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Copropriété

Vidéosurveillance en copropriété : attention au respect de la vie privée !

Vidéosurveillance en copropriété : attention au respect de la vie privée !

La vidéosurveillance en copropriété gagne en popularité. De nombreux copropriétaires se tournent vers ce système pour surveiller divers espaces : parkings, locaux à vélos et halls d’immeubles. Ces zones, souvent sujettes à des dégradations, nécessitent une vigilance accrue. Cependant, l’installation de la vidéosurveillance soulève des défis importants. L’un des principaux enjeux réside dans le juste équilibre entre sécurité et vie privée. Des lois strictes encadrent cette balance. Elles définissent les limites et les conditions d’utilisation des caméras. Parallèlement, la jurisprudence, évolutive, adapte ces règles aux changements technologiques et sociétaux. Ainsi, elle assure la protection des droits individuels dans le contexte résidentiel de la vidéosurveillance. Chronique juridique de Benoit Fleury, Avocat.

Sommaire :

Principe de respect de la vie privée dans les copropriétés

La vidéosurveillance en copropriété soulève cependant des questions importantes. Au cœur de ces interrogations se trouve un enjeu majeur : la recherche d’un équilibre délicat. D’un côté, il y a la nécessité d’une sécurité renforcée, essentielle pour protéger les résidents et leurs biens. De l’autre, se dresse le respect impératif de la vie privée, un droit fondamental pour chaque individu. Cette balance est encadrée par des lois strictes, qui définissent les limites et les conditions d’usage des systèmes de vidéosurveillance. Parallèlement, une jurisprudence évolutive vient affiner et ajuster ces règles.

Vidéosurveillance en Copropriété
Impact de la Jurisprudence sur la Vidéosurveillance en Copropriété

Impact de la Jurisprudence sur la Vidéosurveillance en Copropriété

Que l’initiative provienne d’un copropriétaire ou du syndicat des copropriétaires, la jurisprudence rappelle régulièrement la nécessité de respecter la vie privée. En cela, elle se fonde sur l’article 9 du Code civil. Ce dernier énonce clairement que :

“ Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures. Telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. ”

Cas de jurisprudence et installation illicite par un copropriétaire

Ainsi, l’installation par un copropriétaire sur son lot, en dehors de tout consentement des autres membres du syndicat, d’un système de vidéosurveillance constitue un trouble manifestement illicite. Cela est notamment le cas lorsque l’installation entrave le libre exercice des droits des autres copropriétaires sur les parties communes.

Dans ce cas, une dépose de l’installation de vidéosurveillance peut être ordonnée. Dans cette affaire que nous citons, un projecteur et un détecteur de présence avaient été installés par un copropriétaire sur le mur d’enceinte de sa propriété. Il souhaitait ainsi éclairer un chemin en partie commune. Toutefois, cette vidéosurveillance filmait une fraction des parties communes, sans l’autorisation de l’assemblée générale. > Cass. 3ème civ., 11 mai 2011, n° 10-16.967.

Évolution des lois et leur impact sur la Vidéosurveillance en Copropriété

De même, l’assemblée générale des copropriétaires qui envisage d’installer un système de vidéoprotection doit respecter ces principes pour déterminer la majorité applicable. Or, ces règles ont évolué avec les réformes législatives, affectant la majorité requise pour de tels travaux.

En effet, les lois telles que la loi n° 2006-872 (loi ENL) et la loi n° du 24 mars 2014 (loi ALUR) ont modifié la majorité nécessaire pour l’adoption de travaux liés à la sécurité et la santé des occupants.

Antérieurement, ces travaux exigeaient l’obtention de la double majorité de l’article 26 avant que la loi ENL ne les transfère au sein de l’article 25 n. Puis la loi ALUR est intervenue pour les soumettre à la majorité simple de l’article 24.

Cependant, il convient d’articuler ces modalités de vote avec les dispositions de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Notamment en ce qui concerne les atteintes aux modalités de jouissance des lots privés. Ainsi, il est précisé que :

“ L’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété.”

Analyse de décisions récentes et leurs conséquences en matière de vidéosurveillance en copropriété

La jurisprudence récente, comme celle de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, considère ces éléments et l’atteinte éventuelle portée à l’intimité de la vie privée pour déterminer la majorité requise. L’installation d’une vidéosurveillance en copropriété porte-t-elle atteinte à la vie privée des copropriétaires ? (CA Aix-en-Provence, 18 oct. 2023, n° 21/01166. Voir dans le même sens : CA Paris, 4 nov. 2009 : JurisData n° 2009-380312).

Controverse et décision de l’Assemblée Générale des Copropriétaires

En l’espèce, une assemblée générale de copropriétaires avait décidé d’installer une caméra de surveillance dans le hall de l’immeuble. La rédaction de la résolution était ainsi rédigée : “l’assemblée générale décide de faire réaliser les travaux de mise en place d’une caméra dans le hall de l’immeuble.”. Et, cette résolution avait été adoptée à la majorité de l’article 24. Pour autant, des copropriétaires opposants ont régulièrement contesté cette décision et sollicité l’annulation de la résolution.

En effet, ils soutenaient :

  • d’une part que l’immeuble était soumis à la législation des lieux ouverts au public. Ce qui rend, par conséquent, illégale, l’installation d’un dispositif de surveillance ;
  • d’autre part que ce dispositif constituait une violation de leur vie privée et portait atteinte aux modalités de jouissance de leurs parties privatives.

La juridiction de première instance a écarté le premier argument. Mais, il a fait droit à la demande des copropriétaires opposants sur le fondement du second. Car, la résolution litigieuse aurait dû être adoptée à l’unanimité.

Analyse de la Cour d’Appel et considérations sur la vie privée

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision. À cette occasion, les magistrats de la Cour d’appel ont méthodiquement rappelé le droit en vigueur. Ainsi, ils ont accueilli favorablement l’appel du syndicat des copropriétaires après avoir constaté que la caméra n’avait pas vocation à filmer les parties privatives. De fait, il ne pouvait donc y avoir d’atteinte à la vie privée des copropriétaires.

“ Que, dans la mesure où l’installation d’une vidéosurveillance concerne la préservation physique des occupants et la protection des biens et ne constitue pas une atteinte à la vie privée sous réserve de l’impossibilité de filmer les portes des appartements, les fenêtres, les balcons ou les terrasses, ou même la voie publique, la décision relative à ladite installation se vote à la majorité simple conformément aux dispositions de l’article 24 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.”

Rappel des principes juridiques par la Cour d’Appel

Les juges d’appel prennent cependant soin de rappeler qu’il en aurait été autrement si le dispositif portait atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives. Dans une telle hypothèse, l’unanimité aurait été nécessaire. Cela souligne l’importance de considérer l’impact sur la vie privée lors de l’installation de telles caméras.

Vidéosurveillance en copropriété : l’importance des détails techniques

Pour faciliter la compréhension et éviter les conflits liés à l’installation de la vidéosurveillance en copropriété, il est essentiel d’adopter une démarche transparente et informative. Lorsque l’AG des copropriétaires envisage l’installation d’un tel système, il est fortement recommandé de porter à la connaissance des copropriétaires le champ de vision des caméras envisagées. Cela permet à chaque résident de comprendre exactement quelles zones seront surveillées.

De plus, il est important de rappeler et de clarifier les conditions de mise en œuvre de la vidéosurveillance. Tels que les raisons pour lesquelles ces caméras sont installées, combien de temps les images seront conservées (généralement pas plus d’un mois), ainsi que les coordonnées du responsable de la protection des données (DPO). Ce dernier est un interlocuteur clé pour toutes les questions relatives au respect de la vie privée et des données personnelles.

En outre, la loi exige que les personnes filmées dans des espaces publics soient dûment informées. Des panneaux visibles et compréhensibles doivent être affichés de manière permanente dans les zones sous vidéosurveillance. Ces panneaux doivent inclure un pictogramme représentant une caméra, indiquant que le lieu est placé sous vidéosurveillance.

Ils doivent également mentionner les droits relatifs à la protection des données personnelles, y compris le droit de déposer une plainte auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Ainsi, en fournissant tous ces détails essentiels, l’assemblée générale des copropriétaires permet à chaque membre de prendre une décision éclairée. Elle se fonde alors sur une compréhension complète des implications de la vidéosurveillance en copropriété.

Benoit FLEURY

Benoit FLEURY

Avocat spécialisé en droit de l'immobilier et de la copropriété

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