La Cour de cassation clarifie les règles de la nullité d’assignation en matière de copropriété. Dans un arrêt du 22 mai 2025 (pourvoi n°23-18.768), la troisième chambre civile établit un principe fondamental. L’imprécision dans la désignation d’un syndicat des copropriétaires ne constitue qu’un simple vice de forme. Ainsi, elle n’entraîne pas automatiquement la nullité d’assignation. Cette jurisprudence protège les droits des copropriétaires en exigeant désormais la preuve d’un grief procédural réel pour prononcer l’annulation.
Sommaire :
- Les principes jurisprudentiels de la nullité d’assignation
- L’application aux syndicats de copropriétaires
- La solution de la Cour de cassation
- Les implications pratiques pour les professionnels
- FAQ – Nullité d’assignation en copropriété
Les principes jurisprudentiels de la nullité d’assignation
La distinction entre vice de forme et irrégularité de fond
La Cour de cassation établit une distinction cruciale concernant la nullité d’assignation dans son arrêt du 22 mai 2025 (pourvoi n°23-18.768). En effet, l’imprécision dans la désignation d’une partie ne constitue qu’un vice de forme, contrairement à l’irrégularité de fond qui affecte la capacité d’ester en justice. Cette nuance juridique, fondée sur les articles 114 et 117 du code de procédure civile, s’avère déterminante pour l’issue des contentieux en copropriété.
Le défaut de capacité à ester en justice constitue une irrégularité de fond au sens de l’article 117 du Code de procédure civile. En effet, ce texte s’applique lorsqu’une partie n’a pas la personnalité juridique requise pour agir ou être attraite en justice.
Cependant, la Cour nuance cette règle. Puisqu’elle rappelle que « l’erreur ou l’imprécision dans la désignation d’une partie n’affecte pas sa capacité à ester en justice, dès lors qu’elle possède la personnalité juridique », quel que soit le nom mentionné dans l’acte.
L’exigence de preuve du grief pour la nullité d’assignation
L’article 114 du Code de procédure civile, modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, pose le principe général : “aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public”.
Cruciale pour éviter la nullité d’assignation, cette disposition ajoute que “la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief procédural que lui cause l’irrégularité”.
Cette exigence de preuve du grief constitue un garde-fou contre les exceptions dilatoires. Dans l’affaire jugée, la Cour relève que “l’arrêt retient qu’il est indifférent que le syndicat principal n’ait pu se tromper sur l’objet de la demande”. Cette approche s’inspire de la jurisprudence européenne qui privilégie l’effectivité du droit d’accès au juge sur le formalisme procédural.
L’application aux syndicats de copropriétaires
La problématique de la désignation des syndicats de copropriétaires
Dans les ensembles immobiliers complexes, régis par la loi du 10 juillet 1965, plusieurs syndicats de copropriétaires peuvent coexister. Les articles 27 et suivants encadrent cette organisation. Mais, cette pluralité complique la désignation du bon syndicat lors d’une assignation. Pendant longtemps, les parties ont invoqué la nullité d’assignation pour contester des demandes en annulation d’assemblées générales.
L’affaire examinée par la Cour de cassation en fournit un bon exemple. Le 11 février 2020, M. [E], copropriétaire, assigne “le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière”. Il ne précise pas s’il s’agit du syndicat principal ou d’un syndicat secondaire. L’assignation mentionne toutefois que le représentant est la société Agence du Golf, enseigne Chancel immobilier.
La position restrictive des juges du fond
Dans son arrêt du 11 mai 2023 (n°22/09250), la cour d’appel d’Aix-en-Provence adopte une lecture strictement formaliste. Elle estime que l’assignation d’une entité juridiquement inexistante constitue une nullité de fond, impossible à régulariser. Pour les juges, l’imprécision empêche d’identifier explicitement le véritable défendeur.
Cette décision repose sur une lecture rigoureuse de l’article 56 du Code de procédure civile. Ce texte impose de mentionner “la dénomination précise des parties”. En l’espèce, la cour reproche au demandeur de ne pas avoir précisé s’il visait le syndicat principal ou secondaire. Elle considère cette omission comme rédhibitoire.
Pour autant, cette interprétation crée un formalisme jugé excessif. Elle risque de restreindre l’accès à la justice, en contradiction avec l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit un droit effectif au recours contentieux.
La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel dans son intégralité. Elle affirme clairement que l’imprécision sur la désignation d’un syndicat de copropriétaires, dans le cadre d’une action en annulation d’assemblée générale, constitue un vice de forme. Ce défaut n’entraîne donc pas automatiquement la nullité de l’assignation.
La cour condamne solidairement le syndicat principal, la société Agence du golf et Madame [V] à verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, estimant leur défense excessive sur ce point.
Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée, pour un nouvel examen conformément à l’article 627 du Code de procédure civile.
Les implications pratiques pour les professionnels
Malgré une jurisprudence désormais plus souple, la prudence reste de mise. Les avocats doivent désigner clairement le syndicat assigné : principal ou secondaire. Pour cela, ils doivent s’appuyer sur les documents constitutifs de la copropriété et le règlement de copropriété.
Cette rigueur s’impose d’autant plus que l’article 1849 du Code civil impose l’immatriculation des syndicats. La consultation du registre national d’immatriculation permet justement d’éviter toute confusion dans la désignation du bon défendeur.
FAQ – Nullité d’assignation en copropriété
Qu’est-ce qui distingue un vice de forme d’une irrégularité de fond ?
Le vice de forme concerne une imprécision dans la désignation d’une partie qui reste identifiable, comme appeler “le syndicat des copropriétaires” sans préciser s’il s’agit du syndicat principal ou secondaire. L’irrégularité de fond affecte la capacité même d’ester en justice, comme assigner une personne décédée. Seule l’irrégularité de fond entraîne une nullité automatique selon l’article 117 du code de procédure civile.
Comment prouver l’existence d’un grief pour obtenir la nullité ?
Le défendeur doit démontrer un préjudice concret causé par l’imprécision. Par exemple, l’impossibilité de préparer sa défense ou une confusion sur l’objet de la demande. Dans l’arrêt du 22 mai 2025, la Cour a relevé qu’il était “indifférent que le syndicat principal n’ait pu se tromper sur l’objet de la demande”, prouvant l’absence de grief.
Peut-on régulariser une assignation imprécise ?
Oui, contrairement à l’irrégularité de fond, le vice de forme peut être régularisé. L’assignation peut être précisée ou corrigée si nécessaire. Cette possibilité de régularisation constitue un argument supplémentaire contre la nullité automatique selon la jurisprudence de la Cour de cassation.
Quelles précautions prendre lors de la rédaction d’une assignation ?
Il convient de désigner précisément le syndicat concerné (“syndicat principal” ou “syndicat secondaire”), de mentionner l’adresse exacte de l’immeuble, et de vérifier l’état descriptif de division. La consultation du registre d’immatriculation prévu à l’article 1849 du Code civil permet d’éviter toute ambiguïté dans la désignation.
Cette jurisprudence s’applique-t-elle à tous les types de syndicats ?
Cette solution concerne tous les syndicats de copropriétaires, qu’ils soient principaux, secondaires ou partiels, dans la mesure où l’imprécision de désignation ne met pas en cause leur existence juridique. La règle s’étend également aux autres personnes morales dès lors que leur identification reste possible malgré l’imprécision terminologique.