Le secteur immobilier navigue entre éclaircies et zones de turbulence. C’est ce que révèle la 7e édition des Assises Nationales du Logement et de la Ville, organisées le 17 juin 2025 à Paris. À travers les résultats du baromètre MOV[E], les professionnels livrent un état des lieux sans détour. Si le pessimisme recule légèrement (44 % contre 52 % en 2024), l’incertitude, elle, gagne du terrain (33 % contre 25 %). Basée sur une enquête menée en mai 2025 auprès de 125 acteurs clés — promoteurs, constructeurs, bailleurs, aménageurs — cette édition met en lumière cinq défis prioritaires : simplifier les normes, alléger la fiscalité, protéger le climat, relancer les ventes de logements neufs et fluidifier l’octroi des permis de construire. Entre espoirs politiques et inquiétudes persistantes, où va l’immobilier français en 2025 ?
Sommaire :
- Un pessimisme en recul, mais une incertitude grandissante
- Les cinq préoccupations majeures du secteur immobilier
- L’évolution inquiétante des ventes et permis de construire
- Défis environnementaux : progression des inquiétudes
- Digitalisation et transition : quelques motifs d’optimisme
- Les attentes prioritaires envers les pouvoirs publics
- L’impact de la nomination de Valérie Létard
Un pessimisme en recul, mais une incertitude grandissante
Les Assises Nationales du Logement et de la Ville 2025 dressent un constat contrasté. La profession oscille entre optimisme modéré et profonde incertitude. Le baromètre MOV[E] 2025 révèle que 44 % des professionnels se disent pessimistes, contre 52 % en 2024. Un recul de 8 points, qui reste insuffisant face à l’ampleur des défis.
Autre signe préoccupant : 33 % des répondants préfèrent ne pas se prononcer sur l’avenir, contre 25 % l’année précédente. Ce silence en hausse traduit une incertitude croissante, dans un contexte économique et politique instable. Selon les organisateurs, cette retenue résulte d’un “trop grand nombre d’incertitudes” qui fige la prise de décision.
Malgré le recul du pessimisme, les fondamentaux du secteur restent fragiles. La construction neuve peine à redémarrer, freinée par un environnement défavorable et un manque de visibilité. La profession attend désormais des signaux clairs de l’État pour relancer l’activité et restaurer la confiance.
Les cinq préoccupations majeures du secteur immobilier
Les Assises Nationales du Logement et de la Ville identifient précisément les priorités absolues des professionnels. Ces enjeux révèlent les blocages structurels qui freinent le développement du secteur immobilier français.
Simplification des normes : la priorité absolue
65 % des professionnels du secteur désignent l’empilement réglementaire comme le principal frein à l’activité. Une attente claire : réduire le mille-feuille administratif qui ralentit, complexifie voire bloque les projets immobiliers. Cette demande, qualifiée « de longue date », vise à fluidifier les démarches et à éviter les retards ou abandons liés à l’excès de normes.
Fiscalité et investissement locatif : des signaux d’alerte
La fiscalité du logement inquiète 64 % des répondants. Tandis que l’investissement locatif préoccupe 61 %, un chiffre en baisse (75 % en 2024) mais encore significatif. Deux enjeux étroitement liés, qui traduisent un manque de confiance dans la politique publique du logement. La profession attend notamment des mesures fortes sur le statut du bailleur privé pour restaurer l’attractivité de l’investissement.
Protection climatique : une contrainte de plus en plus pressante
61 % des professionnels pointent aussi les risques climatiques comme un facteur de blocage croissant. Des épisodes de fortes pluies, d’inondations ou d’événements extrêmes perturbent les chantiers, rallongent les délais, augmentent les coûts et génèrent des pertes de matériaux. Cette dimension environnementale impose une adaptation des pratiques et une meilleure anticipation des aléas dans la conduite de projets.
L’évolution inquiétante des ventes et permis de construire
55 % des professionnels s’inquiètent de l’évolution des ventes dans le neuf, selon le baromètre des Assises Nationales du Logement et de la Ville. En cause : la fin du dispositif PINEL+, non remplacé à ce jour, mais aussi une demande en mutation. À ce propos, le secteur s’interroge sur le manque d’incitations à construire et sur la capacité du marché à s’adapter aux besoins réels.
Des changements démographiques majeurs
L’évolution de la demande ne se limite pas à une question de volume, mais aussi de profil des ménages.
Les professionnels soulignent une transformation rapide :
- hausse des familles monoparentales,
- progression des seniors vivant seuls,
- baisse du nombre de grandes familles.
Ces évolutions exigent une offre de logements mieux adaptée : surfaces repensées, modularité, accessibilité…
Une pression politique à l’approche des municipales
À 18 mois des élections municipales, 54 % des professionnels redoutent un frein politique à la construction. Ainsi, ils pointent le risque que les maires ralentissent, voire bloquent les permis pour éviter les tensions locales. Ce cycle électoral pèse lourdement sur l’activité. Ce qui illustre une fois de plus la sensibilité de l’immobilier aux enjeux politiques locaux.
Défis environnementaux : progression des inquiétudes
Les Assises Nationales du Logement et de la Ville révèlent une montée significative des préoccupations environnementales. Plusieurs sujets connaissent une progression inquiétante.
Sobriété énergétique : une inquiétude en forte hausse
L’inquiétude liée à la sobriété énergétique bondit : 24 % en 2024, 34 % en 2025, selon le baromètre des Assises Nationales du Logement et de la Ville. Cette progression rapide et marquée révèle la difficulté croissante à :
- atteindre les objectifs 2025 de la RE2020 dans le neuf,
- et rénover efficacement le bâti ancien à des coûts acceptables, dans un contexte de tension économique.
Vacance locative : un phénomène qui s’aggrave
La vacance locative devient un enjeu majeur : 33 % d’inquiétude en 2024, 43 % en 2025. Une hausse préoccupante.
Deux causes principales :
- des logements classés G, désormais interdits à la location, que les propriétaires laissent volontairement vacants,
- des meublés touristiques de plus en plus sous-utilisés, en raison des restrictions de durée de location dans certaines communes.
Copropriétés dégradées : un cadre juridique encore flou
La situation des copropriétés dégradées continue d’alarmer les professionnels : 43 % d’inquiétude en 2024, 49 % en 2025. Cette hausse reflète les incertitudes juridiques liées à la loi Habitat dégradé d’avril 2024. Et, par ailleurs, l’attente de clarifications concrètes, malgré l’adoption récente de deux décrets spécifiques sur les grandes copropriétés en difficulté.
Digitalisation et transition : quelques motifs d’optimisme
Malgré les inquiétudes dominantes, les Assises Nationales du Logement et de la Ville identifient des sujets de confiance pour la profession immobilière.
Le numérique en marche
La digitalisation des pratiques et le BIM inspirent confiance à 34% des professionnels. Cette appropriation témoigne d’une prise en main et d’une appropriation par la filière, très prometteuses dans la perspective de l’IA. Le secteur semble prêt à embrasser la transformation numérique.
Transition environnementale intégrée
Les professionnels du secteur semblent avoir intégré les enjeux environnementaux dans leurs priorités. Selon le baromètre des Assises Nationales du Logement et de la Ville 2025 :
- 31 % citent l’adaptation au changement climatique,
- 30 % la massification de la rénovation énergétique,
- 30 % la construction bas carbone,
- et 30 % l’économie circulaire.
Ces chiffres montrent que les thèmes de la transition écologique sont désormais présents dans les esprits. La profession a franchi une étape culturelle, même si les solutions restent en cours de déploiement. En résumé : les enjeux sont compris, mais leur mise en œuvre concrète reste encore à consolider.
Les attentes prioritaires envers les pouvoirs publics
Les Assises Nationales du Logement et de la Ville révèlent trois axes d’attentes prioritaires des professionnels envers l’État et les collectivités.
Simplification et stabilité : une urgence absolue
62 % des professionnels du secteur réclament davantage de simplification et de stabilité.
Face au mille-feuille administratif, ils demandent une réduction des contraintes réglementaires et une meilleure lisibilité des compétences logement des collectivités (38 %). Objectif : fluidifier les projets et redonner de la visibilité à l’ensemble de la filière.
Relancer le parcours résidentiel
Pour redynamiser le marché, trois mesures prioritaires se dégagent :
- des aides à l’accession dans l’ancien (37 %),
- des aides à l’accession dans le neuf (34 %),
- et un renforcement des dispositifs de soutien à la construction neuve (24 %).
Une stratégie claire : réenclencher le parcours résidentiel et restaurer la fluidité du marché immobilier.
Financer la transition environnementale
Face au défi climatique, les professionnels attendent un soutien renforcé :
- 49 % souhaitent plus de dispositifs pour la rénovation énergétique,
- 37 % demandent des aides au bas carbone et à l’adaptation des bâtiments.
En effet, ces aides sont perçues comme indispensables pour accompagner la transformation du secteur et relever les défis de demain.
L’impact de la nomination de Valérie Létard
La nomination de Valérie Létard marque un tournant majeur pour le secteur. Elle remporte l’adhésion unanime des professionnels, en quête de stabilité politique et de vision à long terme. Son arrivée redonne un souffle nouveau aux Assises Nationales du Logement et de la Ville 2025.
Ainsi, les premières annonces budgétaires portées par Valérie Létard ont été bien accueillies par l’écosystème du logement. Elles traduisent une volonté d’action après plusieurs mois d’attentisme politique. Une dynamique qui pourrait amorcer une reprise, à condition de s’inscrire dans la durée.
Mais, l’avenir reste flou. Le risque de dissolution du gouvernement, régulièrement évoqué, ralentit les projections. Plusieurs chantiers essentiels restent en suspens :
- mission sur le statut du bailleur privé,
- projets de lois sur la simplification de l’urbanisme,
- la rénovation énergétique,
- la régulation du prix du foncier,
- et la pérennisation de l’encadrement des loyers.
Ces incertitudes freinent la relance et entretiennent une attente prudente. Par ailleurs, au-delà des réformes immédiates, le secteur doit relever un défi de fond. Il faut repenser la ville à l’aune des exigences environnementales et énergétiques. Or, cette transformation impose un accompagnement politique fort et un soutien financier durable, sans lesquels la transition urbaine restera à l’état de discours.