Une question écrite du député Philippe Lottiaux, adressée au ministère du Logement, met en lumière une préoccupation croissante dans le secteur de la construction. En effet, les seuils de la réglementation environnementale 2020 (RE2020), prévus pour 2025, suscitent de vives inquiétudes parmi les professionnels du bâtiment. Cette réglementation, en vigueur depuis 2022, impose des exigences strictes pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments. Si l’objectif final de 2031 fait consensus, le palier intermédiaire de 2025 inquiète les professionnels du bâtiment. Ainsi, ils redoutent une augmentation des coûts en pleine crise du logement. Le gouvernement, tout en maintenant cet objectif, envisage des ajustements pour répondre aux réalités du terrain.
Sommaire :
- Les objectifs de la RE2020 : un cadre ambitieux pour 2031
- Pourquoi le palier de 2025 suscite des inquiétudes ?
- Les réponses du gouvernement face aux critiques du secteur
- Vers une adaptation de la RE2020 pour une transition durable
Les objectifs de la RE2020 : un cadre ambitieux pour 2031
Une réglementation au cœur de la transition écologique du bâtiment
La réglementation environnementale 2020 (RE2020) constitue un tournant majeur pour le secteur de la construction en France. Élaborée dans le cadre de la loi Elan, cette réglementation s’inscrit dans la stratégie nationale de lutte contre le changement climatique. Ainsi, son objectif principal est de réduire l’empreinte carbone des nouvelles constructions et d’améliorer la performance énergétique des bâtiments. En mettant l’accent sur l’efficacité thermique et la sobriété énergétique, la RE2020 vise à faire du secteur du bâtiment un levier clé pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Les six indicateurs clés de la RE2020
La RE2020 repose sur six piliers essentiels qui encadrent la construction et la rénovation des bâtiments :
- Consommation énergétique primaire (Cep) – Réduction des besoins énergétiques des bâtiments.
- Besoin Bioclimatique (Bbio) – Optimisation de la conception pour limiter les besoins en énergie (chauffage, refroidissement, éclairage).
- Carbone (Ic) – Réduction des émissions de gaz à effet de serre des matériaux et de l’exploitation des bâtiments.
- Confort d’été (DH) – Garantir un confort thermique lors des vagues de chaleur sans recours excessif à la climatisation.
- Efficacité des systèmes techniques – Intégration de technologies plus performantes et moins énergivores.
- Impact des matériaux (Ic construction) – Évaluation de l’empreinte carbone liée à la fabrication et au transport des matériaux de construction.
Ces indicateurs jouent un rôle clé dans l’évolution des pratiques du secteur de la construction. D’une part, ils incitent les acteurs à adopter des méthodes plus innovantes. D’autre part, ils encouragent à privilégier des matériaux bas carbone, réduisant ainsi l’empreinte écologique des bâtiments. Enfin, ces exigences poussent à concevoir des constructions plus résilientes, capables de s’adapter aux évolutions climatiques à venir.
Les étapes de mise en œuvre : 2022, 2025, 2028
La mise en œuvre de la RE2020 est prévue en plusieurs phases afin de permettre aux professionnels de s’adapter progressivement :
- 2022 – Premiers seuils de performance énergétique et environnementale pour les bâtiments neufs.
- 2025 – Renforcement des exigences, notamment sur les émissions carbone des constructions neuves.
- 2028 – Palier final avant l’objectif 2031, avec des seuils encore plus stricts pour toutes les catégories de bâtiments.
Chaque étape marque un progrès dans la réduction des émissions et l’amélioration de la performance thermique des bâtiments. L’objectif est d’accompagner le secteur vers une construction plus durable, tout en respectant les contraintes économiques et techniques.
L’importance du palier de 2025 dans l’atteinte des objectifs climatiques
Le palier de 2025 représente une étape critique dans la trajectoire de décarbonation du secteur. En durcissant les seuils relatifs à l’empreinte carbone des constructions neuves, il vise à accélérer la transition écologique. Ce jalon intermédiaire est indispensable pour assurer l’atteinte des objectifs de 2031, qui marquent la fin de la période de mise en œuvre de la RE2020.
Toutefois, cette échéance suscite des interrogations, notamment en raison de l’augmentation des coûts de construction et de l’impact sur la production de logements. Le gouvernement considère néanmoins que ce palier est essentiel pour aligner la France avec les engagements climatiques internationaux et renforcer la résilience du secteur face aux défis futurs.
Un cadre juridique structurant pour le secteur de la construction
La RE2020 s’appuie sur un cadre juridique précis qui fixe les exigences à respecter. Le décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 précise les seuils applicables pour chaque catégorie de bâtiment. En cela, il différencie les maisons individuelles, les logements collectifs et les bâtiments tertiaires. Ce décret découle directement de l’article L.171-1 du code de la construction et de l’habitation, qui habilite le gouvernement à définir les critères de performance énergétique et environnementale.
En complément, des arrêtés précisent les modalités d’application et permettent d’ajuster les seuils en fonction des retours d’expérience du terrain. Ce cadre évolutif garantit que la RE2020 reste adaptée aux réalités économiques et techniques du secteur.
Pourquoi le palier de 2025 suscite des inquiétudes ?
Un secteur déjà fragilisé par la crise du logement
Le secteur de la construction fait face à une crise sans précédent. La hausse des coûts des matériaux, les difficultés d’approvisionnement et l’inflation ont considérablement ralenti la production de logements neufs en France. Dans ce contexte, l’arrivée du palier 2025 de la RE2020, avec des seuils plus stricts sur les émissions carbone des nouvelles constructions, inquiète les professionnels.
Le député Philippe Lottiaux souligne dans sa question écrite que “cette multiplication rapide de nouvelles normes a pour conséquence une hausse des coûts de construction et fait partie des facteurs explicatifs de cette crise”.
En effet, les promoteurs et constructeurs alertent sur une augmentation estimée à 10% du coût de construction liée à l’application des seuils 2025. Cette hausse pourrait ralentir encore davantage la construction, réduisant l’offre de logements et aggravant la crise du logement.
Des exigences difficiles à anticiper pour les professionnels
Si les objectifs de la RE2020 sont clairs, les professionnels du bâtiment dénoncent un manque de visibilité sur les seuils à venir. Bien que les grandes lignes soient fixées par le décret n° 2021-1004, les ajustements précis pour 2025 ne sont pas encore totalement finalisés. Cette incertitude complique la planification des projets de construction, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui disposent de moins de ressources pour s’adapter rapidement.
60 contributions issues du secteur de la construction ont été recueillies par le ministère du Logement. Elles révèlent des difficultés concrètes :
- Accès limité aux matériaux bas carbone.
- Coût élevé des nouvelles technologies de construction.
- Complexité des démarches administratives pour répondre aux exigences de la RE2020.
Un risque pour la production de logements collectifs
L’un des secteurs les plus touchés par le palier de 2025 est celui des logements collectifs. La construction d’immeubles répond à des critères techniques complexes et les marges de manœuvre pour réduire l’empreinte carbone sont plus faibles que pour les maisons individuelles. Les promoteurs estiment que le respect des seuils de 2025 pourrait entraîner une baisse de la rentabilité des projets, retardant voire annulant certains programmes.
Le gouvernement reconnaît que le jalon 2028 entraînera des surcoûts significatifs, particulièrement pour le logement collectif. Cependant, il considère que les efforts demandés pour 2025 restent maîtrisables.
Le débat autour de l’ajournement du palier 2025
Face à ces inquiétudes, certains acteurs du secteur militent pour un report du jalon 2025 ou pour des adaptations spécifiques. Philippe Lottiaux demande si le gouvernement envisage de “permettre aux professionnels d’enjamber le palier de 2025” afin d’éviter une aggravation de la crise du logement.
Toutefois, dans sa réponse, le ministère du Logement reste ferme : le maintien du palier 2025 est essentiel pour respecter les engagements climatiques de la France. L’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 ne peut être atteint sans un effort constant dès maintenant. En revanche, des ajustements seront proposés pour alléger certaines contraintes spécifiques.
Les réponses du gouvernement face aux critiques du secteur
Une écoute attentive des professionnels du bâtiment
Face aux inquiétudes exprimées par les acteurs du bâtiment, le gouvernement a engagé un dialogue avec les professionnels afin de mieux comprendre les obstacles liés à l’application du palier de 2025. Après deux ans de mise en œuvre de la RE2020, un retour d’expérience a été mené, recueillant environ 60 contributions de constructeurs, promoteurs, architectes et bureaux d’études. Ces échanges ont permis d’identifier plusieurs difficultés pratiques, notamment en ce qui concerne les coûts de construction et l’accès aux matériaux bas carbone.
Ces consultations ont mis en évidence que, bien que la réglementation soit généralement bien acceptée, des ajustements sont nécessaires pour certaines typologies de construction. Le ministère du Logement a reconnu que les surcoûts liés au palier de 2025 seront modérés. Toutefois, il a souligné que les seuils de 2028 entraîneront des hausses beaucoup plus importantes, particulièrement pour les logements collectifs.
Des ajustements ciblés pour certaines catégories de bâtiments
Afin de garantir une application plus équitable et pragmatique de la RE2020, le gouvernement travaille actuellement sur un décret visant à adapter certaines exigences pour des cas spécifiques. Ce texte, en cours de consultation, prévoit des mesures ciblées pour alléger les contraintes des professionnels sans compromettre les objectifs climatiques.
Parmi les pistes envisagées :
- Allongement des délais de mise en conformité pour certaines typologies de bâtiments.
- Simplification des démarches administratives pour les petites entreprises du bâtiment.
- Aides financières pour accompagner les constructeurs dans l’acquisition de matériaux bas carbone.
Ces ajustements permettront de maintenir une trajectoire ambitieuse tout en prenant en compte les réalités économiques du secteur.
Un refus de repousser le palier de 2025
Malgré les demandes de certains parlementaires et professionnels, le gouvernement a réaffirmé son intention de maintenir le jalon de 2025. Dans sa réponse à Philippe Lottiaux, le ministère souligne que ce palier est indispensable pour respecter les engagements climatiques de la France et aligner le secteur de la construction sur la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).
La neutralité carbone à horizon 2050 impose des étapes intermédiaires rigoureuses. Repousser le palier de 2025 compromettrait l’atteinte des objectifs fixés pour 2031 et 2050. Le ministère insiste sur le fait que la RE2020 s’inscrit dans une logique de long terme, essentielle pour rendre le secteur plus résilient face aux enjeux environnementaux.
Un équilibre entre ambition écologique et réalités économiques
Bien que ferme sur les échéances, le gouvernement adopte une posture pragmatique en proposant des adaptations progressives pour les cas les plus sensibles. L’objectif est de préserver la compétitivité des entreprises du bâtiment tout en accélérant la transition écologique.
En résumé, la réponse du gouvernement repose sur trois piliers :
- Maintien du palier de 2025 comme jalon essentiel de la décarbonation.
- Consultation et ajustements pour répondre aux difficultés des professionnels.
- Accompagnement financier et technique afin de soutenir l’innovation et l’adoption de solutions bas carbone.
Ces mesures traduisent une volonté d’engager le secteur dans une transition durable, sans pour autant aggraver la crise du logement.
Vers une adaptation de la RE2020 pour une transition durable
Une réglementation évolutive pour répondre aux défis du terrain
La RE2020, bien que rigoureuse, se veut adaptable pour garantir une transition écologique réaliste et soutenable. Le gouvernement a clairement exprimé sa volonté de maintenir l’ambition environnementale tout en tenant compte des retours des professionnels. L’adaptation progressive des seuils, par périodes de trois ans, reflète cette approche. Ainsi, elle permet aux acteurs du bâtiment de se préparer sans rupture brutale.
Le décret attendu pour ajuster certains aspects de la RE2020 à partir de 2025 vise à éviter les blocages et à faciliter la mise en œuvre de solutions techniques innovantes. Cette flexibilité est essentielle pour préserver la dynamique de construction. En particulier dans un contexte économique marqué par la hausse des prix des matériaux et les tensions sur le marché immobilier.
Des soutiens financiers pour accompagner la transition
Pour alléger la pression sur les promoteurs et constructeurs, des dispositifs d’aide financière devraient être renforcés. Ces aides permettront d’atténuer les surcoûts liés à l’utilisation de matériaux bas carbone et à l’adoption de technologies plus performantes.
Parmi les dispositifs envisagés :
- Crédits d’impôt pour la construction bas carbone.
- Subventions directes pour les projets innovants respectant les seuils RE2020 construction.
- Accompagnement technique par des bureaux d’études spécialisés financés en partie par l’État.
Ces mesures visent à accélérer l’innovation dans le secteur, tout en maintenant la compétitivité des entreprises, grandes ou petites.
Un enjeu clé pour la neutralité carbone de 2050
Le maintien du palier de 2025 est perçu comme une étape critique vers la neutralité carbone de 2050. L’objectif n’est pas seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments neufs, mais également de transformer durablement les pratiques de construction. Ainsi, cela passe par une généralisation des matériaux recyclés, l’essor du bois dans la construction, et une meilleure prise en compte du cycle de vie des bâtiments.
Les seuils RE2020 construction de 2025 doivent servir de levier pour accélérer cette transformation. En imposant des normes strictes, le gouvernement cherche avant tout à provoquer un changement structurel dans le secteur du bâtiment. Par cette approche, il vise à transformer en profondeur les pratiques de construction. À terme, cette stratégie devrait permettre de réduire de manière significative l’empreinte carbone globale du parc immobilier français.
Une nécessaire mobilisation des acteurs du bâtiment
Si l’État joue un rôle clé dans la définition des normes, la réussite de la RE2020 repose en grande partie sur l’implication des acteurs privés. Promoteurs, architectes, bureaux d’études et industriels doivent collaborer pour développer des solutions innovantes. Des plateformes d’échange et de partage des meilleures pratiques devraient voir le jour afin de favoriser cette dynamique collective.
Des fédérations du bâtiment appellent d’ores et déjà à la création de “clusters” régionaux pour accompagner les PME, mutualiser les coûts et accélérer l’industrialisation des procédés bas carbone.
Une trajectoire à maintenir malgré les incertitudes
La mise en œuvre des seuils RE2020 construction pour 2025 représente un défi, mais aussi une opportunité de moderniser le secteur de la construction en France. Si des ajustements sont nécessaires, le maintien du cap est indispensable pour respecter les engagements climatiques.
En équilibrant rigueur environnementale et soutien économique, la France pourrait poser les bases d’un modèle exemplaire en matière de construction durable. D’une part, cette démarche contribuerait activement à la lutte contre le changement climatique. D’autre part, elle permettrait de répondre aux besoins croissants en logements, tout en les adaptant aux défis du XXIe siècle.