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Encadrement des loyers : jusqu’où peut aller la régulation en 2026 ?

Encadrement des loyers : jusqu’où peut aller la régulation en 2026 ?

L’encadrement des loyers, un outil clé de régulation du marché locatif, vient d’être reconduit jusqu’au 31 juillet 2026 par le décret n° 2017-1198 modifié, publié au Journal officiel. Issu de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ce dispositif s’applique aux zones dites “tendues”, où l’accès au logement est particulièrement difficile. L’analyse de ce décret met en lumière les modalités concrètes de plafonnement des loyers, les exceptions possibles, ainsi que les enjeux sociaux et économiques qui en découlent. Cet article décrypte les mécanismes de cette mesure de régulation du marché locatif, les territoires concernés et les perspectives pour les bailleurs et locataires en 2026, avec une attention particulière portée sur l’impact réel de l’encadrement des loyers.


Sommaire :


À retenir – Encadrement des loyers : reconduction et règles clés en 2026

  • Reconduction jusqu’au 31 juillet 2026 du dispositif dans les zones tendues, avec publication au JO le 17 juillet 2025.
  • Les logements classés F ou G sont exclus des hausses de loyers, sauf après travaux.
  • La hausse est strictement encadrée, sauf en cas de travaux significatifs ou si le loyer est manifestement bas.
  • Un plafonnement expérimental plus strict reste en vigueur dans 72 communes, jusqu’au 23 novembre 2026.
  • Une proposition de loi vise à pérenniser ce plafonnement, dont l’avenir dépend des débats politiques et d’un rapport attendu en 2026.

Quel est le cadre légal de l’encadrement des loyers en 2026 ?

Un dispositif régi par la loi n° 89-462 et ses décrets

L’encadrement des loyers s’inscrit dans une stratégie de régulation du marché locatif initiée par le législateur avec la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, relative à l’amélioration des rapports locatifs. Cette loi constitue le socle juridique des relations entre bailleurs et locataires en France. En cela, elle pose les principes fondamentaux de protection du locataire tout en préservant les droits des bailleurs.

L’article 18 de cette loi permet au gouvernement de définir par décret les modalités de plafonnement des loyers, dans certaines zones où l’accès au logement est particulièrement difficile. C’est dans ce cadre que s’inscrit le décret n° 2017-1198 du 27 juillet 2017, modifié à plusieurs reprises, notamment par le décret n° 2025-652 du 15 juillet 2025, qui prolonge son application jusqu’au 31 juillet 2026.

Le décret encadre l’évolution des loyers lors d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail. Il interdit toute hausse abusive. Toutefois, il autorise une augmentation dans des cas précis, par exemple lorsqu’un bailleur réalise des travaux ou lorsqu’une sous-évaluation manifeste est constatée.

Le dispositif concerne à la fois les logements nus et les meublés loués comme résidence principale. Les pouvoirs publics le reconduisent régulièrement, afin de montrer leur volonté de contenir la hausse des loyers, surtout dans les métropoles et les grandes villes françaises.

Zones tendues : une réponse au déséquilibre du logement

Le périmètre d’application de ce dispositif est défini par la notion de zone tendue, introduite par la loi ALUR de 2014 et précisée par le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013. Ces zones correspondent à des aires d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants. Dans ces territoires, on constate un déséquilibre manifeste entre l’offre et la demande de logements. C’est pourquoi le législateur les classe dans la catégorie des zones tendues.

Plus précisément, trois critères définissent une zone tendue :

  • une hausse rapide des loyers,
  • une faible vacance de logements,
  • un taux élevé de ménages en attente d’un logement social.

Actuellement, environ 1 150 communes sont classées en zones tendues. Elles représentent la majorité des grandes agglomérations françaises : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux, etc. Ces zones sont aussi celles où s’applique la taxe sur les logements vacants, un autre indicateur de la tension locative.

Ce dispositif s’inscrit dans une politique globale du logement. Il vise à garantir le droit au logement et à favoriser la mobilité résidentielle. En même temps, il cherche à empêcher les dérives spéculatives sur les loyers. Il répond aussi à une urgence sociale croissante, surtout en milieu urbain, où les prix du parc privé deviennent inaccessibles pour de nombreux ménages.

Quels logements sont concernés ou exclus par le dispositif ?

Un champ large : logements nus et meublés

Le décret n° 2017-1198, dans sa version modifiée applicable du 1er août 2025 au 31 juillet 2026, couvre l’ensemble des locations à usage de résidence principale, qu’il s’agisse de logements vides ou meublés. Cette précision élargit la portée du dispositif à la majorité du parc locatif privé situé en zone tendue.

L’article 2 de la loi n° 89-462 définit la résidence principale comme le logement occupé au moins huit mois par an par le locataire. Cette définition exclut les locations saisonnières, les logements de fonction et les résidences secondaires. L’obligation concerne donc tous les bailleurs privés, qu’ils soient particuliers, sociétés civiles immobilières (SCI) ou professionnels de l’immobilier.

Le décret couvre deux situations clés :

  • La mise en location d’un logement vacant, autrement dit un logement proposé à la location après le départ du précédent locataire (articles 2 à 4 du décret).
  • Le renouvellement d’un bail existant, lorsqu’un locataire reste dans les lieux et que le contrat est reconduit (article 5).

Dans les deux cas, le bailleur ne peut pas fixer librement un nouveau loyer s’il ne respecte pas les conditions définies dans le décret. L’objectif est d’éviter les hausses brutales et de garantir une certaine prévisibilité pour les locataires, tout en stabilisant le marché locatif dans les territoires où les tensions sont les plus fortes.

Notons que le décret ne remet pas en cause les compléments de loyer dans le cadre du plafonnement expérimental (loi ELAN). Le bailleur peut appliquer des loyers plus élevés, mais il doit les justifier par des caractéristiques exceptionnelles du bien, comme la vue, la localisation ou encore les services proposés. Malgré cette possibilité, le préfet ou le juge contrôle toujours ces majorations pour éviter les abus.

Des exclusions ciblées pour favoriser la rénovation énergétique

Depuis le 24 août 2022, une disposition introduite par le décret n° 2022-1079 exclut de ce dispositif les logements classés F ou G au diagnostic de performance énergétique (DPE). En effet, cette mesure vise à lutter contre les passoires thermiques et à inciter les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique avant de pouvoir envisager une revalorisation du loyer.

Selon le code de la construction et de l’habitation, un logement classé F ou G consomme plus de 330 kWh/m²/an d’énergie primaire, ce qui en fait un bien énergivore et souvent inconfortable. L’interdiction concerne :

  • les revalorisations de loyers au moment de la relocation,
  • les augmentations lors du renouvellement de bail,
  • et ce, même si le loyer est manifestement sous-évalué.

Depuis le 1er juillet 2024, l’interdiction s’étend aux départements d’outre-mer (DOM). Le législateur a ainsi considéré les spécificités climatiques et sociales de ces territoires, souvent plus exposés à la précarité énergétique.

Toutefois, seuls des travaux permettant de sortir le logement de la catégorie F ou G redonnent au bailleur le droit d’augmenter le loyer, dans les limites autorisées. Ce lien direct entre encadrement des loyers et performance énergétique marque une évolution majeure de la politique du logement, en associant régulation économique et transition écologique. En revanche, l’exclusion ne concerne pas les logements classés de A à E. Ceux-ci restent intégralement soumis au dispositif, quel que soit leur âge, leur état ou leur mode de location.

Logements exclus de l’encadrement
Logements exclus de l’encadrement

Comment les hausses de loyers sont-elles encadrées ?

Encadrement en cas de relocation

Lorsqu’un logement devient vacant, le bailleur ne peut pas fixer librement un nouveau loyer pour le prochain locataire si le bien se situe en zone tendue. C’est le principe central de l’encadrement des loyers dans ces zones.

Le bailleur ne peut pas fixer un nouveau loyer supérieur à celui appliqué au précédent locataire. Toutefois, si aucune révision annuelle n’a été effectuée, il peut alors ajuster le loyer en fonction de l’Indice de Référence des Loyers (IRL) publié par l’INSEE. Ce mécanisme d’actualisation limite les effets d’aubaine où un bailleur pourrait profiter du départ d’un locataire pour opérer une hausse importante.

Exemple :

Prenons un exemple concret. Si un logement était loué 800 € par mois et que le bail n’a pas été révisé depuis deux ans, le bailleur peut réévaluer ce montant en fonction de l’évolution de l’IRL, qui a récemment progressé d’environ +3,5% par an. Dans ce cas, le nouveau loyer peut atteindre environ 858 € par mois. L’article 3 du décret n° 2017-1198 fixe cette règle. Il précise aussi que la date de signature du nouveau bail doit correspondre à la date du dernier indice IRL connu pour calculer correctement l’ajustement.

Dérogations possibles en cas de travaux ou sous-évaluation

Le décret prévoit trois exceptions majeures à ce plafonnement, dans les articles 4 et 5 du texte.

1. Travaux d’amélioration ou de mise en conformité

Si le bailleur a engagé des travaux portant sur les parties privatives ou communes, pour un montant au moins égal à 50% du loyer annuel, il peut majorer le loyer de 15% du coût réel TTC des travaux.

Exemple : Pour un loyer annuel de 10 000 €, des travaux de 5 000 € permettent une augmentation maximale de 750 €/an (62,50 €/mois).

Ces travaux doivent améliorer la décence du logement, telle que définie à l’article 6 de la loi n° 89-462 : isolation, ventilation, électricité, chauffage, etc.

2. Loyer manifestement sous-évalué

Si le précédent loyer est nettement inférieur aux loyers constatés dans le voisinage, une revalorisation est possible. La hausse est plafonnée à 50% de la différence entre le loyer précédent et un loyer de référence de marché.

Exemple : Le loyer moyen dans l’immeuble est de 1 000 €/mois, le précédent locataire payait 800 €. La hausse maximale est de (1000 – 800) / 2 = 100 € ? soit 900 €/mois au maximum.

Le décret du 31 août 1990 impose de justifier le loyer de référence avec au moins trois loyers comparables, situés dans des immeubles équivalents et dans la même zone géographique.

3. Travaux récents équivalents à un an de loyer

Si le bailleur a réalisé, dans les six mois précédant la mise en location, des travaux d’un montant au moins égal à une année de loyer, alors le nouveau loyer peut être librement fixé, sans limitation de pourcentage.

Cela concerne notamment des rénovations lourdes (changement de chaudière, refonte électrique, isolation complète, etc.), souvent justifiées par des gains en performance énergétique.

Lors du renouvellement d’un bail

Les règles de renouvellement de bail sont abordées à l’article 5 du décret. Dans ce cas, le loyer peut également être revalorisé, mais sous des conditions strictes et plafonnées :

1. Travaux importants

Si le bailleur a réalisé des travaux d’amélioration ou de mise en conformité depuis la signature ou le dernier renouvellement du bail, il peut appliquer une hausse correspondant à 15% du montant TTC des travaux.

Exemple : Pour 10 000 € de travaux réalisés, une hausse annuelle de 1 500 € est autorisée, soit 125 €/mois.

2. Loyer sous-évalué

Comme pour la relocation, si le loyer est manifestement inférieur aux prix de marché, une hausse encadrée peut être appliquée :

  • jusqu’à 50% de l’écart avec les loyers du voisinage,
  • sous réserve de respecter les plafonds de l’IRL.

Le bailleur doit notifier toute révision de loyer au locataire au moins six mois avant l’échéance du bail. En cas de désaccord, le locataire peut la contester devant le juge des contentieux de la protection.

Précisions pratiques

  • Les travaux pris en compte ne doivent pas faire l’objet d’une contribution locative (article 23-1 de la loi de 1989).
  • Pour les parties communes, la part des travaux doit être déterminée selon les millièmes de copropriété.
  • Le bailleur doit pouvoir justifier par factures les montants engagés.

Ces règles instaurent une certaine équité entre locataires successifs et protègent les occupants contre des hausses abusives. Elles laissent néanmoins aux bailleurs une marge d’ajustement raisonnée lorsqu’ils investissent dans l’entretien ou la modernisation de leurs biens.

Principales règles d’encadrement des loyers 2025-2026
Principales règles d’encadrement des loyers 2025-2026

Quels sont les débats et perspectives autour du dispositif ?

Un outil social… sous pression politique

Depuis sa mise en œuvre, l’encadrement des loyers fait l’objet de débats vifs entre les acteurs du logement. D’un côté, les associations de consommateurs, telles que l’AFOC, l’UNAF ou la Fondation pour le Logement des Défavorisés, défendent ce mécanisme comme un outil de justice sociale. Elles soulignent qu’il permet de freiner la flambée des loyers dans les grandes agglomérations et de limiter les effets de gentrification qui expulsent les ménages modestes des centres-villes.

Selon une étude de l’INSEE publiée en 2023, dans les zones soumises à encadrement, la hausse annuelle moyenne des loyers entre 2020 et 2022 a été inférieure de 1,3 point à celle observée dans les zones non encadrées. Ce résultat, bien que modeste, confirme l’effet modérateur de la mesure sur le coût du logement.

En revanche, les professionnels de l’immobilier, la FNAIM (Fédération Nationale de l’Immobilier) en tête, dénoncent une mesure contre-productive. Elle décourage les bailleurs privés d’investir dans le parc locatif. Ils estiment que l’encadrement :

  • affaiblit la rentabilité locative,
  • désincite à la rénovation ou à la remise sur le marché des logements vacants,
  • et alimente une raréfaction de l’offre, aggravant in fine la pénurie.

La tension frappe particulièrement les métropoles comme Paris, Lyon ou Marseille, où la demande dépasse largement l’offre. Les professionnels redoutent que la pérennisation du dispositif décourage les investisseurs, alors que le marché locatif privé fournit plus de 60% des logements disponibles à la location en zone urbaine.

L’encadrement expérimental : un avenir incertain après 2026

La loi ELAN (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018 a instauré, en parallèle du dispositif général, une mesure expérimentale plus stricte. Elle autorise certaines villes volontaires à fixer un loyer de référence majoré à ne pas dépasser lors d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail.

Actuellement, 72 communes sont concernées, dont :

  • Paris (depuis 2019),
  • Lyon, Bordeaux, Montpellier, Lille,
  • ainsi que plusieurs territoires d’intercommunalité comme Plaine Commune (93) ou Est Ensemble (93).

L’article 140 de la loi ELAN a instauré ce plafonnement expérimental jusqu’au 23 novembre 2026. La loi 3DS de 2022 en a ensuite prolongé la durée d’application. Il s’agit d’un test grandeur nature permettant d’évaluer l’impact d’une réglementation plus rigide des loyers, à l’échelle locale.

Une proposition de loi et un rapport décisif à venir

En juin 2025, des parlementaires de la majorité et des groupes écologistes ont déposé une proposition de loi pour rendre permanent ce dispositif expérimental. Leur objectif consiste à donner aux collectivités locales volontaires la possibilité de pérenniser ce plafonnement localisé, en tant qu’outil de politique du logement adapté aux réalités de chaque territoire.

Dans le même temps, le gouvernement a chargé l’Inspection générale des finances (IGF) et le Commissariat général au développement durable (CGDD) d’évaluer l’impact de cette mesure. Le rapport, attendu au premier semestre 2026, orientera les choix du législateur et définira le futur cadre juridique de l’encadrement des loyers en France.

Plusieurs scénarios sont envisagés :

  • Maintien du cadre actuel jusqu’à la fin de l’expérimentation en novembre 2026 ;
  • Extension du dispositif à de nouvelles villes (Toulouse, Nantes, Nice… en ont fait la demande) ;
  • Intégration dans le droit commun, via une loi sur le logement en 2026 ou 2027.

Le débat est d’autant plus crucial que le sujet du logement s’annonce central dans la campagne des élections présidentielles de 2027, tant la crise du logement s’aggrave.

Ainsi, l’encadrement des loyers cristallise une opposition entre deux visions : l’une sociale, axée sur la protection des ménages modestes, et l’autre libérale, attachée à la liberté contractuelle et à la fluidité du marché immobilier. Son avenir dépendra d’un équilibre politique délicat, entre urgences sociales et logiques économiques.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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