Le prélèvement de l’impôt à la source (PAS) entrera en vigueur dans 6 mois, le 1er janvier 2019. Comment les banques vont-elles calculer le taux d’endettement des futurs acquéreurs ? Avant ou après déduction de l’impôt ? Et, les Français, ne vont-ils pas avoir le sentiment que leur pouvoir d’achat baisse ?
Prélèvement à la source et impact sur le marché immobilier
Vousfinancer, un acteur majeur dans le domaine du crédit, soulève des inquiétudes quant à l’introduction du prélèvement à la source. Cette réforme pourrait, selon eux, désorienter bon nombre de Français. En conséquence, un phénomène d’attentisme chez les acheteurs est à craindre. Cela risque d’entraîner une certaine instabilité sur le marché immobilier au début de l’année 2019.
D’une part, l’investissement locatif, spécifiquement dans le cadre du dispositif Pinel, pourrait connaître un regain d’intérêt. Cette dynamique serait due à l’augmentation des salaires nets, visible sur les fiches de paie, résultant de la baisse de l’impôt prélevé à la source. D’autre part, un élément pourrait freiner cet élan. En effet, le fait que la réduction d’impôt soit considérée avec un certain délai pourrait dissuader certains investisseurs potentiels.
Cette situation complexe mérite une attention particulière. Elle illustre comment des changements fiscaux peuvent influencer de manière significative le comportement des acteurs du marché immobilier.
La prise en compte de l’impôt sur le revenu dans le taux d’endettement
À ce jour, pour évaluer le taux d’endettement et donc la capacité d’emprunt du futur emprunteur, les banques ne tiennent pas compte des impôts. Elles prennent les revenus nets perçus par le ménage et font un rapport entre la future charge de remboursement mensuelle et ces revenus. Ce taux d’endettement ne doit pas dépasser 33%.
Impôts et Capacité d’Emprunt : Un Enjeu Majeur pour 2019
Les impôts sur le revenu jouent un rôle clé dans le calcul du “reste à vivre”. C’est la somme qui reste à l’emprunteur après avoir déduit de ses revenus nets toutes les charges. Ces charges incluent les prêts en cours, le loyer (si le financement concerne un bien autre que la résidence principale), l’impôt, et les pensions alimentaires versées.
Avec l’arrivée du prélèvement à la source en 2019, les impôts seront directement retranchés du salaire. Ce changement pourrait influencer la manière dont les banques évaluent le taux d’endettement. Elles pourraient estimer le salaire net après impôts. Cette méthode réduirait la capacité d’emprunt, impactant ainsi le pouvoir d’achat immobilier. Ce scénario n’est souhaité ni par les emprunteurs, ni par le marché, ni même par les banques.
Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, met en lumière cette problématique. À ce jour, les modalités de calcul ne sont pas encore arrêtées. La réflexion est en cours. Il reste incertain si le calcul s’établira sur le salaire net avant ou après impôt. L’enjeu est de taille.
Pour illustrer, prenons un salaire net de 5000€. Si le taux d’endettement est calculé sur le salaire net après impôt, soit 4500€, la capacité d’emprunt diminue. Or, sur 25 ans, à un taux de 1,60%, cela représente une baisse de 40 000 €. En termes de pouvoir d’achat immobilier, cela équivaut à une perte de 20 m² (avec un prix médian en France de 1980 €/m²). Et ce, à salaire net avant impôt constant.
” À ce jour, rien n’a été décidé et la réflexion est toujours en cours… On ignore si le calcul sera fait sur le salaire net avant ou après impôt, mais l’enjeu est considérable.” – Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.
Un effet psychologique à prévoir lié à la baisse du salaire net versé
Autre sujet d’inquiétude : la mise en place du prélèvement à la source. En effet, les Français pourraient avoir un effet psychologique « d’appauvrissement » en ayant le sentiment de « gagner moins d’argent ». Et, cela, au vu de la baisse du salaire en bas de leur fiche de paie.
” Même si 60% des Français qui paient l’impôt sur le revenu sont mensualisés, ce chiffre en baisse. Parce qu’ils étaient 70,8% en 2012. Mais, comme le marché immobilier est souvent impacté par des effets psychologiques, on peut craindre un attentisme des emprunteurs au 1er trimestre. Le temps de s’habituer à cette nouvelle gestion de leur finance.” – Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer.
Clarification des fiches de paie : implications pour les emprunteurs et les banques
Pour atténuer l’effet psychologique du prélèvement à la source, une nouvelle mesure a été adoptée. Selon un arrêté publié le 12 mai au Journal officiel, les fiches de paie afficheront deux montants distincts. Le premier est le “net à payer après prélèvement de l’impôt”, soit le montant réellement perçu par le salarié. Le second, plus mis en avant, est le “net à payer avant impôt sur le revenu”. Ce dernier correspond au montant actuellement visible sur les fiches de paie.
Face à cette situation, les banques pourraient envisager une approche spécifique. Elles pourraient choisir de se baser sur le “net à payer avant impôt” pour leurs calculs. Cette méthode simplifierait les adaptations informatiques nécessaires. Cependant, elle comporterait un risque légèrement accru. En effet, le salaire effectivement versé sur le compte du futur acheteur serait inférieur à ce montant.
Prélèvement à la source : un levier potentiel pour l’investissement locatif
Les changements attendus avec le prélèvement à la source pourraient être bénéfiques. Si le décret d’application, prévu cet été, est adopté, cela impacterait l’investissement locatif. Actuellement, un tel investissement réduit l’impôt l’année suivante. Avec le prélèvement à la source, cette réduction d’impôts se traduirait par une augmentation du salaire net après impôt, visible en bas de la fiche de paie.
Renaud Cormier, directeur général de Théséis et vice-président de l’Association Française de l’immobilier locatif (AFIL), apporte un éclairage sur ce sujet. Selon lui, avec le prélèvement à la source, réaliser un investissement défiscalisant continuera de diminuer les impôts. Mais, surtout, cela augmentera le salaire net après impôts. Investir en Pinel, par exemple, deviendrait ainsi un moyen d’accroître le pouvoir d’achat. Cette perspective pourrait encourager davantage les investissements de ce type.
Exemple pour un célibataire avec 50 000 € de revenus
Avant l’achat d’un investissement en Pinel :
- Taux de prélèvement à la source : 15, 6%
- Montant de l’impôt : 7793 € soit 649,4 €/ mois
Après l’achat d’un bien éligible au dispositif Pinel, d’un montant de 170 000 € :
- Taux de prélèvement = toujours 15.6%
- Montant de l’impôt après prise en compte de la réduction : 4.393 € soit 366,08 €/mois (soit l’équivalent d’un taux de prélèvement de 8,8%)
- Gain d’impôt : 3 400 €, soit une hausse du revenu net mensuel après impôt de 283,34 € par mois
” Le taux du prélèvement à la source est calculé hors réduction d’impôt. Ce qui implique que les impôts prélevés en 2019 ne tiendront pas compte de la réduction fiscale liée à un investissement Pinel qui leur sera restituée seulement en septembre 2019. Or, pour un investissement réalisé en 2019 et livré également en 2019, la réduction ne sera effective qu’en septembre 2020. Soit plus d’un an après. Dans ce contexte, on pourrait observer un flottement des ventes de Pinel également, sauf si le décret d’application attendu durant l’été vient modifier la donne.” – Renaud Cormier.