La rénovation du logement s’impose comme un enjeu clé pour répondre aux défis énergétiques, sociaux et environnementaux en France. Alain Tourdjman, directeur des Études et Prospective du Groupe BPCE, souligne dans son rapport l’urgence de transformer les intentions de rénovation en actions concrètes. Alors que les émissions de gaz à effet de serre diminuent globalement, le secteur du bâtiment reste à la traîne, freiné par une connaissance limitée des outils comme le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE). Malgré une sensibilisation accrue, seulement 5 % des Français projettent des rénovations à court terme. Pourtant, des opportunités significatives émergent. Notamment grâce à la convergence entre la transition énergétique et les besoins croissants d’adaptation des logements au vieillissement de la population.
Sommaire :
- Les enjeux cruciaux de la rénovation du logement
- Les freins actuels : perception, coût et connaissances
- Les solutions : politiques publiques et nouvelles motivations
- Conclusion : pour une vision intégrée de la rénovation du logement
Les enjeux cruciaux de la rénovation du logement
Une contribution essentielle à la transition énergétique
Le secteur du bâtiment est responsable d’environ 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Selon le Groupe BPCE, 37 % des logements français sont classés comme des passoires énergétiques (DPE E, F ou G).
“La rénovation énergétique du logement n’est plus une option, mais une obligation pour atteindre les objectifs climatiques à l’horizon 2030. En effet, c’est un levier essentiel pour moderniser le parc immobilier français”, déclare Alain Tourdjman, directeur des Études et Prospective du Groupe BPCE.
Objectifs de la transition énergétique :
- Réduire de 60 % le nombre de passoires thermiques d’ici 2030.
- Supprimer 75 % des chaudières au fioul et environ 20 % des chaudières au gaz. Et, cela, en favorisant des solutions plus durables comme les pompes à chaleur ou les réseaux de chaleur urbains.
Or, ces objectifs ambitieux nécessitent une accélération massive des rénovations. Puisque l’on doit atteindre 200 000 rénovations ambitieuses par an, contre seulement 67 000 à 90 000 aujourd’hui.
Un enjeu social et économique majeur
Au-delà des économies d’énergie, la rénovation du logement améliore significativement la qualité de vie.
“Rénover, c’est aussi réduire les charges des ménages tout en améliorant leur confort de vie et en valorisant leur patrimoine immobilier”, explique Alain Tourdjman.
Avec le vieillissement de la population, l’adaptation des logements aux besoins du grand âge devient un impératif. Cette convergence entre transition énergétique et adaptation sociale offre une opportunité unique de transformation.
Les freins actuels : perception, coût et connaissances
Une perception erronée de la situation
Les propriétaires sous-estiment souvent la nécessité de rénover leurs logements. Tandis que 37 % des logements sont classés E, F ou G, seulement 17 % des propriétaires en sont conscients. En outre, cette mauvaise connaissance limite leur engagement dans des projets de rénovation énergétique.
Connaissance des classes DPE :
- 72 % des propriétaires connaissent la classe énergétique de leur bien.
- Mais cette connaissance varie fortement selon l’âge. Puisque seuls 41 % des plus de 75 ans sont informés, contre 72 % des 25-34 ans.
Un coût souvent jugé prohibitif
Le coût des rénovations énergétiques reste un obstacle majeur. Une rénovation globale peut facilement dépasser 25 000 euros. Or, c’est un montant que peu de ménages peuvent assumer sans aides substantielles. En 2024, bien que le budget de MaPrimeRénov’ ait été fixé à 4 milliards d’euros, seuls 1,7 milliard ont été consommés, traduisant une difficulté d’accès pour les ménages.
Alain Tourdjman souligne que “les aides publiques doivent être mieux ciblées et accompagnées d’un effort de simplification pour devenir véritablement efficaces”.
Une bureaucratie dissuasive : un frein majeur à la rénovation du logement
La multiplicité des dispositifs : un labyrinthe administratif
La rénovation du logement en France s’accompagne d’un large éventail d’aides financières, allant de MaPrimeRénov’ aux Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), en passant par l’Éco-PTZ (prêt à taux zéro). Si ces dispositifs offrent des opportunités réelles, leur nombre et leurs conditions d’éligibilité engendrent souvent une confusion pour les ménages.
MaPrimeRénov’, par exemple, est censée être accessible à tous les foyers pour financer des travaux de rénovation énergétique. Cependant, le rapport du Groupe BPCE souligne que beaucoup de ménages peinent à naviguer dans les critères complexes de cette aide. Les plafonds de revenus, la catégorisation des travaux, ou encore les délais d’instruction des dossiers découragent souvent les propriétaires.
De plus, certains dispositifs, comme les CEE, nécessitent des démarches via des partenaires privés (fournisseurs d’énergie ou entreprises spécialisées), ce qui ajoute un intermédiaire supplémentaire.
Alain Tourdjman rappelle que “la fragmentation des outils et la multiplicité des interlocuteurs freinent l’adhésion des ménages, même les plus motivés”.
Une lenteur administrative préjudiciable
Un autre frein réside dans la durée des procédures. En 2024, les délais moyens de traitement pour les aides comme MaPrimeRénov’ pouvaient atteindre plusieurs mois, notamment en raison du volume croissant des demandes et de la sous-dotation des services administratifs. Selon une étude du ministère de la Transition écologique, près de 20 % des demandes déposées en 2023 étaient encore en attente de traitement six mois après leur soumission.
Or, cette lenteur affecte directement la motivation des ménages. En particulier, ceux qui envisagent des travaux urgents. Pour beaucoup, l’attente s’avère incompatible avec leurs projets à court terme.
Des conditions d’éligibilité mal alignées avec la réalité des ménages
Les critères pour accéder aux aides publiques, bien qu’adaptés pour certains foyers modestes, se révèlent souvent trop restrictifs pour une grande partie des classes moyennes. Par exemple :
- Les plafonds de revenus pour certaines aides excluent les ménages situés juste au-dessus des seuils, mais qui ont néanmoins besoin d’un soutien financier.
- Les exigences techniques, comme l’obligation de passer par des entreprises labellisées RGE (Reconnu Garant de l’Environnement), limitent le choix des prestataires. Or, ces entreprises, peu nombreuses, sont souvent surchargées. Ce qui prolonge encore les délais de réalisation des travaux.
Alain Tourdjman souligne : “Il est urgent d’adapter les critères d’accès aux aides pour mieux refléter la diversité des situations financières et techniques des ménages français”.
Le manque de communication et d’accompagnement
Outre la complexité des dispositifs, leur méconnaissance reste un problème central. Selon une enquête du Baromètre BPCE de novembre 2024 :
- 15 % des ménages seulement déclarent bien connaître les aides disponibles.
- La majorité ne sait pas comment procéder pour en bénéficier ni à qui s’adresser.
Dans ce contexte, beaucoup renoncent purement et simplement à engager des démarches. Ainsi, la communication institutionnelle doit se renforcer pour guider efficacement les ménages dans leurs projets de rénovation du logement.
Les solutions : politiques publiques et nouvelles motivations
Renforcer et simplifier les aides publiques pour la rénovation du logement
Pour encourager la rénovation du logement, l’État doit augmenter les budgets alloués. Mais, aussi, simplifier l’accès aux dispositifs. En cela, la réintroduction d’aides mono-geste en 2024 a permis un regain d’intérêt. Toutefois, ces aides doivent s’accompagner d’un focus accru sur les rénovations globales.
Alain Tourdjman rappelle que “l’objectif est d’inciter les ménages à passer à l’action en élargissant le champ des motivations et en les accompagnant tout au long du processus ”.
Diversifier les motivations des ménages
Outre les économies d’énergie, d’autres besoins peuvent motiver les propriétaires à rénover :
- Adaptation au grand âge. Avec l’accélération du vieillissement, les ménages recherchent des solutions pour rendre leur logement plus accessible.
- Confort et embellissement. 61 % des Français envisagent des travaux non énergétiques, comme l’embellissement ou l’agrandissement.
Conclusion : pour une vision intégrée de la rénovation du logement
La rénovation du logement est bien plus qu’un simple impératif écologique. En effet, c’est une opportunité de transformer les conditions de vie, de moderniser le parc immobilier et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
“La convergence des besoins, qu’il s’agisse de baisses de charges, de qualité de vie ou d’adaptation au vieillissement, constitue une force motrice qui peut transformer des intentions en actions”, conclut Alain Tourdjman.
En intégrant ces différents enjeux à la transition énergétique, la France pourrait accélérer les rénovations tout en respectant ses objectifs climatiques. Pour autant, la bureaucratie dissuasive constitue un frein majeur à la rénovation du logement. Mais, des solutions pragmatiques existent pour la simplifier. En rendant ces dispositifs plus accessibles et fluides, l’État pourrait considérablement augmenter le nombre de projets réalisés, tout en soutenant les ambitions climatiques et sociales de la France.