L’Agence Parisienne du Climat s’est associée à l’institut de recherche Efficacity pour publier une nouvelle étude sur les blocages et les leviers économiques pour la massification des rénovations en copropriété.
En combinant l’approche terrain de l’APC au contact des copropriétés avec l’expertise d’un institut de recherche, l’objectif est de montrer en quoi l’analyse économique et statistique des projets de rénovation contribue à mieux identifier les blocages et leviers pour faciliter le passage aux travaux. Il s’agit notamment d’étudier les co-bénéfices de la rénovation énergétique et leur monétarisation au-delà des seules économies d’énergie : valorisation patrimoniale, confort, qualité sanitaire du logement, etc.
Des copropriétaires difficiles à convaincre
Chaque étape clé du projet (audit, mission de maitrise d’œuvre, lancement des travaux) est sanctionnée par un vote en assemblée générale. Celui-ci ne peut être favorable que si un long travail préalable de communication et de conviction a été mené auprès de l’ensemble des copropriétaires. Ceux-ci sont le plus souvent hétérogènes (occupant ou bailleur, âge, formation et information, revenus et ressources, etc.) et constituent donc un public difficile à convaincre (maîtrise d’ouvrage « éclatée »).
De manière générale, les informations sur les gains énergétiques potentiels et les coûts associés sont mal connus. Par ailleurs, la qualité de la mise en œuvre et le comportement des usagers peuvent avoir un effet sensible sur la performance réelle. La communication et la diffusion d’information par les « leaders énergétiques » sont, de l’avis des Conseillers Info Energie Climat, des éléments clés pour la réussite du projet.
Le dilemme propriétaire – locataire
Le locataire n’a pas d’incitation à réaliser des investissements en efficacité énergétique dans le logement puisqu’il n’a pas la garantie d’occuper ce dernier suffisamment longtemps pour pouvoir bénéficier de son investissement. Le propriétaire, de son côté, peut être enclin à ne pas investir car il ne profitera pas des économies d’énergie, puisque la facture énergétique est payée par le locataire.
Une solution pour enrayer ce problème serait pour les propriétaires et les locataires d’écrire un contrat pour partager les coûts et les bénéfices ; la loi Grenelle a introduit la possibilité d’une troisième ligne de quittance, qui revient à faire porter une partie du coût de l’investissement par le locataire. Toutefois, cette pratique reste limitée, notamment parce que l’économie d’énergie n’est pas garantie. Les copropriétaires sont loin d’être tous occupants. En réalité, à Paris, en moyenne, seuls 35% des logements sont occupés par les propriétaires comme résidence principale ; environ 55% sont pris par des locataires (et 10% sont vacants).
Les copropriétaires n’ont pas la même sensibilité à leur facture énergétique, leur confort ou à l’environnement
Tous les ménages ne partagent pas le même intérêt pour les investissements en efficacité énergétique. L’hétérogénéité peut être associée au type de système de chauffage (chaudière, chauffage électrique…), à la taille du logement ou du ménage, à sa qualité thermique initiale (orientation des façades, étage, travaux déjà effectués…), à des préférences individuelles de température intérieure ou encore au climat. Une autre forme d’hétérogénéité est liée à la sensibilité environnementale des ménages.
De nombreux investissements énergétiques efficaces ne sont pas éligibles aux sources traditionnelles de financement
Les établissements de crédit établissent généralement des taux d’intérêt pour les projets d’efficacité énergétique qui sont plus élevés que le coût du capital et ils ne prennent pas en compte dans les ratios d’endettement les bénéfices futurs liés aux économies d’énergie.
Les outils de financement sont nombreux, tant à l’échelle nationale (CITE, éco-PTZ individuel ou collectif, aides de l’Anah, etc.), que locale (aides des directions régionales de l’ADEME, des Régions, etc.). Pour autant, les banques accordent des conditions moins avantageuses que celles des prêts immobiliers ; dans ce dernier cas, elles ont la garantie du bien immobilier, tandis que dans le premier, les économies d’énergie ne sont pas garanties.
Les dépenses d’investissement dans l’efficacité énergétique sont soumises à différents types d’incertitude
On peut évoquer l’incertitude sur les gains énergétiques, l’incertitude sur les prix de l’énergie, l’incertitude sur les politiques publiques ou encore l’incertitude sur les prix des futurs produits et sur les coûts d’installation. De plus, Il est difficile d’évaluer les bénéfices procurés par les investissements en efficacité énergétique.
En présence d’incertitude, d’une part, le ménage peut repousser le moment d’investir s’il fait l’hypothèse d’une possible baisse des prix de l’énergie. Cette baisse de prix rendrait en effet l’investissement non rentable ex-post. D’autre part, un investissement profitable aujourd’hui, pourrait ne pas le devenir si les prix de l’énergie diminuent. L’incertitude sur les politiques publiques a aussi des effets sur le choix. Une décision d’investir peut alors être indéfiniment remise à plus tard.
Comment « réduire » les temps de retour et en parler au propriétaire ?
Plutôt que de prendre en compte la totalité de l’investissement, on pourrait ne considérer que le surcoût lié à la performance énergétique. Dans ce cas, on considère implicitement que les travaux énergétiques sont « embarqués » lors des travaux de maintenance et d’entretien classiques de l’immeuble. Aussi, seuls les surcoûts pour la performance énergétique doivent être pris en compte pour le calcul du temps de retour. C’est une des pistes étudiées pour stimuler la rénovation énergétique.
Les enquêtes menées par l’Agence Parisienne du Climat (APC) confirment ce que les enquêtes de l’ADEME pointent depuis longtemps sur d’autres segments de ménages, à savoir que la rénovation énergétique est rarement envisagée seule, elle se présente à l’esprit des copropriétaires lorsque d’autres travaux doivent intervenir (toiture, ravalement, chaufferie, etc.). L’économie d’énergie est une des motivations, mais le confort et l’embellissement sont également décisifs.
En juxtaposant l’ensemble des externalités et co-bénéfices associés à la rénovation énergétique comme l’amélioration de la qualité de l’air intérieur ; du confort thermique et acoustique ou encore une valorisation du patrimoine, on peut espérer construire un indicateur de « rentabilité socio-économique » similaire à un temps de retour sur investissement, et dont la valeur serait significativement inférieure.
Les subventions publiques améliorent sensiblement l’équilibre économique
En supposant que tous les propriétaires d’une copropriété sont occupants et bénéficient du Crédit d’Impôt pour la Transition Energétique (CITE), le coût d’investissement réel est réduit de 30% et le temps de retour également. Dans ce cas, près de 45% des rénovations BBC sont amortissables en moins de 20 ans, et 20% en moins de 10 ans. Un raisonnement similaire s’applique pour les autres dispositifs de subventions (y compris les prêts bonifiés ou les prêts à taux zéro), qui peuvent tous être rapportés à un montant brut d’aide financière venant diminuer le coût d’investissement réel.
Valorisation du patrimoine dans une « valeur verte »
La performance énergétique d’un bâtiment pourrait lui conférer un premium sur le marché, à la vente et la location. Dans une approche en coût global, un bâtiment performant diminue le coût de fonctionnement et il est naturel de retrouver cet effet capitalisé dans le prix de vente ; cet effet est toutefois déjà pris en compte dans le calcul du temps de retour.
Pour mettre en mouvement la rénovation des copropriétés, il faut donc mobiliser tous les leviers qui peuvent inciter à l’action : intégrer la rénovation énergétique dans une approche patrimoniale plus large, bien évaluer les baisses de charges consécutives aux travaux et mettre en avant l’ensemble des bénéfices associés (externalités environnementales et sanitaires, confort et embellissement, pérennité des ouvrages et travaux annexes, etc.).
> Publication économique APC/Efficacity sur la rénovation énergétique en copropriété