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Rénovation énergétique des bâtiments : nouvelles stratégies d’un marché en croissance

Rénovation énergétique des bâtiments : nouvelles stratégies d’un marché en croissance

La rénovation énergétique des bâtiments s’impose comme un enjeu majeur du secteur immobilier français. Stimulé par des réglementations contraignantes et des incitations gouvernementales, ce marché affiche un dynamisme certain. Pourtant, des obstacles persistent. Comment les professionnels s’adaptent-ils pour répondre à la demande croissante ? Quelles innovations émergent pour surmonter les défis ? Plongée dans un secteur en pleine mutation, où performance énergétique rime avec opportunités économiques.

Sommaire :

Le marché de la rénovation énergétique des bâtiments en France

Un secteur en croissance porté par les enjeux environnementaux

Vincent Desruelles, directeur d’études chez Xerfi, souligne l’importance du marché : “Estimé à environ 130 milliards d’euros en 2023 en France, le marché de la rénovation comprend tous les types de travaux destinés à maintenir, restaurer ou modifier des bâtiments existants, en intérieur et extérieur, sur les segments du résidentiel (logements) ou non (bureaux, commerces, bâtiments publics…).”

Dans ce vaste ensemble, la rénovation énergétique des bâtiments se distingue comme le segment le plus dynamique. Cette tendance s’explique par la volonté gouvernementale de réduire drastiquement les émissions de CO2 du parc immobilier. Et, cela, conformément à la stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Vincent Desruelles précise : “Si les travaux d’embellissement et d’amélioration représentent la majorité des interventions, les opérations de rénovation énergétique sont sans conteste le segment le plus dynamique et le plus prometteur.”

Selon les données du Ministère de la Transition écologique, le secteur du bâtiment représente environ 44% de la consommation énergétique nationale et 25% des émissions de gaz à effet de serre.

Des objectifs ambitieux nécessitant une accélération des travaux

Or, pour atteindre les objectifs fixés, il faudrait multiplier par dix le nombre de rénovations dites “performantes”.

En effet, cette ambition implique d’améliorer significativement la performance énergétique des biens immobiliers. Concrètement, il s’agit de les faire passer aux étiquettes énergie A ou B. Pour y parvenir, il est souvent nécessaire d’entreprendre plusieurs types de travaux en parallèle, tels que “le changement des fenêtres, le remplacement du mode de chauffage, l’isolation intérieur/extérieur et des combles, la rénovation de la toiture…”. Par conséquent, ces rénovations représentent un défi technique et logistique considérable.

Pour rappel, le Plan de rénovation énergétique des bâtiments, lancé par le gouvernement en 2018, vise la rénovation de 500 000 logements par an. Cependant, la réalité est loin de cet objectif, comme le montre le tableau suivant :

Le marché de la rénovation énergétique des bâtiments
Ce tableau illustre l’ampleur du défi à relever pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement.

Les leviers de croissance du marché de la rénovation énergétique des bâtiments

Un arsenal d’aides financières pour stimuler la demande

Concernant les incitations financières, Vincent Desruelles précise : “ En plus des incitations fiscales ou aides publiques directes, des réglementations contraignantes poussent à améliorer la performance énergétique des bâtiments, à l’instar de l’interdiction de louer des logements étiquetés G à partir du 1er janvier 2025.”

En 2023, le budget alloué à MaPrimeRénov’ s’élevait à 2,45 milliards d’euros. Depuis son lancement en 2020, ce dispositif a permis de financer plus de 1,5 million de dossiers, selon les chiffres de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

croissance du marché de la rénovation énergétique des bâtiments
En effet, l’État a mis en place diverses incitations pour encourager la rénovation énergétique des bâtiments. Parmi elles, on trouve des subventions comme MaPrimeRénov’, des primes issues des certificats d’économie d’énergie (CEE) et des prêts à taux zéro. Ces dispositifs visent à rendre les travaux plus accessibles financièrement pour les propriétaires.

En 2023, le budget alloué à MaPrimeRénov’ s’élevait à 2,45 milliards d’euros. Depuis son lancement en 2020, ce dispositif a permis de financer plus de 1,5 million de dossiers, selon les chiffres de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Vincent Desruelles note également une évolution récente : “Pour flécher les aides financières vers les rénovations les plus efficaces thermiquement et les ménages les moins aisés, précisons que le dispositif MaPrimeRénov’ a été ajusté en janvier 2024.”

L’évolution des réglementations comme moteur du changement

La loi Climat et Résilience de 2021 (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021) prévoit un calendrier progressif d’interdiction de location des passoires thermiques :

L'évolution des réglementations comme moteur du changement
Cette réglementation impacte directement 5,2 millions de logements en France, selon les estimations du Ministère de la Transition écologique.

Les défis à surmonter

Le coût élevé des travaux : un frein pour les ménages

Malgré les aides, le reste à charge pour les ménages demeure souvent élevé. Cette réalité a déjà entraîné une réduction du nombre de projets de rénovation performante en 2023 et début 2024. Les professionnels du secteur doivent donc innover pour proposer des solutions de financement adaptées.

Selon une étude de l’ADEME publiée en 2022, le coût moyen d’une rénovation énergétique performante s’élève à environ 60 000 euros pour une maison individuelle. Même avec les aides existantes, le reste à charge peut représenter un investissement conséquent pour de nombreux ménages.

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée

Vincent Desruelles met en lumière ce défi majeur : “L’Ademe a ainsi chiffré à plus de 220 000 professionnels supplémentaires par an les effectifs nécessaires à la seule réalisation de travaux de rénovation performante d’ici 2030.”

La Fédération Française du Bâtiment (FFB) souligne que 80% des entreprises du secteur rencontrent des difficultés de recrutement. Cette situation est exacerbée par le besoin de compétences spécifiques liées aux nouvelles technologies et normes énergétiques.

Les stratégies des acteurs pour se différencier

L’émergence de solutions de financement innovantes

Vincent Desruelles propose des pistes de solution : “Pour solvabiliser les ménages, les entreprises du secteur pourraient selon nous diversifier les solutions de financement grâce à des dispositifs innovants d’ingénierie financière. Le tiers financement et les contrats de performance énergétique offrent par exemple l’avantage de financer les travaux grâce aux économies futures réalisées sur la facture énergétique.”

L’accompagnement renforcé des professionnels

Face à la complexité du marché, des enseignes de négoce VM ou Point P par exemple) et des distributeurs (Saint-Gobain) proposent des solutions d’accompagnement aux petites entreprises et artisans. Ces services incluent conseils et formations pour aider les professionnels à s’adapter aux nouvelles normes et méthodes de construction.

Saint-Gobain, par exemple, a lancé en 2023 son programme “Objectif RGE” pour accompagner les artisans dans l’obtention de la certification “Reconnu Garant de l’Environnement”, essentielle pour réaliser des travaux éligibles aux aides de l’État.

Les perspectives du marché de la rénovation énergétique des bâtiments

Une croissance modérée mais constante

Vincent Desruelles donne ses prévisions : “Au rythme de 3,5% par an en moyenne et sur la base d’une réglementation inchangée, le marché de la rénovation de bâtiments s’établira à 145 milliards d’euros en 2026, d’après nos prévisions.”

Bien que significative, cette progression reste en deçà des attentes initiales, freinée par divers facteurs économiques et structurels.

Les copropriétés : un segment prometteur

Sur les tendances futures, Vincent Desruelles ajoute : “Deux tendances vont toutefois dynamiser le marché. D’abord, la demande en provenance des copropriétés va monter en puissance. Ensuite, une meilleure organisation du marché des travaux énergétiques va permettre d’augmenter le nombre de chantiers réalisés.”

Selon l’Agence Parisienne du Climat, 96% des copropriétés parisiennes sont concernées par l’obligation de réaliser un audit énergétique d’ici 2026. Ce qui devrait stimuler les projets de rénovation dans ce segment.

En conclusion, le marché de la rénovation énergétique des bâtiments en France présente un potentiel de croissance important, malgré les défis à relever. Les innovations en matière de financement et d’organisation du secteur seront cruciales pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par le gouvernement en matière de transition énergétique. En effet, l’évolution de ce marché sera déterminante pour l’avenir du secteur du bâtiment et pour la réalisation des objectifs environnementaux de la France.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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