La paupérisation des copropriétés frappe aujourd’hui plus de 215 000 immeubles en France. C’est ce que révèle le rapport sénatorial remis le 20 mai 2025 à la ministre du Logement. Cette dégradation progressive touche particulièrement les petites copropriétés et transforme un million de logements en “parc social de fait”. Près de soixante ans après la loi de 1965, la Commission d’enquête sénatoriale présidée par Amel Gacquerre dresse un constat alarmant. en effet, 35% des copropriétés affichent un diagnostic énergétique F ou G. Tandis que 300 000 d’entre elles échappent même à l’immatriculation obligatoire. Face à ce phénomène qui plonge des familles entières dans l’habitat indigne, ce rapport propose 25 recommandations concrètes. Leur objectif ? Sortir définitivement la paupérisation des copropriétés de l’angle mort des politiques publiques.
Sommaire :
- Les chiffres alarmants de la paupérisation des copropriétés
- Les causes multiples de la paupérisation des copropriétés
- L’inefficacité des dispositifs actuels
- 25 recommandations pour endiguer la paupérisation des copropriétés
- Source
- FAQ – Paupérisation des copropriétés
Les chiffres alarmants de la paupérisation des copropriétés
La paupérisation des copropriétés traduit une crise profonde du logement en France, mise en lumière par la commission d’enquête sénatoriale lancée en février 2024. On comptait environ 888 000 copropriétés en 2023. Pourtant, plus de 300 000 d’entre elles ne sont toujours pas immatriculées au Registre national d’immatriculation des copropriétés (RNIC). Cette carence administrative cache une réalité plus inquiétante : 70,5 % des copropriétés sont de petite taille. Or, ce sont souvent les moins bien gérées, et donc les plus exposées à la dégradation et à la paupérisation.
“Il y a urgence à agir pour sortir ces copropriétés de l’angle mort des politiques publiques, car derrière chaque façade dégradée, ce sont des familles qui vivent dans des conditions indignes”, alerte la sénatrice Amel Gacquerre, présidente de la Commission d’enquête.
La Banque des territoires tire la sonnette d’alarme. Elle estime que 215 000 copropriétés affichent des impayés représentant au moins 20 % de leur budget annuel. Ce chiffre illustre l’ampleur de la paupérisation à l’œuvre dans le parc de copropriétés. Ces données sont issues du rapport remis le 20 mai 2025 à la ministre du Logement Valérie Létard par les sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté.
Des passoires énergétiques en masse
La dégradation énergétique des copropriétés reflète clairement leur paupérisation. Selon les données de l’Anah reprises dans le rapport sénatorial, 35 % des copropriétés présentent un DPE classé F ou G. En Île-de-France, la situation est encore plus préoccupante. Puisque la moitié des logements jugés indignes se trouvent en copropriété. Ce constat souligne l’urgence d’intervenir pour enrayer la dégradation du parc immobilier collectif.
La situation énergétique critique des copropriétés s’explique par un parc immobilier vieillissant et un manque chronique de rénovation. Faute de moyens, les copropriétaires reportent les travaux. Un cercle vicieux s’installe. Les charges énergétiques élevées fragilisent encore plus les finances, rendant toute amélioration impossible. La paupérisation s’aggrave, alimentée par l’inaction contrainte.
Comme le souligne Amel Gacquerre : “Nous devons rompre ce cercle infernal qui transforme nos copropriétés en véritables passoires énergétiques et financières pour les familles les plus modestes.”
Un million de copropriétaires en précarité
La dimension sociale de la paupérisation des copropriétés se matérialise par la présence d’environ un million de copropriétaires modestes ou très modestes. La précarité économique alimente les impayés de charges, accélérant la dégradation des immeubles. Ainsi, les 10 millions de logements en copropriété abritent une population de plus en plus vulnérable.
Cette paupérisation transforme peu à peu ces immeubles en un “parc social de fait”, comme le souligne le rapport sénatorial. Pourtant, ces copropriétés ne bénéficient d’aucun des soutiens accordés au logement social public, ce qui renforce encore leur fragilité.
Les causes multiples de la paupérisation des copropriétés
Le vieillissement, facteur déterminant
La paupérisation des copropriétés s’enracine dans un double vieillissement pointé par la commission d’enquête : celui des bâtiments et celui des copropriétaires. En effet, les immeubles construits entre les années 1960 et 1980 arrivent à un stade où des travaux lourds deviennent indispensables. En parallèle, de nombreux copropriétaires, désormais retraités avec des revenus limités, peinent à financer ces rénovations.
Cette double contrainte affaiblit profondément le fonctionnement des copropriétés. Elle bloque les décisions en assemblée, ralentit les projets de travaux et aggrave les tensions financières. Résultat : la dégradation des immeubles s’accélère, sans solution rapide en vue.
“Nous constatons un phénomène de double peine : des immeubles qui vieillissent mal et des propriétaires qui n’ont plus les moyens d’assumer les charges croissantes”, observe la sénatrice Amel Gacquerre.
L’explosion des charges énergétiques et les impayés
La flambée des prix de l’énergie accélère la fragilisation des copropriétés. Pour de nombreux copropriétaires modestes, les charges de chauffage et d’électricité deviennent intenables. Les impayés se multiplient, tout comme les tensions entre résidents. Cette hausse pèse lourdement sur les trésoreries, empêchant l’entretien courant des immeubles. Le cercle vicieux s’installe : les budgets s’appauvrissent, les travaux sont repoussés, et la paupérisation s’aggrave.
La spirale des marchands de sommeil
La dégradation des copropriétés ouvre la porte à des dérives inquiétantes. Le rapport sénatorial dénonce clairement l’arrivée des marchands de sommeil. Profitant de la fragilité financière des immeubles, ils rachètent des lots à bas prix. Puis, ils les transforment en logements insalubres, souvent loués à des personnes en situation de grande précarité. Ce phénomène aggrave encore la spirale de paupérisation.
“Ces prédateurs de l’immobilier profitent de la détresse des copropriétés pour enrichir leur business sur le dos des plus précaires”, dénonce fermement Amel Gacquerre, appelant à des sanctions renforcées.
Pour faire face à ces dérives, le rapport recommande de renforcer la lutte contre les marchands de sommeil. Il propose d’instaurer des sanctions en cas de manquement à l’obligation de signalement par les professionnels. Il suggère aussi de doter les services municipaux de nouveaux pouvoirs d’enquête. L’objectif : mieux repérer et sanctionner les abus pour protéger les copropriétés les plus fragiles.
L’inefficacité des dispositifs actuels
Des outils sous-utilisés et inadaptés
Les dispositifs existants comme le mandat ad hoc ou les Plans d’aide au redressement de copropriétés en difficulté (POPAC) restent largement sous-utilisés. De même, les Opérations de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD, ORCOD-IN) et les Programmes d’intérêt collectif (PIC) souffrent de leur complexité et de leur longueur. Leur mise en œuvre reste difficile face à l’urgence de certaines situations de paupérisation des copropriétés.
“Nous avons identifié une véritable mosaïque d’outils qui ne fonctionnent pas ou mal. Il faut simplifier et coordonner notre action publique”, insiste la présidente de la Commission d’enquête.
Des professionnels démunis et sous-formés
Face à la complexité des situations, syndics et administrateurs judiciaires manquent souvent d’outils adaptés. Leur formation ne les prépare pas toujours à gérer ces crises mêlant droit, finances et problématiques sociales. À cet effet, le rapport sénatorial propose de renforcer les moyens d’action. Ainsi, il recommande d’augmenter le nombre d’administrateurs provisoires et de créer une spécialisation pour les administrateurs judiciaires.
“Nous devons professionnaliser davantage les acteurs de terrain pour qu’ils puissent accompagner efficacement ces copropriétés en détresse”, explique Amel Gacquerre.
Une forme juridique inadaptée aux réalités contemporaines
La loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété atteint ses limites face aux enjeux actuels. Conçue il y a près de soixante ans, elle ne répond plus aux réalités de terrain, notamment celles des grands ensembles dégradés ou des petites copropriétés fragiles. Ces dernières restent largement en dehors des politiques publiques.
25 recommandations pour endiguer la paupérisation des copropriétés
Face à l’ampleur de la paupérisation des copropriétés, la Commission d’enquête sénatoriale a formulé 25 recommandations structurées autour de trois axes majeurs. Ces propositions visent à transformer radicalement l’approche des pouvoirs publics face à ce fléau qui touche des centaines de milliers d’immeubles.
“Nos 25 recommandations constituent une feuille de route ambitieuse mais réaliste pour sauver ces copropriétés de l’abandon”, affirme la sénatrice Amel Gacquerre, convaincue de la nécessité d’une action publique coordonnée.
Mieux repérer, prévenir et traiter les difficultés
Pour freiner la paupérisation des copropriétés, les sénatrices proposent plusieurs leviers d’action. Elles recommandent en priorité de renforcer le renseignement du Registre national d’immatriculation des copropriétés (RNIC). Mieux alimenté, ce registre permettrait d’identifier plus tôt les copropriétés à risque, avant qu’elles ne basculent dans la précarité.
Autre mesure clé : généraliser les “Maisons de l’habitat” portées par les intercommunalités. Ces structures réuniraient professionnels et associations pour accompagner les copropriétaires de manière proactive, simplifier les démarches et prévenir les situations critiques.
“Il faut aller vers ces copropriétés en difficulté avant qu’il ne soit trop tard. C’est un enjeu de santé publique”, martèle Amel Gacquerre, insistant sur l’aspect préventif de cette approche.
Pérenniser et améliorer les politiques publiques
Parmi les mesures proposées, la création d’une banque de la rénovation et de la copropriété se démarque par son ambition. Cette institution dédiée aurait pour mission de mobiliser des financements ciblés et de coordonner les actions publiques. En centralisant les ressources et les expertises, elle offrirait une réponse structurelle à la paupérisation des copropriétés.
L’élargissement des aides de l’Anah aux copropriétés comptant moins de 75 % de résidences principales et aux petites structures représente une avancée majeure. Cette réforme viserait à soutenir un segment aujourd’hui exclu des dispositifs publics, alors qu’il reste parmi les plus vulnérables.
De même, la facilitation du recours aux Fonds de solidarité pour le logement (FSL) au profit des copropriétaires pauvres ouvrirait un nouveau dispositif de soutien direct pour prévenir la paupérisation des copropriétés.
Permettre un meilleur fonctionnement des copropriétés
Le renforcement des obligations d’information et de formation des nouveaux acquéreurs constitue une mesure préventive essentielle. La publication de l’arrêté prévu depuis 2014 par la loi ALUR permettrait enfin l’information complète des acquéreurs sur les risques de paupérisation.
“Dix ans après la loi ALUR, il est inadmissible que les acquéreurs achètent encore dans l’ignorance totale des charges et des difficultés de leur future copropriété”, s’insurge Amel Gacquerre, réclamant la publication immédiate de cet arrêté.
La rédaction d’un règlement de copropriété type par le ministère de la Justice simplifierait considérablement la gestion des petites copropriétés. Ainsi, il préviendrait certaines causes de paupérisation des copropriétés liées aux dysfonctionnements juridiques.
Pour limiter les impayés, le rapport propose deux mesures concrètes : généraliser la mensualisation des charges de copropriété et allonger la durée maximale des plans d’apurement jusqu’à 10 ans. Ces ajustements techniques offriraient un réel soulagement aux copropriétaires les plus fragiles. En lissant les paiements dans le temps, ils contribueraient à réduire l’impact financier de la paupérisation sur les budgets modestes.
“Nous devons humaniser le recouvrement des charges en proposant des solutions de paiement adaptées aux familles modestes”, plaide la sénatrice.
Source
Cet article repose entièrement sur les travaux de la Commission d’enquête sénatoriale sur la paupérisation des copropriétés. Remis le 20 mai 2025, le rapport a été conduit par Amel Gacquerre, sénatrice du Pas-de-Calais et présidente de la commission, aux côtés de Marianne Margaté, sénatrice de Seine-et-Marne et rapporteure. Lancée en février 2024, l’enquête s’est appuyée sur une centaine d’auditions et plusieurs déplacements de terrain, notamment dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne et en Essonne. Elle débouche sur 25 recommandations concrètes pour enrayer la dégradation des copropriétés françaises.
FAQ – Paupérisation des copropriétés
1. Combien de copropriétés sont concernées par la paupérisation en France ?
Selon le rapport sénatorial de mai 2025, la Banque des territoires estime que 215 000 copropriétés présentent un montant d’impayés d’au moins 20% de leur budget annuel. Sur les 888 000 copropriétés estimées en France, plus de 300 000 ne sont même pas immatriculées au registre officiel, ce qui illustre l’ampleur du phénomène.
2. Quelles sont les principales causes de la paupérisation des copropriétés ?
Les causes identifiées par la Commission d’enquête sont multiples : le vieillissement du bâti et des copropriétaires, la précarité économique touchant un million de copropriétaires modestes, l’explosion des charges énergétiques liée aux prix de l’énergie, et l’augmentation des conflits internes. Ces facteurs créent un cercle vicieux qui transforme les copropriétés en “parc social de fait”.
3. Que proposent les 25 recommandations du Sénat ?
Les recommandations s’articulent autour de trois axes : mieux repérer et prévenir les difficultés (amélioration du registre des copropriétés, création de “Maisons de l’habitat”), pérenniser les politiques publiques (création d’une banque de la rénovation, élargissement des aides Anah), et améliorer le fonctionnement des copropriétés (règlement type, lutte contre les impayés, formation des acquéreurs).
4. Pourquoi 35% des copropriétés sont-elles des passoires énergétiques ?
Cette situation résulte du vieillissement du parc immobilier, principalement construit dans les décennies 1960-1980, et de l’absence de travaux de rénovation énergétique. Les copropriétaires, souvent modestes ou âgés, ne peuvent pas financer les travaux nécessaires. Ainsi, ils créent un cercle vicieux où les charges énergétiques élevées appauvrissent encore davantage les résidents.
5. Comment les marchands de sommeil exploitent-ils la paupérisation des copropriétés ?
Les marchands de sommeil profitent de la fragilité financière des copropriétés dégradées pour acquérir des lots à bas prix. Ils transforment ensuite ces logements en habitats insalubres destinés à une population vulnérable, aggravant encore la dégradation des immeubles. Le rapport préconise de renforcer les sanctions et les pouvoirs d’enquête des services municipaux pour lutter contre ce phénomène.