Les besoins en logements en France s’annoncent considérables d’ici 2050. Selon une étude du ministère de l’Aménagement du territoire, il faudra créer près de 4 millions de résidences principales supplémentaires pour répondre aux évolutions démographiques, réduire le mal-logement et mieux gérer le parc immobilier existant. Certains territoires connaîtront une forte pression résidentielle. Tandis que d’autres devront surtout mobiliser les logements vacants et encadrer l’usage des résidences secondaires. Pour relever ce défi, les pistes évoquées misent sur une territorialisation plus fine des politiques publiques, une sobriété foncière favorisant l’optimisation du bâti existant et une accélération maîtrisée de la construction neuve. Le tout en cohérence avec les objectifs de transition écologique. Un chantier titanesque qui redéfinira la politique du logement pour les prochaines décennies.
Sommaire :
- Comment la démographie influence-t-elle les besoins en logements ?
- Quelle est l’ampleur du mal-logement à résorber ?
- Comment mobiliser le parc existant pour répondre aux besoins en logements ?
- FAQ – besoins en logements à horizon 2030-2050
- Sources
À retenir – besoins en logements 2030-2050
- 4 millions de résidences principales supplémentaires seraient nécessaires entre 2020 et 2050.
- 49% de la croissance des ménages concentrée dans seulement 16 zones d’emploi, principalement le littoral atlantique et les grandes métropoles.
- 1,3 à 1,5 million de logements nécessaires pour résorber le mal-logement actuel.
- Un potentiel de mobilisation important avec 0,6 million de logements vacants et 0,3 million de résidences secondaires mobilisables.
- L’optimisation du parc existant comme levier prioritaire face aux contraintes foncières.
Comment la démographie influence-t-elle les besoins en logements ?
Une croissance portée par les ménages d’une personne
Les besoins en logements en France sont directement conditionnés par les projections démographiques et l’évolution du nombre de ménages. Selon une étude officielle du SDES, la progression du nombre de ménages constitue le principal moteur de la demande future en résidences principales.
Trois scénarios pour anticiper la demande
Ces projections reposent sur trois scénarios de population élaborés par l’Insee – bas, central et haut – chacun ayant un impact significatif sur la planification urbaine nationale.
- Scénario central : 4 millions de résidences principales supplémentaires entre 2020 et 2050, dont 2,0 millions pour 2020-2030, 1,4 million pour 2030-2040 et 0,6 million pour 2040-2050.
- bas : 2,8 millions de logements nécessaires.
- haut : 5,6 millions de logements attendus.
Ces écarts traduisent l’incertitude démographique qui pèse sur les besoins futurs.
La décohabitation, un facteur clé de la demande
Au-delà de la croissance naturelle de la population, la décohabitation aux âges intermédiaires joue un rôle majeur. Divorces, séparations et moindres mises en couple conduisent à la formation de foyers plus petits. L’étude estime que les ménages supplémentaires seraient très majoritairement composés de petites unités. Ainsi, dans le scénario central, on estime à 3,4 millions supplémentaires, le nombre de personnes vivant seules d’ici 2050. Parmi elles, 2,1 millions auront plus de 60 ans, conséquence directe du vieillissement de la population.
Une polarisation territoriale croissante
L’évolution des besoins en logements ne se fera pas de manière homogène en France. Selon les données de l’étude, 16 zones d’emploi concentreraient 49% de la progression du nombre de ménages. Alors qu’elles ne représentaient que 30% de la population en 2020.
Cette concentration touche principalement :
- Les zones d’emploi du littoral Atlantique : Bayonne, Bordeaux, Nantes, Rennes.
- Les grands pôles urbains : Toulouse, Montpellier, Lyon, Strasbourg, Lille.
- La Corse et les départements d’outre-mer.
Une migration résidentielle marquée
Les projections démographiques mettent en évidence une migration résidentielle soutenue jusqu’en 2030. Ainsi, on observe une progression annuelle du nombre de ménages comprise entre +181 000 et +242 000 unités selon le scénario retenu.
- 2030-2040 : rythme ralenti, entre +72 000 et +190 000 ménages par an.
- 2040-2050 : stabilisation, voire baisse, selon les scénarios de population.
Des zones en déclin démographique
À l’inverse, 36 zones d’emploi de France métropolitaine sur 287 verraient leur nombre de ménages diminuer dès le début de période. Elles sont principalement situées dans la moitié Nord du pays.
Cette polarisation territoriale des besoins en logements impose une approche différenciée de l’aménagement du territoire. À cet effet, l’étude recommande de cibler les zones en forte croissance pour anticiper la pression sur le foncier et les infrastructures. En parallèle, elle préconise d’adapter les politiques de logement aux territoires en décroissance.
Quelle est l’ampleur du mal-logement à résorber ?
Le mal-logement : un volet incontournable des besoins en logements
Au-delà de la croissance démographique, les besoins en logements incluent la résorption des situations de mal-logement déjà existantes. L’étude identifie cinq catégories prioritaires :
- Sans-abri : 27 500 personnes de 15 ans et plus (début 2021).
- Familles logées à l’hôtel : 23 800.
- Familles en centre d’hébergement : 69 200.
- Ménages en habitation de fortune : 48 100.
- Situations de cohabitation subie : ménages hébergés chez un tiers ou dans leur famille faute de solution autonome.
L’analyse révèle qu’il faudrait 120 000 logements supplémentaires dès 2021 pour répondre aux besoins des personnes sans domicile. S’y ajoutent :
- 153 000 ménages hébergés chez un tiers.
- 267 000 ménages vivant dans leur famille, selon les données du Système national d’enregistrement des demandes de logements sociaux.
Ces chiffres traduisent l’ampleur de la crise du logement pour les populations les plus fragiles. Les projections sont préoccupantes. Ainsi, dans le scénario central, le nombre de ménages en cohabitation contrainte dans leur famille passerait de 267 000 en 2021 à 434 000 en 2050.
En outre, les jeunes adultes de 25 à 34 ans représentent déjà 40% de ces situations. Ce qui souligne l’obstacle majeur que constitue l’accès au logement autonome pour cette tranche d’âge.
Les logements inadéquats : un pan souvent invisible des besoins en logements
L’évaluation des besoins en logements ne se limite pas à la construction de nouvelles résidences principales. En effet, elle inclut aussi les logements inadéquats, identifiés selon des critères à la fois objectifs (taille, état, configuration) et subjectifs (ressenti des occupants).
Selon l’enquête Logement 2020, environ 0,5 million de logements sont jugés trop petits par leurs occupants, mais non réallouables à d’autres ménages.
- Parmi eux, 350 000 logements d’une surface inférieure ou égale à 25 m² sont difficilement mobilisables comme résidences principales.
- Cette situation est particulièrement marquée en Île-de-France, qui concentre 24% de ces cas, illustrant la pression du marché immobilier francilien.
L’analyse territorialisée révèle que ces logements sont surreprésentés dans :
- Les zones à forte proportion de petits logements,
- Les territoires où la tension locative rend difficile la réallocation.
L’habitat dégradé et indigne : un enjeu sanitaire et social
Côté qualité, les données sont tout aussi préoccupantes :
- 370 000 ménages déclarent vivre dans un logement en mauvais état,
- 332 000 ménages rapportent des signalements d’habitat indigne.
Au total, environ 400 000 logements très dégradés ne pourraient pas être réhabilités, selon les projections. D’ailleurs, l’outil ORTHI (Repérage et Traitement de l’Habitat Indigne) confirme qu’entre 24% et 31% des logements signalés en 2017 n’avaient plus d’occupants entre 2018 et 2022. Ce qui révèle des phénomènes simultanés de surpeuplement et de sous-peuplement.
Comment mobiliser le parc existant pour répondre aux besoins en logements ?
Le potentiel des résidences secondaires
Les résidences secondaires constituent un gisement immobilier souvent sous-exploité pour renforcer l’offre de résidences principales. En 2021, la France (hors Mayotte) comptait 3,6 millions d’unités selon les données Filocom. L’étude projette une progression tendancielle de +0,5 million d’ici 2050 dans le scénario central, principalement en raison du vieillissement de la population.
Un phénomène lié aux générations du baby-boom
Le taux de détention de résidences secondaires augmente nettement avec l’âge :
- 0,5% chez les 20-29 ans,
- 15% chez les 70-89 ans en 2021.
Cette évolution s’explique par l’arrivée des cohortes du baby-boom dans les tranches d’âges élevées, avec un bond de :
- +1,1 million d’individus pour les 60-69 ans,
- et de +1,2 million pour les 70-79 ans sur la dernière décennie.
Un potentiel de mobilisation mesurable
Si 10% des résidences secondaires étaient converties en résidences principales dans chaque zone d’emploi, cela permettrait de répondre à 295 000 besoins en logements, soit 0,3 million d’unités mobilisables.
En outre, cette stratégie de mobilisation immobilière serait particulièrement efficace dans :
- La bande littorale allant de Royan à Menton,
- Les zones frontalières pyrénéennes,
- La Bretagne et la Normandie.
Dans ces territoires, la mobilisation pourrait couvrir 10 à 50% des besoins en logements sur la période 2020-2050.
L’optimisation du parc vacant
Selon l’analyse du SDES, les logements vacants de longue durée constituent un levier majeur pour limiter la construction neuve et répondre aux besoins en résidences principales. Au 1er janvier 2021, la France (hors Mayotte) comptait 2,1 millions de logements vacants depuis plus d’un an, soit un taux de vacance de 5,5%.
Réduire le taux de vacance pour libérer du parc existant
L’étude explore plusieurs scénarios de mobilisation immobilière basés sur un taux plancher de vacance.
- Un objectif fixé à 3% permettrait de remettre sur le marché 0,6 million de logements pour un usage en résidence principale.
- Ce chiffre s’inscrit dans un total de 0,9 million de logements surnuméraires par rapport à ce seuil.
Cependant, l’analyse révèle que seules 15 zones d’emploi sur 287 affichaient un taux de vacance longue inférieur à 3% en 2021, illustrant le caractère ambitieux de cet objectif.
Adapter la mobilisation aux besoins locaux
La réussite de cette stratégie dépend de l’adéquation géographique entre la localisation des logements vacants et les besoins en logements. Ainsi, les zones les plus prometteuses sont celles qui combinent :
- Croissance démographique soutenue,
- Parc vacant suffisant et adapté.
Ce potentiel se concentre particulièrement dans la moitié sud de la France, hors zones littorales. En effet, dans cette région, la mobilisation pourrait couvrir jusqu’à 50% des besoins locaux en résidences principales.
Ces stratégies s’inscrivent pleinement dans une logique de zéro artificialisation nette (ZAN) et de démolition-reconstruction optimisée. En cela, elles réduisent la pression sur les sols tout en valorisant le bâti existant.
FAQ – besoins en logements à horizon 2030-2050
Combien de logements la France devra-t-elle construire d’ici 2050 ?
Selon l’étude officielle du SDES, la France aura besoin de 4 millions de résidences principales supplémentaires entre 2020 et 2050 dans le scénario central. Ce chiffre varie entre 2,8 millions (scénario bas) et 5,6 millions (scénario haut) selon l’évolution démographique. Le rythme annuel passerait de 208 000 logements par an sur 2020-2030 à 55 000 sur 2040-2050.
Quels territoires concentrent les plus gros besoins en logements ?
Les besoins se concentrent massivement sur 16 zones d’emploi qui représentent 49% de la croissance des ménages : le littoral atlantique (Bayonne, Bordeaux, Nantes, Rennes), les grandes métropoles (Toulouse, Montpellier, Lyon, Strasbourg), la Corse et l’outre-mer. À l’inverse, 36 zones d’emploi du Nord de la France verraient leur nombre de ménages diminuer.
Peut-on réduire les besoins en mobilisant le parc existant ?
Oui, le potentiel est significatif. L’étude identifie 0,6 million de logements vacants mobilisables avec un taux plancher de 3% et 0,3 million de résidences secondaires avec un objectif de mobilisation de 10%. La mobilisation des logements trop grands pourrait également répondre aux besoins de 1,05 million de personnes seules.
Combien coûterait la résorption du mal-logement ?
L’étude évalue à 1,3-1,5 million le nombre de logements nécessaires pour résorber le mal-logement. À titre indicatif, créer 35 000 logements sociaux supplémentaires par an (50% de la production récente) permettrait une résorption en 40 ans. Cette estimation nécessite des politiques ciblées vers les populations les plus précaires.
Comment évolueront les besoins en logements après 2050 ?
L’étude projette une stabilisation puis une diminution des besoins après 2050, particulièrement dans le scénario de population basse où le pic du nombre de ménages serait atteint dès 2039. Le vieillissement de la population et la fin de l’effet baby-boom contribueraient à ce ralentissement des besoins en logements.
Sources
Service des données et études statistiques (SDES) – Ministères de l’Aménagement du territoire, Transition écologique. “Besoins en logements à horizon 2030, 2040 et 2050”, Collection Études, juin 2025. Auteurs : Béatrice BOUTCHENIK et Guillaume RATEAU (SDES).