Depuis le 1er juillet 2025, la procédure de saisie sur salaire a connu une transformation majeure avec l’entrée en vigueur de la réforme issue de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027. Cette évolution marque un tournant dans le traitement des loyers impayés. Désormais, les commissaires de justice peuvent enclencher directement la saisie sur les rémunérations du débiteur locataire, sans passer par un juge. Cette simplification du dispositif, bien encadrée par la loi, promet un recouvrement de créances plus rapide pour les créanciers-bailleurs tout en garantissant les droits des locataires. Mais, que recouvre exactement cette réforme judiciaire ? Quelles sont les étapes, les obligations et les protections prévues ? Cet article fait le point sur ce nouveau levier de recouvrement, ses enjeux et ses limites.
Sommaire :
- Pourquoi cette réforme était-elle nécessaire ?
- Quel est le rôle du commissaire de justice dans la nouvelle procédure de saisie sur salaire ?
- Quelles sont les conditions pour initier une saisie sur salaire ?
- Quelles protections sont maintenues pour les locataires ?
- Quels sont les avantages concrets pour les bailleurs ?
À retenir – Saisie sur salaire et loyers impayés
- La saisie sur salaire ne passe plus par le tribunal, mais par un commissaire de justice.
- Un commandement de payer est obligatoire : il constitue la première étape avant toute exécution forcée.
- Les locataires conservent une protection légale : les règles de quotité saisissable et le minimum vital sont maintenus.
- Un registre national centralise les saisies : évitant les doublons et assurant la transparence des procédures.
- Les bailleurs gagnent en efficacité : ils peuvent recouvrer leurs créances plus rapidement, sans passer par un juge.
Pourquoi cette réforme était-elle nécessaire ?
Avant le 1er juillet 2025, le processus de saisie sur salaire pour récupérer un loyer impayé s’inscrivait dans un cadre procédural long, rigide et souvent coûteux. Le créancier-bailleur devait impérativement obtenir un titre exécutoire auprès du tribunal judiciaire. Une démarche qui nécessitait la saisine du juge, une audience et, dans de nombreux cas, une tentative de conciliation préalable. Une fois la décision rendue, l’exécution ne pouvait commencer qu’après la transmission du dossier au greffe du tribunal, qui se chargeait de notifier la saisie à l’employeur du débiteur via ses services internes. L’ensemble de cette chaîne pouvait s’étendre sur plusieurs mois, durant lesquels la dette locative augmentait, sans garantie de recouvrement.
Cette situation s’avérait d’autant plus problématique qu’elle touchait une grande diversité de profils de bailleurs. En particulier, elle affectait des particuliers aux revenus modestes, pour qui les loyers perçus représentent une part significative du revenu mensuel. Dans ce contexte, les conséquences d’un impayé pouvaient rapidement devenir critiques. D’autant plus que, selon les données publiées par l’INSEE, près d’un million de ménages locataires sont confrontés chaque année à des impayés locatifs. Ce constat souligne l’ampleur du phénomène et la nécessité d’y apporter des réponses adaptées.
Pour répondre à ces enjeux, la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation pour la justice (2023-2027), accompagnée de son décret d’application n°2025-125 du 12 février 2025, a profondément réformé la saisie des rémunérations. Objectif affiché : désengorger les tribunaux, fluidifier l’exécution des décisions de justice et moderniser les procédures en confiant leur mise en œuvre directe aux commissaires de justice. Désormais, ils se chargent d’exécuter la saisie sans intervention préalable du juge, sauf en cas de litige ou de contestation formelle.
Quel est le rôle du commissaire de justice dans la nouvelle procédure de saisie sur salaire ?
Le commissaire de justice devient désormais l’interlocuteur central dans l’ensemble de la procédure de saisie sur salaire. Cette réforme introduit une distinction claire entre deux fonctions essentielles qu’il peut occuper :
- Le commissaire de justice saisissant est le professionnel chargé d’initier la procédure à la demande du créancier. Il intervient dès l’apparition des impayés locatifs, rédige et signifie le commandement de payer au locataire débiteur. Puis, il assure le suivi de la phase amiable. En l’absence de réaction du débiteur dans le délai légal, il est aussi en mesure de signifier la saisie à l’employeur.
- Le commissaire de justice répartiteur est désigné parmi une liste nationale établie par la Chambre nationale des commissaires de justice. Il intervient dès lors que la saisie est effective. Concrètement, c’est lui qui veille à la bonne exécution de la procédure. Ainsi, il est chargé de contrôler sa régularité à chaque étape. Par ailleurs, il doit assurer la répartition des sommes prélevées entre les différentes parties concernées. En parallèle, il s’assure également du respect des quotités saisissables, conformément au barème légal. Enfin, il est tenu de transmettre toutes les informations utiles au créancier, au débiteur, ainsi qu’au tiers saisi, le plus souvent l’employeur.
Cette nouvelle organisation fait disparaître le rôle exécutif des greffes des tribunaux judiciaires. Seul un recours du débiteur peut à nouveau saisir le juge de l’exécution. Le créancier-bailleur, en mandatant un commissaire, enclenche une procédure entièrement pilotée par un officier public. Si le locataire ne conteste pas le commandement de payer ou ne règle pas ses dettes dans un délai d’un mois, le créancier peut alors enclencher directement la saisie sur salaire.

Quelles sont les conditions pour initier une saisie sur salaire ?
La réforme n’autorise pas la saisie automatique. Plusieurs conditions strictes doivent être respectées :
- Le bail écrit doit comporter une clause résolutoire en cas d’impayé.
- Le commandement de payer doit être resté infructueux durant un mois
- Il faut prouver l’impayé, généralement après deux loyers dus, comme le recommande la jurisprudence.
Le créancier dispose ensuite de trois mois pour faire signifier au tiers saisi (généralement l’employeur du locataire) le procès-verbal de saisie. Ce qui marque le début des retenues sur rémunération.
Quelles protections sont maintenues pour les locataires ?
Le droit au logement et la protection des revenus à caractère alimentaire sont au cœur de la réforme de la saisie sur salaire. Conformément aux principes du Code du travail et aux garanties constitutionnelles liées à la dignité humaine, plusieurs dispositifs encadrés légalement assurent un équilibre entre les droits du créancier-bailleur et ceux du débiteur locataire.
Un barème légal strictement encadré
L’article R3252-2 du Code du travail encadre strictement le montant que l’on peut prélever sur les rémunérations, en appliquant un barème progressif. Ce barème tient compte du niveau de revenu et du nombre de personnes à charge. Le calcul de la quotité saisissable se fait par tranches de revenus avec des pourcentages croissants, allant de 1/20 à 2/3, jusqu’à 100 % au-delà d’un certain plafond.
Des revenus totalement insaisissables
La loi (article L3252-3) exclut totalement de toute saisie certains revenus sociaux et prestations familiales, afin de garantir un minimum vital. Il s’agit notamment du revenu de solidarité active (RSA), des allocations familiales, de la prime d’activité, des prestations liées au handicap, ainsi que des remboursements professionnels et indemnités pour frais.
Un seuil minimal préservé pour vivre dignement
Quelle que soit la situation financière du débiteur, il ne peut jamais être privé de la totalité de ses revenus. L’article R3252-5 fixe ce seuil à un montant équivalent au RSA pour une personne seule : soit 607,75 € mensuels en 2025. Cette somme minimale insaisissable protège les locataires les plus précaires contre une saisie intégrale de leurs ressources.
Un recours toujours possible devant le juge
Le juge de l’exécution (JEX) reste compétent pour intervenir à tout moment. Le juge peut intervenir en cas de mesure abusive, de non-respect du barème légal ou si le débiteur conteste la saisie. Il peut alors ordonner une suspension de la procédure, une révision des montants saisis, voire une mainlevée dans les cas les plus sensibles.
Ces garanties visent à concilier l’efficacité du recouvrement de créances et le respect des droits fondamentaux des locataires. Elles assurent que la procédure simplifiée ne se transforme pas en voie d’exécution abusive.
Quels sont les avantages concrets pour les bailleurs ?
?Cette réforme constitue un véritable levier de sécurisation juridique et financière pour les bailleurs, en particulier les particuliers et petits propriétaires souvent démunis face aux impayés locatifs. Les nouvelles modalités de saisie sur salaire leur offrent des garanties concrètes :
Gain de temps : une procédure accélérée
En supprimant le recours préalable au tribunal judiciaire, la réforme réduit considérablement les délais. Si le commandement de payer reste sans effet pendant un mois, le créancier peut mettre en œuvre la saisie sur salaire immédiatement, sans attendre une décision du juge. Cela peut représenter un gain de 2 à 4 mois sur la procédure traditionnelle.
Effet dissuasif renforcé
La simple délivrance d’un commandement de payer par un commissaire de justice suffit souvent à inciter le locataire à régulariser sa situation, sans aller jusqu’à la saisie. Le caractère officiel et coercitif du document constitue un signal fort, bien plus percutant qu’une simple relance amiable ou lettre d’avocat.
Versements réguliers garantis
Une fois la saisie enclenchée, les retenues mensuelles sur la rémunération du locataire permettent au bailleur de percevoir des montants réguliers. Cette rente partielle sécurisée constitue un soulagement financier dans les situations d’endettement prolongé, notamment pour les bailleurs dépendant de ces revenus locatifs.
Moins de coûts procéduraux
L’économie réalisée par l’absence d’instance judiciaire permet de réduire les frais pour le bailleur. Le commissaire de justice perçoit uniquement ses émoluments, calculés selon un barème réglementé fixé par décret. Cela évite les frais d’avocat, d’huissier mandaté en audience ou de greffe.
Un registre national pour plus de transparence
En complément, le décret n°2025-125 a instauré un registre national des saisies sur rémunérations, administré par la Chambre nationale des commissaires de justice. Ce registre centralise l’ensemble des procédures en cours et permet :
- de vérifier l’unicité de la procédure sur un même débiteur ;
- d’éviter les chevauchements en cas de créanciers multiples ;
- d’assurer une traçabilité complète des saisies dans un cadre numérique sécurisé.
Ce dispositif renforce l’encadrement légal, garantit la transparence des opérations et protège le bailleur d’éventuelles erreurs ou abus de procédures concurrents.