La rénovation énergétique du parc immobilier collectif privé revêt un enjeu national majeur dont les solutions ne peuvent que s’inscrire dans la durée. L’Association PLURIENCE entend apporter sa contribution à la réflexion par 19 propositions autour de 6 grands axes.
La rénovation énergétique et les propositions de l’Association PLURIENCE
La rénovation énergétique concerne une partie significative du parc ancien de logements qui représente 90% du parc existant. Le parc des copropriétés comprend 6,9 millions de logements principaux. Des immeubles confiés pour l’essentiel en gestion déléguée à des administrateurs de biens, syndics.
L’association PLURIENCE regroupe les 13 plus grandes entreprises de services immobiliers en France (gestion locative, syndic, transaction) et représente 40% du marché de l’intermédiation. La démarche de PLURIENCE et le cadre d’intervention proposé s’inscrivent sur le cycle de temporalité, de 2020-2050, de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
La loi sur la transition énergétique
Une carte numérique pour tous les futurs immeubles
Généraliser la carte vitale pour tout immeuble
La loi sur la transition énergétique institue le carnet numérique pour tous les futurs immeubles. D’après l’article 11 de la loi du 17 août 2015, « ce carnet numérique de suivi et d’entretien du logement est obligatoire pour toute construction neuve dont le permis de construire est déposé à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation à compter du 1er janvier 2025 ».
« Nous proposons d’anticiper cette clause en rendant obligatoire le carnet numérique pour tout immeuble existant par une mise en place progressive. Pourquoi ne pas l’ouvrir en même temps que s’imposeront les immatriculations des copropriétés prévues par la loi ALUR ? Il constituera le registre numérique du suivi technique de l’immeuble et sera alimenté au fur et à mesure de sa vie », souligne David Chouraqui, Président de l’association Plurience.
L’audit de l’immeuble
Redéfinir les conditions de l’audit de l’immeuble
La loi actuelle institue le principe de l’audit énergétique et technique global d’immeuble mais le limite aux copropriétés de plus de 50 lots ayant un chauffage collectif. Il s’agirait d’étendre l’audit énergétique à tous les immeubles, quel que soit leur statut, avec une montée en puissance calendaire en fonction de la taille ou des caractéristiques des immeubles.
Les conseils syndicaux pourraient être délégataires de la décision et avoir la prérogative de réaliser les audits quel que soit le montant. « Dans la pratique, le montant moyen de ces audits renvoie la décision de la réalisation de ceux-ci aux assemblées générales des copropriétés. Il est rare en effet de constater qu’un conseil syndical ait délégation pour décider d’engagement de dépenses supérieures à 5000 euros. En outre, la mise en concurrence exige au minimum la consultation de 3 bureaux d’études recevant un même cahier des charges », précise David Chouraqui.
Dans une perspective de simplification, le modèle d’audit devrait être unique. De plus, le refus de réaliser ces audits devrait s’accompagner de sanctions en termes d’inéligibilité aux aides. Bien sûr, des critères d’impossibilité (équipements, nombre de compteurs par logement…) pourraient être à définir pour atténuer la rigueur d’une application trop générale.
Par ailleurs, les syndics militent pour quelques évolutions sur la question des travaux d’intérêt collectif sur parties privatives. Selon David Chouraqui, « la principale difficulté réside dans le fait que le syndic, en tant que mandataire du syndicat des copropriétaires, devient maitre d’ouvrage de travaux sur des parties privatives et assume les responsabilités attenantes. Le risque de contentieux dans ces travaux bloque les initiatives. » Ainsi, une assurance garantissant ses responsabilités doit être souscrite par le syndicat. En cas de refus, l’assemblée devra mettre obligatoirement en place un maitre d’œuvre, cette prestation étant incluse dans le devis proposé à l’assemblée générale.
Professionnaliser l’audit
Il y a encore une trop grande dispersion et hétérogénéité de prestataires, au préjudice de la crédibilité et de l’efficience. Il faudrait créer un processus d’habilitation et d’agrément des professionnels du diagnostic. Le gage de professionnalisme qui accompagnerait l’inscription sur une liste d’aptitude après certification RGE faciliterait la reconnaissance du classement énergétique comme facteur différenciant de marché.
Obligation de souscrire une assurance
Garantir la performance énergétique
La crédibilité des projets avancés devant les copropriétaires et les bailleurs pourrait être renforcée par la mise en place d’une obligation de souscrire une assurance de « garantie de performance énergétique rénovation » par les syndicats de copropriété lors de la réalisation du vote des travaux. Celle-ci devra tenir compte de facteurs subjectifs puisque le résultat de l’économie d’énergie peut aussi dépendre de l’utilisateur final de l’équipement. Elle exige des paramétrages que les assureurs pourraient rapidement définir.
Les moyens financiers
La création d’un fonds de travaux est une réelle avancée dans la gestion des copropriétés. Pour la première fois, est introduite la notion d’amortissement. Il devrait pourtant concerner tout immeuble, quel qu’il soit, dès sa livraison. « Cet amortissement doit être traité comme dans une société. En effet, dans la loi ALUR, l’amortissement est affecté au lot sans possibilité d’être récupéré au moment de la vente par l’épargnant. Cette mesure est un frein réel à l’effort d’épargne », indique David Chouraqui. Il faudrait donc permettre à l’épargnant de récupérer son épargne, si elle n’a pas été dépensée en travaux, comme le fait une société qui récupère bien dans la valorisation de son actif, la trésorerie accumulée de ses amortissements.
Le malus écologique sur les bâtiments prévu par la loi sur la transition énergétique introduit l’idée d’un malus payé par le vendeur en fonction de l’étiquette écologique du bien vendu qui viendrait abonder le fonds de travaux de la copropriété. Le montant serait précompté par le notaire au moment de la signature de l’acte. Cette mesure accompagnerait la mise en place de cette nouveauté qu’est l’épargne-amortissement en copropriété.
Certificat d’éconimie d’énergie CEE
En ce qui concerne les certificats d’économie d’énergie (CEE), ils sont difficiles à expliquer, d’autant que leur valorisation dépend des marchés financiers. Il s’agit donc de rendre compatibles ces CEE avec les fluctuations du marché et de privilégier l’intermédiation de courtiers qui prendront des couvertures de cours dès le vote des travaux. Il faudrait également systématiser un versement de leur valeur en début de travaux avec un contrôle à postériori de régularisation après travaux.
La loi sur la transition énergétique a ouvert la possibilité de créer la notion de « bouquet » de travaux comprenant des travaux principaux ou majeurs et des travaux accessoires. Une proposition consiste à appliquer une TVA de 5,5% sur l’ensemble des travaux du bouquet dès lors qu’ils intègrent des investissements d’économies d’énergie.
En matière de financement, des mesures plus anecdotiques peuvent aussi être proposées comme celle de lever les interdictions d’utiliser la publicité sur les façades pour des travaux d’économie ou de rénovation énergétique. Ou encore favoriser l’alimentation d’eau chaude pour tout ou partie d’un immeuble, par l’installation de panneaux photovoltaïques en encourageant l’utilisation des toitures terrasses des immeubles et en autorisant la revente d’énergie si la production est supérieure aux consommations de la copropriété.
Les bonnes démarches selon Plurience
Plurience propose une loi de programmation
Une logique de pérennité à développer
Il faudrait pérenniser les aides sur une durée compatible avec le rythme de décision réalisation des travaux énergétiques. Il serait souhaitable enfin de simplifier le rôle du syndic dans la justification des travaux ouvrant droit à un crédit d’impôt. PLURIENCE propose une loi de programmation de 5 ans pérennisant le financement d’un plan de grande ampleur en direction du parc privé collectif locatif, une équivalence « ANRU privée ». Autre proposition, Pourquoi ne pas ouvrir aux copropriétaires et bailleurs privés les prêts bonifiés accordés par la Banque européenne d’investissement (BEI) ?
« Le besoin d’une information unifiée pour faire face à la complexité des mesures d’aides en matière d’économie d’énergie nécessiterait également la mise en place une plateforme nationale d’information et de relais unique qui pourrait être tenu par l’Agence du Climat Parisienne qui nous semble la plus apte à tenir ce rôle dans l’environnement actuel », indique l’association.
Les contrats des syndics
La mise en œuvre des travaux énergétiques s’inscrit dans la durée. Cette nécessaire temporalité est en contradiction avec les durées des contrats des syndics qui sont régulièrement soumis à une mise en concurrence, bien que celle-ci vienne d’être reportée dans un cycle de 3 ans. L’association préconise ainsi de supprimer la mise en concurrence obligatoire en introduisant en contrepartie une possibilité de révocation ad nutum avec préavis.
Le métier de syndic de copropriété est, dans cette vision à long terme des exigences et attentes de la collectivité et des consommateurs, appelé à élargir son champ de compétence en complétant sa mission traditionnelle de gestion quotidienne de copropriété par une dimension nouvelle de « contributeur d’empreinte énergétique ». Cette mission est reconnue par la possibilité de facturation de prestations « hors forfait » dans le nouveau contrat de syndic.
« Cette revalorisation de la fonction du syndic et de son rôle sociétal est aussi un facteur de succès du plan de rénovation énergétique. C’est pourquoi les professionnels se sont engagés, au travers une charte signée sous l’égide du Plan Bâtiment, à former leurs collaborateurs et à accompagner cet ambitieux projet de rénovation énergétique », conclut David Chouraqui.