Le risque d’inondation en France affecte 46% des communes et 17 millions d’habitants. Ainsi, on estime que les inondations ont généré 30 milliards d’euros de dommages économiques pour les assureurs en 30 ans. Malgré cela, de plus en plus de Français achètent des biens immobiliers dans des zones inondables. Quelles sont les raisons qui incitent les acheteurs à prendre ce risque ?
Les zones inondables sont identifiées alors pourquoi y habiter ?
De plus en plus de Français achètent des biens immobiliers dans des zones inondables. Ce qui soulève des questions quant à leur niveau d’information et leur appréciation des risques encourus. Pour mieux comprendre ce phénomène, la Fondation MAIF a financé deux études menées par INRAE. Elles portent sur sept départements de l’arc méditerranéen. Ces études tendent à évaluer la valeur que les acheteurs accordent à une zone inondable. Et, cela en fonction des caractéristiques du logement, de son prix et de son environnement.
Certes, les logements en zones inondables sont moins demandés. Ils sont de fait moins chers que les biens hors zones inondables sur le marché immobilier. Selon l’étude menée par INRAE sur les prix immobiliers, les logements en zone inondable sont 10% moins chers dans la zone « Occitanie » et 21% moins chers dans la zone « Var Alpes-Maritimes ». Ces chiffres démontrent que le risque d’inondation est bien estimé dans le prix de la transaction immobilière. Toutefois, son importance est variable selon la zone géographique.
Pourtant, lorsqu’ils sont réellement informés et sensibilisés, les acheteurs sont prêts à payer davantage pour éviter de vivre en zones inondables. Cette somme varie entre 11% et 22% du prix du logement, dont la valeur moyenne de l’échantillon est de 343 000 €.
Ces résultats indiquent que l’achat d’un logement peut tenir compte des risques d’inondation. En effet, ils ont une importance considérable pour les ménages. Mais, au même niveau parfois que d’autres caractéristiques telles que la proximité des côtes et/ou des centres-villes. Aussi, on peut se demander si cette évaluation du risque d’inondation est faite à sa juste valeur.
Information sur les risques d’inondation : quels impacts sur les décisions des ménages ?
L’étude d’expérimentation par les choix montre que l’apport d’informations supplémentaires concernant les inondations a un impact sur l’évaluation du bien immobilier. En effet, les décisions changent lorsque les ménages reçoivent une information négative sur les dégâts engendrés par les inondations.
Ainsi, ils consentent à payer jusqu’à un tiers de plus que la valeur du bien pour éviter un logement en zones inondables. Ces résultats indiquent que les ménages sont sensibles à l’information supplémentaire sur les conséquences négatives des inondations.
Katrin Erdlenbruch, directrice de recherche à l’INRAE UMR CEE-M à Montpellier, souligne que les choix de résidence sont influencés par divers facteurs, tels que les caractéristiques du logement, le prix et l’environnement. Toutefois, ils font des arbitrages en estimant les avantages naturels et urbains, ainsi que les risques tels que les inondations. C’est pourquoi, les études menées permettent de mesurer le poids de chaque facteur dans la décision d’achat ou de location.
Les zones inondables : un facteur sous-estimé dans les choix de résidence
37 % des résidents déclarent habiter en zones inondables, contre 63% hors zone inondable. Cependant, selon le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), il s’avère que 53 % de ces ménages vivent en réalité dans une zone inondable.
En effet, ces résultats soulèvent plusieurs questions. Ces ménages sont-ils conscients du risque auquel ils sont exposés ? Sous-estiment-ils le danger et les dommages causés par les inondations en zones inondables ? Ont-ils été bien informés au moment de leur achat ou de leur location ?
Ainsi, fournir des informations sur le risque réel encouru pourrait améliorer la prise en compte de ce danger. Toutefois, la nature et la diffusion de ces informations restent à déterminer pour orienter convenablement le choix de résidence. Les deux études menées par INRAE apportent quelques réponses partielles à ces questions.
À cet égard, on observe que la connaissance des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) n’a pas d’effet significatif sur les choix de résidence. Alors que l’information acquéreur-locataire (IAL) conduit à une plus grande prise de conscience du risque. En cela, ces résultats suggèrent qu’une information plus personnalisée, détaillée et illustrée est plus efficace qu’une information générale et administrative comme le PPRI.
Zones inondables : comment améliorer la prise de conscience des acheteurs ?
Il faudrait pouvoir offrir des informations précises et adaptées à chaque individu. Cependant, cela serait coûteux, voire impossible à réaliser au niveau de chaque habitant. Pat ailleurs, l’information acquéreur-locataire (IAL) est plus accessible, mais les informations fournies restent abstraites.
C’est pourquoi, des initiatives collectives sont proposées pour intégrer le Programme d’Action de Prévention des Inondations (PAPI). Il s’agit notamment de mettre en place des campagnes de sensibilisation auprès des habitants par le biais d’expositions photos, de récits filmés et d’autres moyens. Ces campagnes devraient être généralisées et étendues aux collégiens, lycéens et adultes (sur les marchés, lors d’événements publics, etc.). Malgré ces efforts, il est important de poursuivre les actions ciblées afin de sensibiliser les futurs habitants.
Quelques pistes d’actions su côté des professionnels
De même, du côté des professionnels, il est possible d’envisager une formation destinée aux agents immobiliers et aux agents municipaux. Ainsi, ils pourraient être formés pour mieux encadrer les ménages lors de leur achat ou au moment de la signature des baux de location. À cet effet, un rapport d’évaluation du dispositif a souligné l’importance de veiller à ce que l’IAL soit communiqué en amont de la signature des contrats. Car, les acheteurs et locataires doivent avoir le temps d’assimiler cette information.
Enfin, les assureurs pourraient contribuer à l’information individualisée relative au risque. Ainsi, ils pourraient rappeler les informations de l’IAL dans leurs contrats, même après l’achat ou la location du logement. Cependant, sans tarification différenciée selon les zones à risque, l’impact de ces informations serait probablement limité. Une augmentation des tarifs dans les zones à risque, couplée à une communication semblable à celle de l’IAL, devrait entraîner un effet notable, y compris lors de l’achat des logements.
En conclusion, ces travaux montrent qu’une information transparente et concrète sur les conséquences réelles des inondations est nécessaire. Ainsi, grâce à une bonne connaissance des impacts liés aux inondations, les citoyens sont plus enclins à payer pour éviter de s’installer dans des zones inondables. Ce qui est extrêmement important.
“ Qu’il s’agisse de PPRI ou d’information acquéreur locataire, les pratiques sont hétérogènes. De plus, elles peuvent paradoxalement conduire à minimiser la perception des risques par les citoyens. L’information doit sans doute être plus transparente et concrète, pour favoriser des décisions éclairées.” – Marc Rigolot, Directeur de la Fondation MAIF.