AG et représentent 670/1000èmes. Une résolution recueille 4 voix favorables, soit 580/1000èmes.
Résultat : échec du vote à l’article 26, car le texte exige la majorité en nombre des copropriétaires (6/11 requis), et la majorité des 2/3 des tantièmes (soit 667/1000èmes). Or, aucun de ces seuils n’est atteint, malgré une majorité apparente.

Simplification de la double majorité selon les préconisations GRECCO
Simplification de la double majorité selon les préconisations GRECCO

Pour simplifier la règle, le GRECCO recommande une rédaction unique pour l’article 26, plus lisible et cohérente :

« Les décisions suivantes sont adoptées si elles recueillent un vote favorable de la majorité en nombre des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, détenant ensemble la majorité des voix de tous les copropriétaires. »

Cette formulation aligne les conditions sur une logique unique, cohérente avec les autres articles du Code de la copropriété.

Reclasser les décisions selon leur importance

Article 24 : la majorité de principe en copropriété

L’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 constitue le socle des règles de vote en copropriété. Il énonce une règle claire :

« Les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, s’il n’en est autrement ordonné par la loi. »

Le GRECCO insiste sur l’importance de réaffirmer cette majorité de principe, souvent éclipsée par la complexité des articles 25 et 26. Il est indispensable de rappeler que :

  • L’article 24 est la règle générale.
  • Les articles 25 et 26 n’interviennent que pour des cas spécifiques, encadrés par la loi (travaux exceptionnels, modification du règlement, etc.).
Répartition des décisions par type de majorité (réforme GRECCO)
Répartition des décisions par type de majorité (réforme GRECCO)

Cette clarification éviterait les erreurs d’interprétation fréquentes lors des assemblées générales. Sont notamment concernées par cette majorité simple :

  • Les décisions courantes relatives au fonctionnement du syndicat des copropriétaires,
  • Les décisions relevant d’un texte d’ordre public (ex. : travaux obligatoires imposés par la loi ou une autorité administrative),
  • Toutes les situations pour lesquelles aucune autre majorité spéciale n’est explicitement prévue.

Vers une hiérarchisation plus lisible des majorités en copropriété

Le GRECCO propose une refonte pragmatique des règles de majorité en copropriété, avec pour objectif de simplifier les décisions en assemblée générale. Cette nouvelle architecture juridique s’inspire des pratiques en vigueur dans plusieurs pays européens, où les seuils de vote suivent une gradation logique selon la gravité ou l’impact de la décision.

Cette hiérarchisation se structure autour des articles 24, 25 et 26, chacun correspondant à un niveau d’importance croissant des décisions.

Article 24 (majorité simple) :

Majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. Elle s’applique par défaut à toutes les décisions courantes, sauf indication contraire de la loi.

Article 25 (majorité qualifiée) :

Nouvelle rédaction proposée : une décision serait adoptée si elle recueille la majorité des voix exprimées et au moins un tiers des voix de l’ensemble des copropriétaires. Seraient concernés :

  • Les délégations de pouvoir au syndic ou au conseil syndical,
  • L’autorisation accordée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux sur parties communes,
  • Les travaux de transformation, d’addition ou d’amélioration, hors travaux obligatoires.

Article 26 (double majorité renforcée) :

Le GRECCO propose une formulation unique pour clarifier l’exigence :

« Les décisions sont adoptées si elles recueillent un vote favorable de la majorité en nombre des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, détenant ensemble la majorité des voix de tous les copropriétaires. »

Seraient concernées les décisions les plus lourdes, telles que :

  • Les actes d’acquisition ou de disposition immobilière,
  • La modification ou création du règlement de copropriété,
  • La suppression du poste de gardien ou de concierge.

Ainsi, en harmonisant les règles de majorité, cette réforme éviterait les requalifications juridiques hasardeuses et réduirait le taux d’échec des résolutions liées à une mauvaise lecture des seuils requis. De plus, elle renforcerait aussi la sécurité juridique des décisions votées, en mettant fin aux subtilités mal comprises entre les articles 25, 25-1, 26 et 26-1.

Les simplifications techniques proposées

Le GRECCO recommande également des simplifications diverses souvent négligées, mais importantes :

  • Suppression de l’article 25-3 : “Il ne parait pas opportun de contraindre à proposer un emprunt collectif pour tous travaux sur parties communes”
  • Déplacement de l’article 25-2 vers l’article 25 b) pour éviter les redondances
  • Suppression de l’article 25-2-1, car il “fait double emploi avec l’article 25 b)”

Ces ajustements techniques éliminent les dispositions redondantes et clarifient le règlement de copropriété.

Les cas particuliers préservés

Dans le cadre de sa proposition de réforme des articles 24 à 26 de la loi du 10 juillet 1965, le GRECCO veille à préserver certaines protections spécifiques pour les situations sensibles, évitant ainsi toute remise en cause des équilibres existants en copropriété.

Meublés de tourisme : des restrictions possibles, mais encadrées

La location en meublé de tourisme reste un sujet sensible en copropriété. Le GRECCO confirme que le règlement de copropriété pourrait interdire cette activité à la majorité de l’article 26, alinéa I, soit à la double majorité renforcée. Mais cette interdiction est strictement encadrée :

  • Elle ne peut pas concerner un lot constituant une résidence principale,
  • Elle doit être compatible avec la destination de l’immeuble, condition essentielle pour éviter des abus ou une discrimination injustifiée.

Travaux obligatoires : priorité à l’efficacité

Pour éviter tout blocage en assemblée générale, le GRECCO insiste pour que certains travaux relèvent systématiquement de l’article 24, à majorité simple :

  • Les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble,
  • Ceux liés à la santé et à la sécurité physique des occupants,
  • Et ceux rendus obligatoires par la loi ou les règlements (ex : sécurité incendie, accessibilité, rénovation énergétique).

Cette clarification vise à sécuriser la réalisation des travaux d’intérêt général, en protégeant les syndics contre les risques de blocage systématique par une minorité de copropriétaires.

Les propositions du GRECCO ne sont pas de simples recommandations techniques. En effet, elles s’inscrivent dans une logique de réforme structurelle du droit de la copropriété. Le groupe a d’ailleurs formulé des rédactions précises des articles 24, 25 et 26, prêtes à être intégrées dans une future évolution législative.

> Préconisation du GRECCO n°18 Les majorités de votes en assemblée générale

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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