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Changement d’usage d’habitation : quand la surface du local importe-t-elle ?

Changement d’usage d’habitation : quand la surface du local importe-t-elle ?

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt majeur sur le changement d’usage habitation. Dans sa décision du 16 octobre 2025, la 3ème chambre civile casse un arrêt de la cour d’appel de Paris. L’affaire oppose la Ville de Paris à un propriétaire et la société locataire. Ces derniers louaient un appartement en courte durée à une clientèle de passage, sans autorisation préalable. La question centrale portait sur la qualification d’un local issu de la fusion de deux lots. L’un mesurait seulement 6 m², soit moins que la surface minimale d’habitabilité de 9 m². La cour d’appel avait estimé que cette surface insuffisante empêchait de qualifier le bien comme étant à usage d’habitation. La Cour de cassation rejette ce raisonnement. Elle affirme que l’affectation effective à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 suffit. Le respect des normes de décence n’entre pas en ligne de compte. Cette décision clarifie les règles applicables aux propriétaires pratiquant la location saisonnière type Airbnb.


Sommaire :


À retenir – Changement d’usage d’habitation et location courte durée

  • L’usage effectif prime sur la surface : un local de 6 m² occupé comme habitation en 1970 reste juridiquement un logement, même s’il ne respecte pas les normes d’habitabilité.
  • La date du 1er janvier 1970 est déterminante : c’est à cette date de référence que l’on apprécie l’usage du local pour appliquer les règles du changement d’usage habitation.
  • La fusion de lots ne fait pas disparaître l’usage d’habitation : si une partie du bien était à usage d’habitation en 1970, l’ensemble reste soumis à autorisation pour la location courte durée.
  • L’amende peut atteindre 50 000 euros : propriétaires et locataires exploitants encourent cette sanction civile pour chaque local loué sans autorisation.
  • Les contrôles se renforcent : avec la loi Le Meur de 2024, les communes disposent de nouveaux outils pour sanctionner les locations touristiques illégales.

Qu’est-ce que le changement d’usage d’habitation selon la loi ?

Définition légale du changement d’usage

Le changement d’usage d’habitation désigne la transformation d’un local destiné à l’habitation en un autre usage. Cette notion est encadrée par l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation. Selon l’arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2025 (pourvoi n° 24-13.058), « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage ». Dans certaines communes, notamment Paris, Lyon ou Bordeaux, ce changement nécessite une autorisation préalable délivrée par la mairie. La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, dite loi Le Meur, a renforcé ces obligations.

La date de référence du 1er janvier 1970

La loi fixe une date clé pour déterminer l’usage d’un local. Comme le précise la Cour de cassation dans son arrêt, « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ». Cette date de référence sert de point d’ancrage pour toutes les vérifications administratives. En effet, les communes s’appuient sur cette règle pour contrôler les locations touristiques. Le changement d’usage habitation sans autorisation expose le contrevenant à des sanctions. Cette règle figure à l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

Pourquoi la surface du local ne détermine-t-elle pas son usage ?

L’affaire soumise à la Cour de cassation

L’arrêt du 16 octobre 2025 concerne un appartement parisien issu de la réunion de deux lots. Selon les constatations de la Cour, le premier lot (« porte D ») mesurait 25 m² et « était occupé au 1er janvier 1970 par la société le Select bar avec un loyer compris dans son bail commercial ». Le second lot (« porte F ») ne faisait que 6 m² mais « faisait l’objet d’un bail d’habitation au moins au 1er janvier 1970 ». La cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 26 janvier 2023, avait rejeté les demandes de la Ville. Elle estimait que « la preuve de l’usage d’habitation d’un bien d’une surface non habitable puisqu’inférieure à 9 m² ne suffit pas » à qualifier l’ensemble comme habitation.

Changement d'usage d’habitation et location courte durée

La distinction entre usage effectif et normes d’habitabilité

La Cour de cassation casse cet arrêt et tranche clairement la question du changement d’usage habitation. Elle pose le principe suivant : « L’affectation au 1er janvier 1970 du local à un usage d’habitation s’entend de l’affectation effective à un tel usage du local à cette date, peu important l’irrespect éventuel de normes de décence et d’habitabilité alors en vigueur. » Un logement de 6 m² effectivement occupé comme habitation en 1970 conserve donc cette qualification juridique. Les critères réglementaires de surface minimale (9 m² selon le décret du 30 janvier 2002) ne remettent pas en cause l’usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7.

Que se passe-t-il lors de la fusion de plusieurs lots ?

Le principe de la conservation de l’usage d’habitation

La Cour de cassation rappelle un principe jurisprudentiel établi concernant le changement d’usage d’habitation. Elle cite expressément son précédent arrêt : « Un local affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier » (3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-11.053, publié au Bulletin). Ce principe protège les collectivités contre les stratégies d’évitement. Ainsi, la fusion avec un local commercial ne permet pas de « blanchir » l’usage d’habitation initial.

Les conséquences pour les propriétaires

Cette décision n’est pas théorique : elle concerne directement les propriétaires parisiens, mais aussi ceux des autres grandes métropoles. Dans le cas examiné, le bien en cause provenait de la réunion d’un ancien local commercial de 25 m² et d’un logement de 6 m². Les juges ont considéré qu’une partie de l’espace avait conservé une vocation d’habitation à la date de référence. Par conséquent, sa mise en location pour de courtes durées relevait d’un changement d’usage nécessitant une autorisation préalable.

Le propriétaire, M. [H], ainsi que la société Thop LHK Management, ont été condamnés aux dépens et devront verser 3 000 euros à la Ville de Paris.

Quelles sanctions risquent les contrevenants au changement d’usage habitation ?

L’amende civile prévue par la loi

L’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit des sanctions sévères. Selon ce texte, cité par la Cour de cassation, « toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé ». Cette sanction frappe aussi bien le propriétaire que le locataire exploitant le bien en location touristique. Notons que depuis la loi Le Meur de 2024, de nouvelles amendes administratives s’ajoutent : jusqu’à 10 000 euros pour défaut d’enregistrement et 20 000 euros pour fausse déclaration.

Le renforcement des contrôles par les communes

Les grandes villes renforcent désormais leur arsenal contre les locations touristiques illégales. À Paris, la durée maximale de location d’une résidence principale a été abaissée à 90 jours par an depuis le 1er janvier 2025, contre 120 auparavant. Les plateformes comme Airbnb doivent aussi contrôler les numéros d’enregistrement et suspendre automatiquement les annonces qui ne respectent pas les règles. À Bordeaux, la mise en place d’un registre local a déjà permis de repérer 1 200 logements non déclarés en seulement six mois. Partout, le non-respect des règles de changement d’usage entraîne désormais des poursuites systématiques.

Quelles leçons tirer de cet arrêt sur le changement d’usage d’habitation ?

Une clarification bienvenue pour les acteurs du marché

Cet arrêt de la Cour de cassation clarifie les règles du changement d’usage habitation. Le message est clair : l’usage effectif d’un local en 1970 prime sur sa surface. Un propriétaire ne peut plus prétendre qu’un lot de moins de 9 m² échappe à la réglementation. Dès lors qu’un bail d’habitation existait à la date de référence, le local reste soumis aux règles du changement d’usage. Cette interprétation renforce le pouvoir des communes face aux locations touristiques non autorisées. Elle s’inscrit dans le durcissement général apporté par la loi Le Meur du 19 novembre 2024. Concrètement, la Ville de Paris devrait obtenir gain de cause lors du nouveau procès en appel.

Les précautions à prendre avant de louer en courte durée

Avant de mettre un logement en ligne sur une plateforme, il est essentiel de vérifier son statut au regard du changement d’usage. Le propriétaire doit notamment confirmer l’usage du local au 1er janvier 1970, en consultant les archives cadastrales, les anciens baux ou encore les actes notariés. Dans les zones tendues, un DPE classé au moins E est obligatoire depuis novembre 2024. Si un doute subsiste sur l’usage historique du bien, mieux vaut déposer une demande d’autorisation préalable. Cette formalité coûte peu au regard des amendes pouvant atteindre 50 000 euros.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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