Alors que le marché immobilier francilien est particulièrement tendu, il est important de connaître les logements concernés par la loi Climat et résilience. C’est un pas nécessaire pour mieux déterminer les actions prioritaires à réaliser et accélérer l’amélioration du parc. Selon la prévision de l’Institut Paris Région, sans rénovation énergétique, presque la moitié des logements franciliens seraient interdits à la location.
Sans rénovation énergétique, le parc locatif privé serait le plus touché par la loi
Avec l’INSEE, l’Institut Paris Région a étudié le parc immobilier francilien touché par la loi Climat et résilience. Cette analyse est réalisée par situation géographique et par typologie des biens. Il est bon de souligner que les résultats ne sont pas exhaustifs du fait d’éventuelles futures modifications des DPE.
Rappelons que 45 % du parc résidentiel francilien affiche des DPE classés E, F ou G en 2018. Environ 2,3 millions de résidences principales sont donc considérées comme énergivores en Île-de-France. Toutefois, les interdictions à la location s’appliqueront progressivement à ces « passoires énergétiques » de 2025 à 2034.
Dans ce sens, le parc locatif privé est le plus affecté par les mesures imposées par la loi Climat et résilience. En se référant aux DPE enregistrés en 2018, sans rénovation énergétique performante, 745 000 logements ne pourront plus être loués d’ici à 2034. Ces biens seraient répartis comme suit :
- 22 % dès 2025 (étiquette G) ;
- 30 % en 2028 (étiquette F) ;
- 48 % d’ici à 2034 (étiquette E).
Ce volume de biens locatifs concernés constitue 15 % de l’ensemble des logements occupés dans la région francilienne. Cela correspondrait à près de onze années de construction. Cette estimation est fondée sur l’objectif de construire 70 000 logements chaque année (loi relative au Grand Paris).
Un parc locatif privé francilien qui nécessite une rénovation énergétique
En Île-de-France, le parc locatif privé est composé en grande partie de vieux logements. Dans la capitale et la Petite Couronne, on recense 69 % des biens locatifs franciliens, dont 73 % sont construits avant 1974.

Ainsi, la plupart d’entre eux ont été bâtis librement sans aucune réglementation thermique. À Paris notamment, deux tiers du parc locatif privé comprennent des logements étiquetés E, F ou G (265 000 biens). La rénovation énergétique y est plus que jamais urgente afin de limiter l’impact des dispositions de la loi Climat et résilience.
Dans les zones rurales de la région telles que la Seine-et-Marne, les logements locatifs privés sont moins nombreux. Toutefois, ils se concentrent dans le parc ancien. De ce fait, ces vieux logements présentent des étiquettes énergétiques moins performantes. Par exemple, près de 70 % des locations privées sont énergivores dans le Provinois ou le Gâtinais Val de Loing. Comme à Paris et dans la Petite Couronne, les propriétaires bailleurs devraient être incités à rénover leur bien.
Inversement, les territoires franciliens ayant été urbanisés récemment abritent moins de locations privées énergivores. Il s’agit surtout des ex-villes nouvelles. En effet, dans la communauté d’agglomération de Val d’Europe, seuls 38 % des logements locatifs sont classés E, F ou G. Cette proportion s’établit à 43 % dans la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise.
Les occupants des logements énergivores, des ménages modestes
En général, les logements classés E, F ou G en Île-de-France sont souvent occupés par des ménages modestes. En effet, les revenus des locataires des logements énergivores sont inférieurs de l’ordre de 6,1 %. À Paris, les écarts de revenus entre propriétaires de biens énergivores et propriétaires de biens performants sont les plus importants.

Par ailleurs, les logements de petite surface sont globalement moins performants que les logements de grande surface. Près de 70 % des biens de moins de 40 m2 sont classés E, F ou G. Néanmoins, il convient aussi de préciser que les besoins de rénovation énergétique sont aussi élevés pour les maisons individuelles. En effet, 51 % des maisons sont énergivores, contre 43 % pour les appartements.
Quelle stratégie devons-nous donc adopter pour encourager les propriétaires occupants modestes à entreprendre des travaux ? Sachant que les logements énergivores en propriété sont plus souvent occupés par des retraités et des personnes seules. La rénovation des logements locatifs privés ne risquerait-elle pas de causer des hausses de loyers ?
Des obstacles à la rénovation énergétique du parc privé
Dans un contexte de marché tendu, la performance énergétique n’est pas le principal critère de choix d’un logement. L’effet de l’étiquette énergie ou de la valeur verte est encore très limitée en Île-de-France.
Jusqu’à présent, les logements locatifs privés sont convoités en raison de leur localisation centrale. Ainsi, les propriétaires qui reçoivent une forte demande n’ont pas besoin d’assumer d’importants travaux. Notons que deux tiers du par privé est composé
d’appartements, généralement situés dans des copropriétés.
Or la gouvernance de ces immeubles exige des décisions partagées pour engager des travaux. De plus, cette difficulté est renforcée par le profil des occupants du parc énergivore, davantage composé de personnes seules, âgées ou modestes. L’accompagnement des copropriétaires devient dès lors essentiel.
Les retours d’expérience montrent que les logements les plus énergivores ne seraient pas nécessairement rénovés en priorité. Puisque les travaux réalisés ne suffiraient pas obtenir des gains énergétiques suffisants. À titre d’exemple, l’observatoire CoachCopro a recensé les étiquettes « énergie » de 130 000 copropriétés rénovées énergétiquement. Seules 7 % présentaient une étiquette F ou G avant travaux, et seulement un quart une étiquette E.
Vers une massification de la rénovation du parc francilien des résidences principales
Dans un contexte où 20 % des biens énergivores français se concentrent en Île-de-France, il est primordial d’alerter les propriétaires concernés. Ces derniers doivent être accompagnés au plus près dans la mise en œuvre des travaux de rénovation énergétique. Cela contribue grandement à l’atteinte des objectifs de sobriété énergétique et de neutralité carbone. Le tout doit être bien réfléchi afin de limiter l’impact de nouvelles augmentations de loyers à venir.
Il est notamment essentiel d’engager certaines actions :
- favoriser le financement des travaux ;
- optimiser l’accompagnement technique ;
- former tous les acteurs concernés, dont les syndics de copropriété, etc.
En effet, les collectivités territoriales s’impliquent davantage dans cet effort. Elles financent les dispositifs publics de conseil locaux et mobilisent des aides qui viendront compléter les actions d’aides nationales. Leurs premières cibles sont les ménages les plus modestes.
De plus, les travaux de rénovation énergétique engagés devraient vraiment être performants. Ainsi, les professionnels du bâtiment sont conviés à renforcer leurs compétences. Ils doivent désormais maîtriser la rénovation globale, les mono-gestes (remplacement du chauffage, isolation, ventilation, etc.) et l’utilisation des matériaux biosourcés.
Enfin, il faudrait se poser la question de l’accompagnement social des populations. En effet, les habitants des logements à faible performance énergétique ne sont pas les plus gros consommateurs d’énergie. Pour autant, ils pourraient se trouver exclus du parc locatif privé si la rénovation entraîne des hausses de loyer.