Projet de Loi Sapin II : Pourquoi les qualifications initiales dans le BTP sont indispensables ?
Le projet de loi SAPIN retient toute l’attention de la CAPEB car à terme cela s’avérera dramatique pour le secteur de l’artisanat comme pour sa clientèle. L’article 43 du projet envisage en effet de modifier l’article 16 de la loi RAFFARIN du 5 juillet 1996, consacré à la qualification professionnelle exigée pour l’exercice de certaines activités.
Depuis cette date de 1996, « la construction, l’entretien et la réparation des bâtiments ne peuvent être exercés que par une personne qualifiée professionnellement… ». Désormais, les obligations de qualification professionnelle applicables aux activités artisanales dépendront de deux critères :
– Le risque pour la santé et la sécurité des personnes (consommateurs comme professionnels). Un décret viendra fixer la liste des activités concernées.
– L’activité effectuée au sein d’un même métier et non plus le métier dans son ensemble. Ainsi l’ancien critère de la complexité des métiers est abandonné.
La liste des activités devrait demeurer la même et inclure toujours la construction, l’entretien et la réparation des bâtiments. Mais la notion de complexité a disparu !
Le projet Sapin précise trois points qui relèvent désormais du domaine du décret d’application et qui se révèlent inquiétants. Il fixera plus tard le niveau de diplômes ou d’expérience professionnelle et ne retiendra comme critère de détermination que les risques des activités pour la santé et la sécurité des personnes. Ce qui raye d’un trait de plume l’ancien critère de la loi Raffarin relatif à la complexité de chacun des métiers.
La suppression du critère de la complexité des métiers ne tient pas compte de l’évolution des techniques et l’ouverture du marché à des composants de plus en plus diversifiés et sophistiqués, qui renforcent les risques inhérents à certaines prestations, réparations ou fabrications. Dans le secteur du bâtiment, la complexité est une donnée inhérente : le nombre de normes techniques ne cesse d’augmenter et d’évoluer au gré des innovations technologiques.
A titre d’exemple, la prochaine RT 2018 (réglementation thermique) élargie les exigences en termes de performance thermique et environnementale Seront intégrées des performances de type : la qualité de l’air, émission des gaz à effet de serre, les énergies renouvelables…
Ce qui a pour conséquence de permettre à n’importe qui de s’improviser maçon, couvreur etc… Mais attention, les métiers du bâtiment sont de vrais métiers !
Autre précision préoccupante, ce décret pris en Conseil d’Etat ne sera plus soumis à l’avis des professionnels, tels que les organisations professionnelles, l’Assemblée permanente des chambres de métiers et l’Assemblée des chambres de commerce et d’industrie. Le retrait de la consultation obligatoire des professionnels, via leurs organisations et leurs chambres consulaires, pour la rédaction du décret d’application est un mauvais coup porté au secteur artisanal : quel message fait-on ainsi faire passer aux entreprises ? Ne sont-elles pas les plus à même de connaître les risques et la complexité de leurs métiers ?
Enfin, la qualification désignée dans ce décret portera sur une partie d’activité seulement du dit métier. On ne peut raisonnablement scinder les métiers entre une partie d’un métier relevant de la qualification professionnelle et une autre partie n’en relevant pas.
La suppression des qualifications professionnelles initiales et exigibles à l’installation d’une entreprise du bâtiment neutralise aussi l’assurabilité de ces dernières. En effet, cette suppression va conduire inévitablement à une hausse de la sinistralité et donc à une hausse prévisible de l’ensemble des primes d’assurance pour toutes les entreprises. Sur quoi pourront se fonder les assureurs pour délivrer leurs garanties ? Ne disposant plus des critères « objectifs » liés aux des qualifications initiales, les assureurs pratiqueront une politique du prix. Les professionnels devront-ils exercer sans assurance aucune ? Que devient alors la protection du consommateur que le projet de loi entend réaffirmer ?
Avec le projet Sapin 2, soit on travaillera sans assurance, soit on travaillera sans qualification, soit les deux à la fois ! Ce projet de loi cumule à lui seul tous les inconvénients : disparition d’une entreprise artisanale classique, multiplication des micro-entreprises, recours systématisé au travail low-cost, pertes de recettes fiscale doublée d’une atteinte à l’équilibre des comptes sociaux…