Dans un contexte de reprise timide du marché immobilier et de licenciements en cascade dans le secteur de la construction, le député Lionel Causse a retiré sa proposition de loi relative à la réforme du HCSF. Cependant, cette décision soulève des interrogations. En effet, assouplir les recommandations du HCSF pourrait permettre aux banques d’accorder davantage de crédits. Et, cela, notamment, aux investisseurs et aux primo-accédants. Malgré quelques ajustements fin 2023, la production de crédits reste inférieure aux niveaux de 2022. Dès lors, lever totalement les contraintes du HCSF et laisser les banques apprécier librement les risques ne serait-il pas une solution pour relancer la demande et l’ensemble de la filière ?
La réforme du HCSF : un projet avorté
Lionel Causse, député engagé, a retiré sa proposition de loi visant à réformer le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF). Son objectif initial était de simplifier l’octroi de crédits immobiliers. Cependant, après un examen à l’Assemblée, il juge que son texte est dénaturé par de multiples amendements. Ainsi, il a perdu tout son sens. En effet, après des heures de discussions, il conclut que sa vision n’est plus représentée dans ce qui reste de la proposition. Pour autant, cette décision marque un coup d’arrêt significatif. D’autant plus qu’elle survient dans un moment déjà fragile pour le marché immobilier et le secteur de la construction.
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Détails de la proposition initiale
En janvier, la proposition de loi n° 2091 avait été déposée avec deux objectifs clairs :
- Modifier la composition du HCSF en y intégrant un député et un sénateur, renforçant ainsi la représentativité législative au sein de l’organe.
- Assouplir les conditions d’octroi de crédit pour les personnes à faible risque d’endettement. Cette mesure aurait permis aux banques de déroger à la règle du taux d’effort si elles pouvaient prouver l’absence de risque.
Le parcours législatif de cette réforme a été tumultueux. Dès son passage en commission des finances le 10 avril, la Banque de France exprime ses réserves. Ce qui mène alors à des modifications substantielles du texte original. Par la suite, l’opposition institutionnelle et les ajustements consécutifs affaiblissent la proposition. Ce qui conduit à la décision de retrait par son initiateur.
Implications pour le marché immobilier
Sans réforme du HCSF, les règles strictes sur l’octroi de crédits restent en place. Les investisseurs et les primo-accédants pourraient se voir continuellement limités dans leurs possibilités d’obtenir des financements adaptés à leurs projets. De plus, cela pourrait ralentir la reprise du marché immobilier.
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Retrait de la réforme du HCSF : quel est l’impact sur le marché du crédit immobilier ?
Julie Bachet, directrice Générale de Vousfinancer, déplore le retrait de la réforme du HCSF. Elle pointe du doigt les conséquences de l’immobilisme politique sur la production de crédit. “ Nous avons soutenu cette proposition de loi et regrettons fortement son retrait”, confie-t-elle. De fait, la réforme envisagée aurait permis aux banques une plus grande liberté dans l’évaluation du risque de crédit. Ainsi, elle aurait favorisé la reprise du marché, notamment pour les investisseurs et les primo-accédants.
D’ailleurs, les ajustements temporaires des recommandations du HCSF fin 2023 avaient permis aux banques d’exploiter davantage leur marge de flexibilité. Ceci a témoigné d’un besoin accru de financement au-delà des critères habituels, dans un contexte de hausse des taux de crédit. De même, en décembre 2023, la proportion de prêts non conformes aux directives du HCSF avait grimpé à 15,9 %, comparé à 13,6 % en janvier.
“ Cela a bénéficié surtout aux investisseurs, dont 18,5 % des prêts étaient non conformes en décembre”, précise Julie Bachet. Alors, pourquoi maintenir des contraintes strictes alors que le marché peine à redémarrer ? En effet, lever totalement ces contraintes stimulerait le marché. Et, malgré une légère hausse des taux d’effort, le marché reste stable, sans augmentation notable du surendettement.
Évolution de la demande de crédits immobiliers
Depuis fin 2023, le problème a évolué d’une question d’offre à une question de demande. “ La production de crédits est aujourd’hui inférieure à celle de l’année précédente. Alors, qu’elle était déjà en baisse par rapport à 2022”, explique Bachet. Ainsi, lever les contraintes du HCSF revitaliserait à la fois les investissements et le secteur neuf très affecté par la chute de la demande.
Julie Bachet conclut avec une note d’optimisme mesuré. “Permettre aux banques de juger librement du risque pourrait relancer la demande globale. Cela faciliterait l’accès au crédit pour des projets incluant des rénovations énergétiques. De plus, les primo-accédants pourraient bénéficier de conditions plus favorables.”
En effet, ce changement de politique pourrait transformer le paysage du crédit immobilier, en soutenant la reprise du secteur en ces temps incertains.